2.4.2 Le rôle de l’étudiant

La particularité de l’étudiant qui choisi une formation internationale ne réside pas seulement dans le véritable parcours d’obstacles que constitue le fait de débuter une formation supérieure. Elle le doit aussi à l’environnement complexe dans lequel il va devoir évoluer, parfois, aux formations nouvellement implantées qu’il va devoir expérimenter et aux attentes des différents acteurs à son égard.

Avec la privatisation de l’enseignement supérieur et l’arrivée d’une offre étrangère de plus en plus orientée vers le marché, se pose progressivement la question de la marchandisation de l’éducation. Quel pourrait être son impact sur la relation éducative ? Qu’advient-il d’un étudiant qui doit assumer un double statut d’étudiant et de consommateur?

Le problème de la marchandisation des formations nous porte vers les universités australiennes qui sont les références en termes de commercialisation des formations internationales. Les dirigeants de l’université de Melbourne ont été interrogés à propos de l’éventuelle obligation contractuelle que pouvait engager des frais qui pouvaient s’élever à 60 000 euros pour un Master en droit, pour un étranger, contre 55 000 euros pour un étudiant australien non boursier. Cependant, pour certains dirigeants australiens, « de telles opérations pourraient exposer juridiquement les établissements au cas où ceux-ci ne parviendraient pas à offrir le niveau d’enseignement et d’études vanté aux étudiants » 220.

Contrairement au droit constitutionnel de certains pays tel que la France, ce n’est donc pas le problème discriminatoire qui est le plus important pour ces dirigeants puisqu’il est logique qu’un étudiant étranger ne profite pas des avantages des jeunes australiens. Par contre, il est clair que pour les dirigeants australiens, la prestation éducative ouvre droit à une protection contractuelle au même titre que n’importe quelle autre prestation de service, dans la mesure où c’est un acte commercial.

Bon nombre d’établissements anglo-saxons considèrent, à l’instar du vice-président régional de l’université de Phoenix, que le monde de l’éducation assume avec du retard une période de rénovation et de libéralisation  similaire à celle rencontrée par d’autres prestations de service telles que la réforme des services de santé ou d’assurances. Ceci doit permettre de rééquilibrer les budgets des PMA. Il précise par ailleurs, d’un point de vue pédagogique, que « les banquiers ne laissent pas les clients fixer les taux d’intérêts de leurs prêts et les hôpitaux ne demandent pas à leurs patients comment réduire une fracture  » et ajoute « l’étudiant doit faire confiance pour le programme et pour l’évaluation, mais justement s’il n’est pas en confiance, il n’y aura pas apprentissage. Et c’est donc à l’enseignant d’en trouver le moyen. Contrairement au chirurgien, il ne suffira pas d’augmenter la dose de sédatif » 221 .

Ceci témoigne des difficultés de pouvoir considérer un service éducatif comme toute autre prestation de service, sous prétexte que l’on a changé le mode de financement de l’enseignement supérieur :

‘« […] le module théorique de la demande postule que les décisions de financements des clients du service éducatif sont indépendantes et successives ; or les asymétries d’information et l’interdépendance croisée des décisions en excluent la possibilité. Le modèle gestionnaire de l’offre présuppose un rapport de pouvoir univoque entre le financeur et le producteur du service (qui paye décide) ; l’observation la plus superficielle en dément la généralité » 222 .’
Notes
220.

Interview de Simon Marginson, du Centre d’étude de l’éducation supérieure de l’université de Melbourne. Mes études à l’étranger, Paris : Le Courrier International, Le monde de l’éducation, N° spécial, 2007, page 16.

221.

Craig Swenson, vice-président régional de l’université de Phoenix. Cité par P.Coaldrake, « Répondre aux nouvelles attentes des étudiants », op. cit., page 87.

222.

Annie Vinokur, 2007, « Pouvoir et du financement de l’éducation », op. cit.