2.3.1.2 La dépendance économique

Pour les pays les moins avancés, l’aide internationale constitue un soutien capital au développement de leur système éducatif. Sans cette aide, ils ne pourraient pas réaliser les objectifs de massification de l’éducation. Pour les pays émergents, l’aide au développement permet la réalisation d’investissements lourds et ciblés, même si elle est proportionnellement minoritaire comparativement à la masse des investissements nécessaires146.

Ainsi, l’aide internationale a été reconnue dans l’ordre économique mondial depuis les accords de Bretton Woods147, comme nécessaire pour les besoins de la reconstruction et du développement des pays. Il s’est ainsi créée la BIRD, devenue groupe de la Banque Mondiale, institution multilatérale de financement où s’élabore des doctrines et actions de développement148.Le FMI fait aussi partie de la Banque Mondiale149. Ces organismes financiers proposent généralement des mesures qui tendent, à court terme, à la stabilisation ou la réduction des déficits budgétaires par la suppression des subventions internes, le blocage des salaires des fonctionnaires, la limitation du nombre d’heure, les privatisations, etc.

L’aide internationale devient ainsi un véritable outil de développement pour les pays en manque de ressources financières et de contrôle stratégique pour les pays ou les parties capables de financer. Ce phénomène créée les processus d’endettement et des créances au profit des organisations internationales, telles que le FMI/BM ou en Asie de l’Est, la Banque Asiatique du Développement (BAD). Ces organisations développent, par l’intermédiaire des politiques d’ajustement structurelles (PAS), des formes indirectes d’ingérences, dans la politique intérieure des pays150. L’aide à l’éducation s’est développéeà partir des années 1960, principalement au moment de la décolonisation, de la construction des nouveaux pays indépendants et des premières mises à disposition d’enseignants. Le premier prêt de la BM à l’éducation fut négocié en 1962 avec la Tunisie. En 1990, ce secteur atteignait 10% du montant total des crédits de la BM, soit 5 à 6 milliards de dollars par an. Alors que les pays en développement dépensaient à cette époque environ 200 milliards de dollars par an151, l’aide internationale s’éleva en 1992, pour la meilleure année, à 60 milliards de US$, soit 0,22% du PIB des pays donateurs. Cette aide est allouée à 80% pour l’enseignement supérieur152.

Ces investissements sont fortement encouragés par les pays développés pour augmenter la dépendance des pays en développement à l’égard des grands bailleurs de fonds internationaux qui exercent une influence à travers les Plans d’Ajustement Structuraux153. Sous l’influence des pays développés, le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale sont les deux principales institutions qui soutiennent le financement des projets éducatifs. Les aides apportées par ces institutions sont complétées par une multitude de fonds internationaux ou régionaux, provenant de banques ou d’organismes privés, tels que la Banque Asiatique du développement. Cette stratégie de financement peut engendrer une dépendance des pays en développement à l’égard de pays donateurs, via les bailleurs de fonds154.

Ce sont principalement les conséquences des modèles économiques et les recommandations qui sont interpellées, car elles peuvent être inadaptées à l’environnement des pays dans lesquels elles sont censées être appliquées. La crainte porte surtout pour les PMA, qui se construisent et qui ont des systèmes de gouvernance fragiles. Pelletier observe cependant qu’« […] à maints égards cependant, tant le FMI que la BM peuvent s’avérer des boucs émissaires pour masquer les manques de capacités de gestion des États ou, comme nous l’avons signalé, justifier des jeux politiques locaux de maintien ou de redistribution des pouvoirs »155.

En effet, les enjeux et les intérêts des acteurs des deux parties, sont en général bien connus lorsque sont sollicités ces types d’aide au développement et c’est donc en général en toute connaissance de cause et suivant la stratégie de tous les acteurs en présence, que les choix sont opérés. Il reste à évaluer, de la part des gouvernements, si cela est dans l’intérêt de leurs citoyens.

Notes
146.

Elsa Assidon, Les théories économiques du développement, op. cit.

147.

Les accords économiques de Bretton Woods ont dessiné les grandes lignes du système financier international de l'après-guerre. Leur objectif principal fut de mettre en place les bases de la politique monétaire mondiale et de favoriser la reconstruction et le développement économique des pays touchés par la seconde Guerre mondiale. Signés le 22 juillet 1944 à Bretton Woods aux États-Unis entre les représentants des 44 nations Alliées.

148.

La Banque Mondiale a par exemple pour mission, de mesurer l’efficacité d’organismes financiers, tels que le FMI, à travers des Politiques d’Ajustements Structurels (PAS). Elle privilégie quatre domaines pour évaluer la performance des gouvernements dans la cadre de programme d’aide au financement : la gestion économique, les politiques structurelles, les politiques qui combattent l'exclusion et favorisent l'équité, la gestion et les institutions du secteur public. , site internet de la Banque Mondiale, visité le 2/05/2008.

149.

Le FMI est une coopérative des banques centrales. Les pays en développement sont les premiers emprunteurs auprès du fonds, à condition de poursuivre des PAS pour mener à bien leur développement et pour, à terme, pouvoir effectuer le remboursement de leur dette. Le contenu des PAS dépend du diagnostic porté sur le déséquilibre extérieur du pays.

150.

François Orivel, « Les inégalités internationales en matière d'éducation », op. cit.

151.

Conférence internationale de Dakar, avril 2000.

152.

François Orivel, « Les inégalités internationales en matière d'éducation », op. cit.

153.

Gilles Pelletier, D'une décennie perdue au grand bond en arrière : décentralisation, privatisation et obligation de résultats au sein des pays en développement, Infothèque AUF : 2005, disponible sur http://www.infotheque.info/ressource/7645.html , (visité le 15/09/2008),

154.

Ibid.

155.

Ibid., page 17.