2.3.4 Des modèles stratégiques

Voyons à présent les caractéristiques propres aux grands systèmes d’enseignement supérieur que nous rapporterons finalement à la situation des pays émergents d’Asie de l’Est.

2.3.4.1 Le modèle européen

L’Europe symbolise fréquemment, pour les pays en développement, l’humanisme, la démocratie, les avancées sociales, des perceptions véhiculées par la coopération internationale189. C’est notamment la communauté européenne qui est la plus active en termes de projets d’aide au développement ou de coopération dite culturelle190.

A l’exception de la Grande Bretagne, la majorité des Européens poursuit une politique non commerciale de gestion de leur système d’enseignement supérieur191. Nommée logique culturelle, en termes de pratique des activités internationales et notamment de gestion de la mobilité et des échanges des étudiants, les tarifs des étudiants étrangers sont identiques à ceux des étudiants locaux, grâce à la notoriété des établissements et à toutes les réformes entreprises pour unifier les diplômes et faciliter la libre circulation des étudiants en Europe et dans le monde, depuis le processus de Bologne. Les États européens interviennent fortement dans le système de gestion et de régulation de l’éducation et de l’enseignement supérieur, même s’il existe des divergences relatives, par exemple, au politique de financement allant de la gratuité totale à des frais d’inscription ne dépassant pas généralement les 1 000 euros dans les universités mais étant plus élevé dans des grandes écoles ou écoles privées192.

La logique d’équité a conduit ces pays à largement subventionner le secteur de l’enseignement supérieur. Les problèmes d’effectifs, la concurrence internationale entre toutes les universités et les insuffisances budgétaires vont contraindre ces modèles à s’adapter. Á moyens constants, pour certains, il se pose dès lors le problème du choix entre l’accès ou pas et la qualité, car « en tout état de cause, le service public d’enseignement a un coût : qui va le supporter ? Les bénéficiaires directs, les familles, ou la collectivité publique au travers de l’État, des collectivités territoriales, ou encore les entreprises, bénéficiaires indirectes ?  » 193.

Comment donc allier les contraintes du développement sans pour autant remettre les principes fondamentaux qui ont fait la force de l’Europe ? Comment respecter le principe de la redistribution ou du partage du savoir, tout en restant compétitif sur un marché ? L’Europe est à la recherche de politiques éducatives qui puissent à la fois s’inscrire dans cette logique culturelle, profiter au développement de la communauté internationale et qui ne soient pas en même temps un bras armé pour ses concurrents.

Notes
189.

Comme pouvait en témoignait récemment le vice-président de l’université de Jiao Tong de Shanghai, annexe 2-1.

190.

OCDE, Assurance qualité référence "Qualité et reconnaissance des diplômes de l'enseignement supérieur : un défi international, op. cit. , page 325. tableau 6-7. Répartition des sources publiques mondiales éducation.

supérieure.

191.

OCDE, Assurance qualité référence "Qualité et reconnaissance des diplômes de l'enseignement supérieur : un défi international, op. cit.

192.

Exemples de frais d’inscription dans les universités publiques en Europe :

- la gratuité totale : Danemark, Grèce, Hongrie, Luxembourg, Malte, Pologne, République Tchèque ;

- les étudiants payent une cotisation sociale en Allemagne (à l’exception de quatre Länder), Chypre, Norvège, Suède ;

- les étudiants payent uniquement des droits d’inscription dans quatre Länder allemands, en Autriche, en France, en Islande, en Italie, en Lituanie.

193.

Bernard Toulemonde,La gratuité de l’enseignement ; Passé, présent, avenir, Paris : Ministère de l’éducation, 2002, page 4.