2.3.2 La privatisation : un outil d’ouverture stratégique

Une privatisation est la vente ou la cession par l’État à des investisseurs de capitaux privés, de tout ou partie d'une société publique. La privatisation des systèmes éducatifs des pays en développement permet le financement des systèmes éducatifs et diminue l’endettement et la dépendance envers la communauté internationale, augmente les possibilités d’investissement en désengageant leur propre budget et en déléguant l’activité vers le secteur privé, ou en cherchant des ressources supplémentaires auprès de la population ou des entreprises156.

Souvent symbolisé par le terme « privé », la privatisation ne revêt pas qu’un caractère économique en fonction des pays, mais tend plutôt à définir le statut de « tout sauf l’État » des acteurs délégués157.

Les pays ne peuvent pas se financer de manière endogène et tentent de s’endetter dans la limite des remboursements des emprunts et des intérêts de leurs dettes, en escomptant sur une forte croissance économique. Mais la politique éducative n’est jamais isolée car elle s’accompagne de réformes globales qui visent à rénover toutes les structures de l’État : les dénationalisations, les privatisations des autres secteurs, la modernisation des institutions158.

La privatisation est aussi une réforme parmi tant d’autres dans le processus de développement de l’ensemble du système éducatif. On a observé que ce processus peut communément comprendre les phases suivantes : décentralisation et modernisation de l’administration / ouverture et modernisation des établissements / mise en place de régulation et réforme des programmes académiques / formation des enseignants et modernisation des méthodes159.

La réussite de la politique de privatisation est cependant symbolique pour la dépendance des pays. C’est ce que démontrait l’exemple chinois sur les systèmes de financement diversifiés liés aux réformes structurelles160. La décentralisation a ainsi abouti à la gestion conjointe d’universités nationales et régionales, la décentralisation de la gouvernance des universités du pouvoir national au niveau régional, la collaboration locale entre les entreprises et les universités pour tendre vers un financement mixte public/privé.

Les études comparées sur les conséquences politiques des privatisations démontrent que, pour la majorité des pays, c’est l’unique moyen de réduire, non seulement le lourd fardeau financier et administratif qu'impose un secteur public déficient, mais aussi et surtout, un moyen de rendre les entreprises publiques performantes et de stimuler le développement de l'initiative privée161. Les enjeux qui accompagnent habituellement une stratégie de privatisation sont de quatre ordres : économiques dans la mesure où on présume que la privatisation aiderait à lutter contre l'absence de capitaux ; budgétaires, car elle fournit à l’État des ressources ponctuelles non négligeables qui sert au remboursement de la dette publique ; mais aussi idéologiques et politiques dans la mesureoù cela modifie le rôle de l’intervention et du contrôle de l’État au niveau social et économique.En référence au développement des pays, la privatisation est vécue comme une étape plus que comme une fin en soi. Elle conduit généralement les économies de type « administré » vers des économies de type « néolibéral ».

Les économistes de l’éducation confirment l’intérêt pour un Etat de tendre vers la privatisation, car l’investissement privé permet de ne pas aggraver les déficits des budgets, de limiter le surendettement, la pression fiscale auprès des contribuables ou la dépendance auprès des banques ou des fonds internationaux162.

Les grandes institutions, comme l’UNESCO, tendent à promouvoir l’autofinancement pour faciliter le développement des systèmes éducatifs163. Elles invitent les établissements qui ne peuvent plus se développer par la dotation publique et le patrimoine, à valoriser leurs ressources scientifiques et humaines en créant par exemple des firmes conseil, des parcs scientifiques, des couveuses, des agences de développement de conférences, etc. Les experts préconisent de s’appuyer sur les taxations favorables dans certains pays pour attirer les donations d’entreprises, d’anciens étudiants ou de particuliers.

Notes
156.

OCDE, La massification et développement des universités dans les pays Industrialisés, op. cit.

157.

OCDE, Assurance qualité référence "Qualité et reconnaissance des diplômes de l'enseignement supérieur : un défi international, Paris : éditions de l’OCDE, 2004, portail internet de l’OCDE : disponible sur http://213.253.134.29/oecd/pdfs/browseit/9604072E.PDF (visité 05/05/2008).

158.

Elsa Assidon, Les théories économiques du développement, op. cit.

159.

MarcGurgand, Economie de l’éducation, 2005, op. cit.

160.

F. Huang, « Diversification des sources de financement de l'enseignement supérieur chinois », in revue Gestion de l'enseignement supérieur, Paris : CNRS-INIST, 2001, Vol.13, no 2, pp. 257-281.

161.

S-Y. Hachimi,L'économie politique de la désétatisation et des entreprises publiques : cadre d'analyse et considérations théoriques, Université Laval : disponible sur le site infothèque, 2003, 40 p. (visité le 14/04/2008).

162.

François Orivel, « Les inégalités internationales en matière d'éducation », op. cit.

163.

UNESCO, L’enseignement supérieur en Europe, Montréal : Portail des Nations Unis, disponible sur http://portal.unesco.org , 2002, (visité le 5/05/2008).