2.5.2 La formation supérieure par l’entreprise

Les politiques d’ouverture entraînent une modification profonde de la carte des formations universitaires en permettant aux établissements étrangers de délocaliser leurs programmes. Mais cette initiative ne se cantonne pas dans les textes des pays aux programmes académiques traditionnels. L’offre étrangère peut s’adapter à la demande locale. C’est par ailleurs ce que recommande l’OCDE236. La nouvelle offre de formation internationale peut ainsi mieux répondre aux besoins des entreprises et étudiants de la formation continue et/ou de la formation professionnelle. Elle peut aussi profiter de son expertise pour proposer des formations qui s’appuient sur de l’ingénierie pédagogique innovante telle que la formation à distance. L’ouverture va créer, par le jeu des transferts de formation vers les pays émergents, des activités parfois innovantes que nous pouvons classer en trois catégories : la formation continue, la formation à distance, les universités d’entreprises.

La formation continue

La formation continue va prendre un essor considérable et devrait être intégrée dans les cursus universitaires237. La tendance actuelle des pays développés démontre qu’en moyenne, les personnes changent au minimum trois fois de métier dans leur vie professionnelle avec toutes les conséquences que cela comporte en termes de formation continue. Cette tendance va être accentuée par l’évolution des NTIC238 et par le rythme effréné de la société de consommation239. Le changement de métier peut répercuter un besoin important en formation pour l’adaptation des ressources humaines.

Il a un potentiel de développement important pour l’offre internationale :

ce sont des projets qui nécessiteront obligatoirement un travail avec un partenariat local en réseau avec les structures privées ou publiques et le secteur économique.

Les formations ouverte et à distance (FOAD)

Les innovations technologiques révolutionnent les capacités de stockage, de transmission et d’utilisation de l’information240. Elles réduisent les coûts241 et accélèrent la transmission de données en permettant pratiquement d’abolir la distance physique. Elles permettent ainsi de démocratiser les systèmes d’information et de communication en permettant d’imaginer et d’informer simultanément tous les citoyens du monde. Ces technologies ont permis la création des formations ouvertes et à distances. On estime qu’il existe ainsi aux USA déjà plus de 3000 institutions spécialisées dans la formation en ligne. Trente trois États américains possèdent une université virtuelle. Un bilan permet d’évaluer succinctement leurs forces et leurs faiblesses dans le cadre de la formation continue des entreprises 242 :

Dans la majorité des universités, les pratiques exclusives de manière virtuelle, sans aucun regroupement ou travaux dirigés, posent des problèmes sérieux tant pédagogiques que de contrôle de la qualité243. Les systèmes d’assurance qualité et d’accréditation sont plus difficiles à adapter, l’escroquerie est fréquente. L’ingénierie pédagogique et l’adaptation des formations est fortement dépendante de la spécialisation. Toutes les formations qui requièrent de l’expérimentation, des travaux dirigés, en laboratoire, du travail de groupes, limitent la pratique virtuelle totale. Notons que les expériences en cours dans certaines universités telle que l’initiative de la Western Governors University (USA) ne pose plus le problème d’évaluation puisque la notion de compétences est privilégiée au dépend des diplômes. Pour protéger le public contre des pratiques frauduleuses, rares sont les agences d’accréditation de la qualité, telle que la Quality Assurance Agencybritannique (QAA), qui ont établi des directives pour traiter de la question de l'assurance-qualité de l'enseignement à distance244. Ces directives suivent d'assez près les directives génériques d'assurance-qualité de l'enseignement supérieur.

Université-entreprise

Les privatisations des systèmes d’enseignements supérieurs dans les pays en développement accélèrent le processus de création d’universités rattachées à des entreprises au dépend des universités traditionnelles245. Ceci est confirmé pour les pays émergents et notamment pour la croissance du secteur privé et des nouvelles formes d’activités privés246. C’est ainsi que s’est créée la première université d’entreprise en France, nommée « Thalès », anciennement université Thomson, il y a plus de vingt ans. Elle forme plus de 6 000 personnes dans le cadre de formation professionnelle, principalement dans le domaine du management. Ces dirigeants considèrent que l’université est avant tout un carrefour entre l’entreprise / l’université / l’étudiant et que son rôle est d’aider à gérer et à alimenter un parcours de formation en permettant, notamment, de sortir de l’isolement, de prendre du recul, de partager des expériences pour faciliter le développement personnel des capacités247.

Notes
236.

Ibid.

237.

Selon un rapport de la Banque Mondiale, 2004, site internet de la Banque Mondiale, visité le 12/05/2008.

238.

Nouvelles Technologies de l’Internet et de la Communication.

239.

BaumanZygmunt, « Penser les savoirs du XXIè siècle de l'éducation », op. cit.

240.

J. Salmi, « L'enseignement tertiaire au XXIè siècle : enjeux et perspectives », op. cit.

241.

Les FOAD posent largement le problème des droits de propriété intellectuelle et de liberté académique. Elles sont dès lors les formations placées au centre du débat de l’AGCS à l’OMC. Voir annexe 2.3.

242.

T. Chevaillier, J-CEicher, « Le financement de l'enseignement supérieur : une décennie de changements », in revue Enseignement supérieur en Europe, 2002, Vol.XXVII, N°1-2.

243.

J. Salmi, « L'enseignement tertiaire au XXIè siècle : enjeux et perspectives », op. cit.

244.

K. Larsen et S. Vincent-Lancrin, Le commerce international de services d’éducation : Est-il bon ? Est-il méchant ? op. cit.

245.

J. Salmi, « L'enseignement tertiaire au XXIè siècle : enjeux et perspectives », op. cit.

246.

OCDE, Assurance qualité référence "Qualité et reconnaissance des diplômes de l'enseignement supérieur : un défi international, op. cit.

247.

CaraçaJ., Manuel V., Santos F., « Les problèmes d'organisation de l'université », op. cit.