2.3.3.3 Les mesures de soutien : enjeux politiques

En rapport aux budgets restreins que s’accordent les Pays, il peut être intéressant de comparer les différentes mesures de soutien. L’une d’entre elles concerne les étudiants américains issus des milieux défavorisés. Il a été constaté que les financements publics ne pouvaient pas garantir une redistribution sous forme de bourse dans l’enseignement supérieur et bénéficier aux étudiants méritants de milieu modeste pour qu’ils s'inscrivent dans les meilleurs établissements, puisque les enfants des ménages aisés y accèdent plus facilement, notamment dans les meilleures filières, les plus coûteuses et captent donc ainsi une grande partie de l’argent public. Il a donc fallu instaurer des systèmes plus ciblés178.

Comme de nombreuses organisations internationales,  l’UNESCO préconise d’accorder des bourses en fonction du mérite et/ou du revenu. Mais finalement, les effets de la politique de ces soutiens seront limités essentiellement à un rôle de non exclusion des étudiants les plus pauvres ou les plus méritants qui se trouvent dans le système actuel. Ce soutien n’élimine pas les effets dûs au milieu social et les barrières à l’entrée du système d’enseignement supérieur179.

Le système de prêt aux étudiants peut être très bénéfique à condition qu’il soit alloué de manière pertinente. Certains prêts pourraient endetter de manière très grave les étudiants, puisque les programmes peuvent coûter largement plus de 50 000 US$180. D’autres incertitudes peuvent s’ajouter à ce type d’emprunt : marché de l’emploi, accidents possibles en cours de formation, échec aux examens, impossibilité de s’assurer dans la majorité des pays émergents, etc. Les pays qui poursuivent une logique commerciale sont en avance dans la pratique de ce système : l’Australie, la Nouvelle Zélande, les USA, le Royaume-Uni181. L’UNESCO indique que les systèmes de microcrédits aux étudiants ont débuté dans de nombreux pays suite à l’initiative du prix Nobel de la paix Muhammad Yunus182, qui accorde des crédits de 250US$ ; mais ces activités ne suffisent pas à compenser le budget nécessaire aux études. La très grande majorité des étudiants des pays émergents, qu’ils soient dans un système public ou privé, exercent des activités complémentaires pour pouvoir financer leurs études, ce qui diminue leurs disponibilités pour étudier.

La plupart des microcrédits permettent l’emprunt à taux nul ou préférentiel garantie par l’État. Ils couvrent des charges de vie quotidienne ou de scolarité. Ils sont une solution alternative pour de nombreux étudiants. Certains groupes bancaires183 sont prêts à conduire des expériences qui nécessitent des analyses sectorielles avant d’être tentées et qui sont fortement liées aux calculs de retour d’investissement, de la capacité étudiants à pouvoir rembourser leurs dettes et aux retours d’investissement en termes marketing. Ce sont des placements à long terme pour les banques ou les coopératives.

Certaines expériences permettent aux étudiants des remboursements moins risqués. Ainsi au Royaume-Uni, le remboursement des frais de scolarité selon le revenu, est prévu après perception des premiers salaires184. En Australie, il est prévu que 20% à 25% du coût moyen de la scolarité fasse l’objet d’un prêt public sans intérêt, qui sera remboursé quand le revenu sera supérieur au revenu moyen185.

Les coûts de scolarité, dans les pays qui poursuivent une logique commerciale, s’inscrivent dans une certaine logique sociale et commerciale186. Ainsi les étudiants en médecine, en Australie ou au Royaume-Unis par exemple, payent 30% des frais de scolarité, 48% pour des étudiants en arts et sciences humaines, 80% pour des étudiants en droit. Concernant la tendance à la dégressivité du financement de l’enseignement supérieur, l'expérience des pays qui ont parallèlement augmenté les droits d'inscription et élargi les possibilités de prêts aux étudiants montre que cela n'a pas eu d'effets négatifs sur le nombre d’inscriptions dans l'enseignement supérieur. Ce rapport de l’OCDE préconise donc le soutien aux étudiants les plus défavorisés par l’élargissement des prêts.

Certains ont démontré que des mesures de soutien précoces et ciblées sont nécessaires dans ce pays pour les étudiants méritants et qui, pour des raisons sociales (ex : milieu défavorisé) ou culturelles (ex : milieu ouvrier), sont tentés d’entrer trop jeunes dans la vie active et ce malgré leurs éventuelles capacités187. Deux points intéressants peuvent être relevés dans cette étude. Le premier concerne l’environnement social qui peut avoir un impact fort sur la motivation des individus et le projet, du fait des réalités économiques. Le second concerne les motivations culturelles qui invitent certains jeunes qui possèdent un fort potentiel, à délaisser les formations de longue durée, au profit des formations techniques qui, qualité de l’information du marché oblige leurs garantiront une meilleure carrière. Nous verrons par ailleurs que, dans la majorité des pays émergents, les formations techniques de courtes durées, sont rejetées par les jeunes à fort potentiel, car ils pensent qu’elles ne garantissent par une bonne carrière, mais aussi en fonction des pays, parce qu’elles sont culturellement sous-estimées.

Mais tous les moyens de soutien finissent toujours par être discriminatoires pour l’un ou pour l’autre groupe de population car finalement tout investissement, public ou privé, relatif à l’enseignement et la formation, doit être évalué en termes de coûts et de bénéfices, pour les individus comme pour les sociétés188. Il est donné pour exemple les USA, où le système de soutien avantage surtout les étudiants riches et pauvres pour l’entrée dans des universités prestigieuses et coûteuses, mais où cela est plus difficile pour les familles à budget moyen. En Grande Bretagne, les familles aisées payent plus cher, voire trop cher, le droit à poursuivre des filières de licence. Dans les pays asiatiques, seules les élites ont véritablement accès aux universités publiques de qualité.

Notes
178.

MarcGurgand, Economie de l’éducation, 2005, op. cit.

179.

UNESCO, L’enseignement supérieur en Europe, op. cit.

180.

OCDE, Assurance qualité référence "Qualité et reconnaissance des diplômes de l'enseignement supérieur : un défi international, op. cit.

181.

Ibid.

182.

Première banque privée au monde à servir les populations rurales les plus pauvres, la Grameen Bank a été fondée en 1983 par le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus. C’est la banque pionnière à l’origine du concept de crédit solidaire. A ce jour, elle a prêté à plus de 2 millions de paysans sans terre, en majorité des femmes. Elle accorde des prêts à des groupes solidaires de cinq personnes, qui se portent mutuellement caution et a mis en place un système d’épargne obligatoire. Elle propose aussi des crédits à plus long terme pour l’habitat, l’amélioration des technologies ainsi que des prêts adaptés en cas de sinistre. En parallèle de ces activités, la Grameen Bank met en place divers programmes de développement auprès des populations rurales dans les domaines de la scolarisation des enfants, la production maraîchère ou encore la santé. Portail internet : étudiant&développement.

183.

Par exemple, le groupe financier coopératif Desjardins est implanté dans le monde entier et se dit prêt à réfléchir sur des projets de crédits aux étudiants. Portail internet : http://www.desjardins.com/fr/accueil.jsp

184.

G-C Weber, « L'enseignement supérieur au Royaume-Uni : les forces de la concurrence au XXIè siècle », in revue Gestion de l'enseignement supérieur, Paris : CNRS, INIST, 2000, Vol.12, N°1, pp 61-74.

185.

Karmel 1999, cité par Biff, Isaac, Should higher education students pay tuition fees? op. cit. page 448.

186.

OCDE, La massification et développement des universités dans les pays Industrialisés, op. cit.

187.

Robertson et Hillman dans une étude portant sur la Grande Bretagne, 1997, citée par MarcGurgand, Economie de l’éducation, 2005, op. cit.

188.

Courtnay cite les études comparatives menées par Khania et Wiliams sur les différents systèmes de soutien. Jane Courtnay , « Les instruments de contrôle et d'évaluation conçus pour mesurer l'amélioration de la qualité de l'enseignement primaire sont-ils une contrainte ou un atout pour le développement de l'éducation ? », op. cit.