2.2.1 Le concept de capital humain

Le capital humain peut se définir comme les connaissances, qualifications, compétences et autres qualités possédées par un individu et intéressant l’activité économique89. Pour la société, c’est la corrélation efficace entre le processus des connaissances acquises par une personne et leurs disponibilités pour produire une activité sociale ou économique spécifique et au bon moment. C’est un vecteur essentiel pour garantir le développement des pays et son importance le place comme sujet permanent de préoccupation des pays et des organisations internationales. Il constitue un bien immatériel qui peut faire progresser ou soutenir la productivité, l’innovation et l’employabilité. Il sous-entend toute activité génératrice de richesses ou de revenus, qu’elle soit marchande ou pas, formelle ou pas, lucrative ou bénévoles. Il peut croître, se réduire ou devenir inutile, par exemple, si la personne arrive au mauvais moment, autrement dit si la connaissance est obsolète.

Ce problème d’obsolescence des connaissances est une réalité dans la majorité des pays en développement90. Différentes études par pays et par secteur d’activités permettent de constater que ce n’est pas le manque de main d’œuvre qui pose le plus de problèmes, mais l'inadéquation fréquente entre les qualifications proposées et les qualifications demandées. Les pays en développement qui ont une forte croissance économique, contrairement à certains pays développés, ont aussi une forte croissance démographique91. Ces pays peuvent donc, soit, dans le cadre de la formation initiale, produire des programmes adaptés aux jeunes sortant du secondaire, soit former et améliorer le capital humain dans la cadre de la formation continue ou professionnelle.

Ces personnels proviennent essentiellement de secteurs obsolètes qui ne résistent pas à la modernisation, à la concurrence, aux grandes réformes agraires ou administratives, aux privatisations92. Les entreprises domestiques sont ainsi fortement exposées à la concurrence internationale : délocalisations, rachats et créations se traduisent par de nouveaux emplois et de nouveaux métiers à un rythme soutenu. Les personnels à former peuvent provenir des secteurs en cours de modernisation ou de reconversion. Ils sont nombreux à valoriser leur expérience de formation dans un domaine d’expertise, tel que les nouvelles technologies, afin de tenter leur chance sur le marché de l’emploi.

L’évolution des théories sur le capital humain s’est toujours accompagnée d’un souci de calcul de la rentabilité de l’investissement, soit de la collectivité, soit de l’individu. Dans les années soixante, des économistes tels que Gary Becker et Jacob Mincer ont élaboré aux USA une théorie du capital humain partant d’un double constat93: premièrement, les revenus du travail s’élèvent avec le niveau d'instruction et de compétences ; deuxièmement, les études ont un coût et il faut donc s’interroger sur cet investissement.Gary Becker a défini par ailleurs l'investissement dans le capital humain comme les activités qui influent sur le revenu monétaire et psychologique futur, en augmentant les ressources dont disposent les gens.

La notion de « détour de production », introduite par Böhm-Bawerk, a joué un rôle important dans le concept et surtout dans la manière de penser le retour d’investissement94. Elle valorise le temps que l’étudiant ou la personne passe pendant ses études pour enrichir son « capital connaissance », alors qu’elle pourrait, théoriquement, le consacrer à gagner de l’argent ou à s’enrichir en faisant autre chose. C’est un capital humain, dans le sens où, un jour ou l’autre, il peut servir à enrichir la personne et, par voie de conséquence, l’intérêt collectif. Le « détour de production » peut être perçu comme « un sacrifice social » par les uns ou « un bon investissement » pour les autres.

D’un point de vue économique, la contribution du capital humain est la part de la croissance économique qui reste une fois l'investissement en capital physique 95 et en progrès technologique retranché. Par exemple, les périodes d'innovation technologique sont de plus en plus courtes et fréquentes. Dans ce contexte de changement continu et brutal, la distribution du capital humain change rapidement. En effet, les personnels sont dans l’obligation de mettre à jour constamment leurs connaissances pour rester performants. Le coût de la formation s’ajoute au risque de perdre un personnel hautement qualifié qui prend de la valeur en termes de capital humain sur le marché du travail. La valeur du capital humain fluctue en fonction du curriculum de la personne, de l’actualisation de ses connaissances, de l’activité économique ciblée, de la concurrence sur le marché de l’emploi, etc.

Notes
89.

OCDE, L'investissement dans le capital humain, une comparaison internationale, op. cit.

90.

Nolwen Henaff, « Investissements directs étrangers, mondialisation et emploi au Viêt-nam », in Revue Autrepart, Paris : n° 37, 2006 , IRD, l'ITJED (Genève), le Ministère du Travail, des Invalides et des Affaires Sociales (Hanoi), étude financée par la Banque Mondiale, pp. 73-92.

91.

Selon l’UNESCO (2007) le temps de scolarité des jeunes dans ces pays est en général proportionnel à l’indice de développement humain. Les jeunes restent moins longtemps à l’école et se retrouvent plus rapidement sur le marché du travail. Ils augmentent ainsi les effectifs de main d’œuvre non qualifiée. UNESCO, « La lutte contre le changement climatique : un impératif de solidarité humaine dans un monde divisé », op. cit.

92.

Nolwen Henaff, « Investissements directs étrangers, mondialisation et emploi au Viêt-nam », op. cit.

93.

OCDE, L'investissement dans le capital humain, une comparaison internationale, op. cit.

94.

Marc Gurgand, Sait-on mesurer le rôle économique de l'éducation ? Paris : CNRS-INIST, revue: Française d'économie. [ Rev. fr. écon.. ] 2000, vol. 15, no 2, pp. 121-156.

95.

Le capital physique ou productif est un terme utilisé fréquemment en comptabilité. Il représente l’ensemble du capital que possède une entreprise et qui leur sert à produire des biens ou des services. Il est constitué de biens immobiliers et de matériels de production, etc. Pour un pays, le capital physique serait son territoire, ses terrains, biens, entreprises et administrations publiques, matériel de guerre, musées, etc.