2.5.5 Evolution du marché mondial de l’éducation

Deux grandes zones d’influences stratégiques jouent un rôle capital sur ce marché. La première concerne les pays développés et montre une stagnation du marché, la seconde concerne les pays en développement qui permettent de soutenir la croissance des activités.

L’offre des pays développés est à un tournant : pendant cinquante ans elle a répondu à une demande toujours plus importante alors qu’aujourd’hui elle s’équilibre suite au vieillissement des populations. La demande est globalement stable dans un volume d’offre élargi par la multiplication des services mais aussi par l’apport des technologies de l’information et de la communication. Á l’inverse, les pays en développement connaissent une croissance grâce à des pays comme la Thaïlande où environ 43 % des jeunes souhaitent devenir cadres supérieurs et où s’est peu à peu formé une classe sociale capable d’autofinancer des études à l’étranger264.

La mobilité des étudiants étrangers en direction des pays de l’OCDE a doublé au cours des 20 dernières années pour atteindre le chiffre d’environ 1,6 million d’étudiants dans le supérieur, ce qui représentait près de 30 milliards de dollars américains en exportations, soit 3% de l’ensemble des exportations de service dans le monde265. Cette estimation se base sur trois services : la mobilité internationale des étudiants, la mobilité des enseignants pour encadrer les programmes et le transfert des établissements. Malgré l’importance de leur volume d’activités potentielles, deux autres services n’ont pas pu être répertoriés : la formation ouverte à distance et la formation continue.Le total des recettes générées a été calculé sur la base des estimations faites sur des biens de consommation similaires au calcul réalisé pour des prestations touristiques, auxquelles il convient d’ajouter les charges spécifiques telles que les frais de scolarité.

Pour l’économie d’un pays, la scolarisation d’un étudiant étranger représente «  une exportation invisible  » à travers le flux de recettes qu’elle génère266. Toutes dépenses engagées par les étudiants étrangers dans le pays d’accueil sont en principe considérées comme des recettes d’exportation provenant du pays d’origine et perçues par le pays d’accueil et comptabilisées dans la balance des paiements comme des dépenses personnelles de voyage liées à l’éducation.

Les USA arrivent en tête des pays exportateurs de services éducatifs ainsi que des pays importateurs. Actuellement dans des pays tels que l’Australie et la Nouvelle Zélande, les services éducatifs se situent respectivement au troisième et au quatrième rang des exportations de services et aux quatorzième et quinzième rangs des exportateurs dans leur ensemble. Les pays de l’OCDE les plus exportateurs de services dans le marché éducatif en Asie de l’Est sont Singapour et Hong Kong mais leur zone d'influence touche surtout la Chine pour des programmes de formation supérieure. La zone OCDE accueille 85% des étudiants en mobilité, cet effectif ayant doublé en 20 ans, soit 1,6 million d’étudiants étrangers.

Si on souhaitait estimer la valeur globale du marché mondial de l’éducation, il faudrait ajouter à ces 30 milliards relatifs aux exportations :

La mobilité internationale est à présent instituée comme une véritable culture pour les étudiants qui en ont les moyens267. Les périodes de mobilité deviennent de plus en plus indispensables à la valorisation du cursus. Elles deviennent des « habitus » faisant partie intégrante de leur stratégie de parcours académique. L’obligation de réaliser une mobilité internationale s’intensifie et garantit de fait la croissance de cette activité.

Sous réserve de crise majeure et/ou de récession économique à l’échelle planétaire, l’évolution du marché mondial de l’éducation devrait se confirmer grâce notamment à :

Un rapport de l’OCDE269, permet de situer le positionnement des forces concurrentielles de l’offre étrangère dans le marché mondial de l’éducation. Ainsi apparaissent en tête les trois plus grands exportateurs d’activités transnationales : Les USA, l’Australie et le Royaume-Unis. Ce rapport permet aussi de visualiser la stratégie des pays émergents. C’est ainsi que le Mexique qui obtient une balance négative entre les entrants et les sortants, de (-7 étudiants), ou la Turquie de (-3), ont logiquement le même profil que la Thaïlande, pays émergent. Pour compléter leur propre offre de formation, ils accueillent des établissements ou des programmes étrangers et/ou permettent à des étudiants d’aller compléter leur formation à l’étranger. Pour certains pays comme la Corée du Sud (-28) ou le Japon (0), ce n’est pas la capacité du système d’enseignement supérieur qui est en cause et qui est par ailleurs très développé, mais c’est la langue qui limite les possibilités d’accueil. La forte capacité financière et la volonté politique du Japon d’augmenter l’accueil des étudiants étrangers va par contre modifier considérablement cette tendance et accélérer les programmes de coopérations directes vers l’Asie du Sud-Est.

Seuls quinze pays ont une balance positive, ce qui signifie qu’ils sont les mieux placés pour pouvoir s’imposer sur le marché concurrentiel international en terme quantitatif sur une balance générale d’importation et d’exportation. Il n’est pas représentatif de la qualité puisque des pays comme la Norvège, réputé pour la qualité de son système d’enseignement supérieur, ont une balance négative270. Ce classement confirme six pays se partagent les 75% des mobilités, soit environ 1,6 million d’étudiants étrangers dans le monde : USA (28%), le Royaume-Uni (14%), l’Allemagne (12%), la France (9%), l’Australie (7%) et le Japon (estimé à 5%). Le nombre d’étudiants étrangers a plus que triplé en Australie et au Royaume-Uni dans les années 90. Alors qu’il a été relativement stable au Canada, en France et aux USA. Les quatre pays anglophones (USA, Royaume-Unis, Canada, Australie) accueillent 56 % des étudiants étrangers bénéficiant de la primauté de l’anglais. Mais leur part égale n’augmente pas comparativement depuis 1980 malgré la forte compétitivité de leur système de communication.

Il est intéressant de constater que 57% des étudiants proviennent des pays hors de la zone OCDE donc principalement des pays émergents malgré le coût de la mobilité, les difficultés d’immigration, la diminution des aides au développement. Ils proviennent principalement d’Asie (43%), d’Europe (35%), d’Afrique (12%), d’Amérique et d’Océanie (11%). Pour les pays principaux, la Chine avec Hong Kong représente 10% de l’effectif, viennent ensuite la Corée du sud (5%), l’Inde (4%), le Japon (4%). La moitié des étudiants asiatiques vont en Amérique du nord et les pays anglophones accueillent (75%) des étudiants asiatiques. Bien que le nombre d’étudiants asiatiques en Australie ait augmenté, la plupart d’entre eux continue d’aller vers l’Amérique du Nord ou l’Europe.

Les étudiants poursuivent majoritairement des formations de pré-licence, mais comparés aux ressortissants nationaux, ils sont proportionnellement plus nombreux à être inscrits dans des cursus post-licence. Par exemple au Royaume-Uni en 2001, pour 9% des étudiants britanniques étaient en post-licence, contre 26% des étudiants étrangers européens et 48% originaires d’autres pays. Cette situation est identique dans la plupart des pays jouant un rôle d’accueil transnational.

Ces chiffres tendent à montrer que les étudiants internationaux décident plus volontiers d’aller à l’étranger pour y suivre une formation à la recherche de haut niveau que pour y démarrer des études supérieures. C’est ainsi que la France va accueillir majoritairement des étudiants provenant des ex-colonies françaises ou que les étudiants vont privilégier des pays tels que les USA pour étudier la gestion (20% de l’effectif) ou les sciences de l’ingénieur (15%).

Notes
264.

L.Ville, « La France en retard dans la course », in revue Societal, op. cit.

265.

OCDE, Assurance qualité référence "Qualité et reconnaissance des diplômes de l'enseignement supérieur : un défi international, op. cit., page 35.

266.

K. Larsen et S. Vincent-Lancrin, Le commerce international de services d’éducation : Est-il bon ? Est-il méchant ? op. cit.

267.

Selon un rapport du Conseil National Français pour le Développement, Ministère de l’Education Nationale (MEN), France, 2004.

268.

MarcGurgand, Economie de l’éducation, 2005, op. cit.

269.

Etude portant sur le nombre d’étudiants étrangers rapporté au nombre de ressortissants nationaux scolarisés à l’étrangers dans le tertiaire, ventilé par pays de l’OCDE, 1998 à 2001. OCDE, Assurance qualité référence "Qualité et reconnaissance des diplômes de l'enseignement supérieur : un défi international, op. cit.

270.

Voir classement PISA, site internet de l’OCDE, visité le 15/06/2008..