Chapitre 2 : enjeux du marché de l’éducation et du développement

Quelle est la relation entre le développement durable des pays et leur capital humain ? À partir de cette question, quel est le rôle du marché de l’éducation en tant qu’outil de formation du capital humain dans le contexte du marché de l’éducation ? Plus que tout autre chose, les pays émergents doivent utiliser toutes leurs ressources pour garantir leur développement, mais à quelles conditions ? Parmi les ressources à gérer, celle qui concerne la formation du capital humain paraît la plus complexe. Elle exige à la fois des capacités internes, qui se traduisent notamment par l’appareil éducatif mais aussi des échanges avec le monde extérieur, qui se traduisent par le transfert des savoirs. Mais qu’arrive-t-il lorsque ni l’une ni l’autre de ces conditions n’est garantie ? Nous allons donc observer la manière avec laquelle les pays émergents tentent de résoudre le problème crucial de l’enrichissement des connaissances de leurs ressources humaines. Comment font-ils pour transformer leur capital humain en capital social, c’est-à-dire, en une valeur ajoutée pour leur développement ?

Cette situation crée les conditions d’un marché de l’éducation à l’échelle mondiale. La demande des pays émergents est très forte. Face à elle, l’offre des établissements étrangers, censée pouvoir y répondre, s’accentue suite à leur motivation grandissante de vouloir s’internationaliser notamment en exportant des formations ou en accueillant des étudiants. Il y a donc croisement d’intérêts entre les enjeux du développement des pays émergents et des pays développés avec, pour scène principale, le marché mondial des savoirs et toutes ses imperfections. De fait, on peut se demander si la prestation éducative est un service comme un autre et si la qualité du transfert des connaissances est exclusivement garantie par la seule notoriété de l’offre étrangère. Le marché mondial de l’éducation pose ainsi, aussi, la question des enjeux qualitatifs que l’on peut attacher à celle du développement durable : transférer quel savoir, selon quelle qualité et pour quel profit ?

Notre chapitre traitera donc des enjeux globaux du marché de l’éducation et de ses conséquences pour le développement des pays émergents. Dans la suite de notre recherche, nous aborderons particulièrement le cas des pays d’Asie de l’Est, région où se trouve le Viêt-nam, mais c’est aussi une région où les pays émergents sont nombreux et où le marché de l’éducation se développe fortement. De nombreux pays de la zone se retrouvent en effet en train de poursuivre une politique d’ouverture internationale et de privatisation à l’image des grands pays développés de la région tels que le Japon ou la Corée. Nous verrons donc dans un premier temps pourquoi il est si important pour ces pays de s’appuyer sur leurs ressources humaines pour soutenir leurs activités économiques et sociales. Nous essaierons ensuite de comprendre pourquoi ils ont recours à l’ouverture internationale pour former leurs élites, quelle est leur politique éducative et quelles sont leurs attentes envers l’offre étrangère. Nous essaierons notamment de mesurer les risques éventuels d’avoir recours à la sous-traitance ou à la privatisation d’une partie de son système éducatif et particulièrement de l’enseignement supérieur. Après avoir défini ce que nous pouvons considérer comme la demande politique, économique et sociale qui motive l’émergence du marché mondial de l’éducation, nous nous pencherons sur le rôle de l’étudiant en tant qu’acteur principal d’une prestation éducative. Nous essaierons surtout d’évaluer s’il est véritablement en mesure de pouvoir assumer les multiples fonctions qui lui incombent et qui peuvent paraître parfois contradictoires dans les conditions d’exercice d’un marché imparfait. Seront notamment observés les problèmes d’informations et d’assurance qualité qui entourent les prestations éducatives et qui doivent garantir et guider le libre choix de l’étudiant. Nous verrons ensuite comment se comporte l’offre étrangère : pourquoi est-elle motivée par le transfert de ses formations, quelles sont les prestations qu’elle propose, mais aussi quels sont les risques stratégiques qu’elle prend en les assumant ? Entre une demande pressante provenant d’acteurs multiples, une offre très diversifiée et un marché qui se cherche et qui est en pleine croissance, nous tenterons d’évaluer les prestations. Ainsi, nous nous interrogerons sur les grands enjeux qualitatifs de ce marché du savoir à travers la capacité de l’offre de pouvoir répondre à la demande des acteurs présents dans les pays émergents ?