Le Viêt-nam est un pays qui a souffert, qui a été divisé, puis unifié, qui a appris à lutter et à puiser ses forces dans celles des puissances occupantes. Cette situation a guidé le pays vers un système, considéré à présent comme original, de gouvernance socialiste sous l’autorité d’un parti unique. Ce passé l’a mené à un niveau développement défavorable et l’a contraint à assumer des changements économiques et sociaux radicaux pour mieux garantir son entrée dans le XXIème.
Il était impliqué dans des conflits armés jusqu’en 1989, date du retrait de ses troupes du Cambodge. C’est la raison historique du démarrage tardif d’un développement exponentiel fondé sur la volonté de son peuple et un État fort. Il se retrouve ainsi dans une période transitoire, de forte croissance370, qui le rend pour l’instant incapable de pouvoir répondre de manière complètement autonome à ses besoins en éducation.
Le pays représentait un enjeu géostratégique et économique majeur durant l’époque de l’Indochine française et durant la guerre froide. Ces évènements historiques ont entravé une construction pacifique sur le modèle de ses pays voisins tels que la Malaisie ou la Thaïlande. Après la Seconde Guerre mondiale, il est devenu un rempart, d’un côté contre l’expansion du communisme provenant d’URSS et de Chine et de l’autre du capitalisme provenant du bloc de l’Ouest371. Finalement, à l’issue de la Guerre froide un pays exsangue, extrêmement appauvri et isolé. Il doit assumer une situation humanitaire et économique catastrophiques mais surtout un très fort appauvrissement de son capital physique et humain, qui limite ses capacités de reconstruction. Ceci est notamment lié à la fuite des capitaux à l’étranger, à celle des cerveaux, aux pertes humaines liées aux décès ou aux handicaps et à la destruction des principales infrastructures. Les ressources financières sont largement insuffisantes pour lutter contre la famine et pour reconstruire le pays, rejetant ainsi au second plan les besoins du système éducatif372.
Cette situation a eu tout au moins l’avantage de renforcer le volontarisme du peuple vietnamien373. Elle a aussi renforcé son aptitude à poursuivre des stratégies individuelles pour garantir sa survie, à rechercher des initiatives rationnelles, à développer l’esprit de combativité, les solidarités et finalement, au prix de la victoire, un patriotisme exacerbé.
Même si la société vietnamienne reste globalement très unie, ses caractéristiques générales ne s’imposent pas de la même manière à tout le peuple. Ce patriotisme ne doit pas cacher l’hétérogénéité d’un peuple réparti dans un immense pays374. Les différences culturelles, la situation géographique, les particularités identitaires éloignent certains groupes minoritaires du spectre de comportements populaires et unifiés. Le milieu rural, les diversités ou les particularités culturelles, augmentent les risques d’isolement, freinent le développement et/ou accélèrent la paupérisation en marginalisant certaines minorités ethniques375 ou groupes sociaux376. Ces personnes n’adhérent pas ou ne sont pas en mesure de profiter de la même manière que la majorité, des retombées de la croissance et particulièrement de celles du système éducatif.
L’histoire récente et tourmentée du pays a donc entraîné un appauvrissement du capital physique et humain du pays tout en forgeant les traits comportementaux de ses habitants. La croissance actuelle ne profite pas à tout le monde de manière identique mais le peuple vietnamien est suffisamment unifié et motivé. Il s’appuie sur la politique d’un parti unique et fort, qui a choisi la voie de l’économie de marché pour sortir de l’isolement et entamer un développement récent et rapide. Mais l’atout stratégique politique ainsi que cette histoire finalement contemporaine, suffisent-elles à expliquer l’avènement du marché de l’éducation ?
De 6,8% entre 1997 et 2004, plus de 7,5 à 8,5% durant les quatre dernières années. Source Banque mondiale, visité le 12/05/2008.
Il y eu ainsi la guerre de colonisation contre la France, qui s’est achevée en 1954 (proclamation le 2/09/1954 de l’indépendance de la République socialiste du Viêt-nam). Ce fut en suite, en pleine Guerre froide entre les blocs de l’est et de l’ouest, la division du pays le long du 17ème parallèle, entre les forces communistes au nord, soutenues par l’ex-URSS sous le commandement du général Ho Chi Minh, qui devint le maître à penser du pays et les forces alliées au sud, soutenues par les USA. C’est entre 1960 et 1975 (Libération de Saigon le 30/04/1975), que se déroula la tristement célèbre « guerre du Viêt-nam », qui finit par la chute de Saigon. A partir de 1976, c’est un pays unifié, avec des projets ambitieux, qui se heurte à des difficultés tout aussi importantes. Les conséquences des guerres successives se sont cumulées à celle de la gestion socialiste du pouvoir en place, inadaptée pour recouvrer une croissance qui aurait permis au pays de se développer et à l’isolement international provoqué notamment par l’embargo économique américain. Elles ont considérablement affaibli le pays en l’empêchant d’entamer sa véritable reconstruction. A toutes ces difficultés s’ajoute l’intervention armée au Cambodge en 1979. Pour compenser son manque de ressources, le pays activa sa dépendance économique, financière et militaire envers l’URSS. Ceci entraîna un conflit armé avec la Chine, poussant à la fuite des citoyens et des capitaux chinois, accentuant la situation de crise économique du pays en l’isolant encore plus de la scène internationale. Le pays n’est plus officiellement en conflit armé que depuis 1989, avec le retrait des troupes du Cambodge.
On note toutefois qu’en temps de guerre, la tendance a été à la sauvegarde des étudiants afin de préserver le capital humain nécessaire à la reconstruction. Nolwen Hénaff, Jean-Yves Martin (dir), Travail, emploi et ressources humaines au Viêt-nam : Quinze ans de Renouveau, op. cit., page12.
Ibid., page 9.
Ce pays en forme de dragon présente des caractéristiques insulaires. Il est d’une superficie de 335 000 km2 (11 fois la Belgique), il s’étire sur 1500 km. Il est protégé ou isolé, à l’est et au sud par la mer de Chine méridionale, à l’ouest et au nord par ses montagnes frontalières du Laos, du Cambodge et de la Chine.
Il existe plus de 50 minorités ethniques dans le pays (et autant de langues) vivant principalement dans des endroits isolés, n’ayant pas accès aux mêmes facilités pour l’éducation, rencontrant des problèmes associés d’adaptation qui n’épousent pas le système dominant, liés à leur différence linguistique, leurs pratiques culturelles, leurs convictions politiques, etc.
Nolwen Hénaff, Jean-Yves Martin (dir), Travail, emploi et ressources humaines au Viêt-nam : Quinze ans de Renouveau, op. cit., page 71.