1.1 Le positionnement épistémologique

Au préalable à la description de nos outils méthodologiques il paraît dans notre cas important de situer notre positionnement épistémologique. En effet, suivant l’adage « il est difficile d’être juge et partie », du fait de notre activité professionnelle, notre positionnement de chercheur peut être compliqué par des établissements partenaires pouvant être à la fois impliqués par nos activités professionnelles et par nos travaux. La difficulté de pouvoir maintenir la position de recherche peut aussi être aggravée par notre propre éthique universitaire. Ainsi dans l’idée notamment initiée par Durkheim43, dans ces conditions, il peut être plus difficile pour le chercheur de considérer les faits sociaux comme des choses et d'en chercher les causes et les effets sans risquer de faire intervenir des causes subjectives. Ces faits doivent être intégrés comme préalable de notre travail et comme nous le verrons par la suite, les effets doivent être positivés par les outils méthodologiques choisis pour traiter la problématique.

Nous devons donc trouver un positionnement épistémologique équilibré en évitant tout au moins deux écueils : d’une part, limiter au maximum son propre engagement, notamment dans le débat sur la marchandisation de l’éducation - d’autre part, pouvoir traiter le sujet des spécificités interculturelles, en tentant de limiter l’interférence de ses spécificités propres. Ainsi, dans une situation de recherche internationale, interculturelle, il importe de se doter des moyens d’observation et d’analyse qui se démarquent de ses habitus 44 . Nous ne devons pas être limités par nos préjugés, perceptions, au risque de « passer à côté » de l’intérêt de l’observation. « Sauver en éthique une forme de rationalité et de subjectivité dans la démarche du chercheur implique que l'on distingue le connaître de l'être et que l'on en fasse apparaître le juste équilibre. C'est dire aussi que la subjectivité inclinerait plutôt à la certitude, à l'évidence et la rationalité au recul, au doute plus tard érigée en méthode »45.

C’est ainsi que notre ambition méthodologique et les outils de gestion peuvent se marier à notre expérience et notre engagement de chercheur pour nous aider à mener à bien nos travaux. En effet, certains débats tels que l’offre publique versus l’offre privée - l’offre anglo-saxonne versus l’offre francophone - la stratégie de volume et la notion de rentabilité, la pérennité des accords partenariaux - etc., peuvent tout à fait être sujets à de vives discussions et engager aussi les personnes en leur nom et/ou, par delà, au nom de leur organisation professionnelle. Notre rationalité, par essence limitée46, doit donc être compensée par l’ensemble des outils quantitatifs et qualitatifs, les expériences professionnelles et l’ensemble des informations, mises en œuvre ou recueillies, pour accumuler suffisamment de connaissances et conduire finalement à la réalisation de nos objectifs de recherche.

Notes
43.

Emile Durkheim, Le suicide, PUF, 1930, pp. 314-315.

44.

Pierre Bourdieu, «Le Sens pratique», Éditions de Minuit, 1980, pp. 87 et ss.

45.

Magali Prodhomme, « La subjectivité : élément pour une éthique de la Recherche », texte de la communication à la journée d'étude : La relation du "sujet chercheur" à la recherche , Lyon 2, le 7 juin 2002.

46.

Simon Herbert A., “Rationality in Political Behavior”, in Political Psychology Revue, presentation Carnegie Mellon University., 1995, 16, 45-63.