2.3.4.2 Le modèle britannique

L’histoire du système d’enseignement supérieur britannique durant ces cinquante dernières années indique que, finalement, la logique libérale a produit un environnement concurrentiel étonnement stable et protégé194.

Ce sont les conditions économiques actuelles qui le forcent véritablement à s’orienter plus franchement vers une logique commerciale. Auparavant la concurrence n’était pas trop forte et les fonds publics soutenaient les établissements privés.Les indicateurs environnementaux étaient au vert, tels que : une bonne croissance économique, les infrastructures se rénovaient, une bonne démographie. Les pouvoirs publics ont agi sur le marché de l’éducation en limitant la concurrence interne par l’augmentation des barrières à l’entrée : une forte réglementation, un contrôle appuyé de la qualité et des régulations financières.

L’État a protégé les établissements privés en leur accordant des statuts privilégiés ou en les sauvant parfois de la faillite. Il y avait position dominante de l’État sur les tarifs de 3ème cycle et absence de concurrence des formations en 1er cycle. Finalement, la différenciation a pu se jouer pour les établissements uniquement sur des critères de notoriété ou d’implantation et non sur la qualité des contenus scientifiques, l’organisation ou les services. Le cas récent de la Côte d’Ivoire est révélateur d’une situation pouvant être perçue comme paradoxale comparativement aux prérogatives d’un Etat à l’égard de son service publique. Comme l’État britannique, ce pays s’est trouvé dans l'obligation d'octroyer des ressources internes et externes au développement du secteur privé de l'éducation et cela, alors même que l'on réduisait de façon drastique le financement du secteur public195. La Grande Bretagne a eu donc une période d’intervention de l’État, que l’on peut considérer d’hybride, comparativement au système communément poursuivi par la majorité des pays européens et à l’opposé, par des pays qui ont des systèmes d’intervention plus libéraux, tels que l’Australie.

Le système britannique a dû réagir aux problèmes économiques qui ont entraîné une baisse de la qualité des services pour pouvoir rivaliser, notamment, avec les universités étrangères et particulièrement américaines196. C’est ainsi que les frais de scolarité ont été augmentés récemment de 3 000 livres pour l’accès à l’université. Les barrières dressées par l’État commencent à s’effriter et il s’instaure peu à peu une véritable concurrence entre tous les établissements. Le système britannique cible les USA comme principal concurrent anglophone. Il s’appuie sur ses partenaires européens, profite de sa stratégie commerciale et de son positionnement linguistique anglophone.

Notes
194.

G-C Weber, « L'enseignement supérieur au Royaume-Uni : les forces de la concurrence au XXIè siècle », op. cit.

195.

Gilles Pelletier, D'une décennie perdue au grand bond en arrière : décentralisation, privatisation et obligation de résultats au sein des pays en développement, op. cit., page 11.

196.

Bernard Toulemonde,La gratuité de l’enseignement ; Passé, présent, avenir, op. cit.