3.3.3 Une offre locale d’éducation et de formation quantitativement forte

[Une offre locale d’éducation et de formation quantitativement forte480]

Toutes les réformes ont permis tout au moins d’obtenir des résultats quantitatifs impressionnants notamment en termes de massification de l’éducation et de lancement des systèmes du supérieur. Elles ont aboutit à une structuration très claire et rigoureuses des différents secteurs ou niveau d’activités. Structurellement, le système éducatif vietnamien et le secteur de l’enseignement supérieur en particulier forment donc des bases solides pour le développement.

Les réformes ont ainsi permis de réguler administrativement le rôle des nombreux acteurs 481 intervenant dans le système éducatif et dans les fonctions que doit assumer le Ministère de l’Education et de la Formation (MEF ou MOET)482. En 2000, le pays avait presque atteint ses objectifs de généralisation de l’enseignement primaire avec un taux de 94% d’alphabétisation et un taux net de scolarisation de 90%. L’étape suivante était la généralisation de l’enseignement secondaire pour 2010. La massification et l’ouverture de l’offre sont à l’origine d’une forte progression des secteurs du supérieur secondaire et universitaire. Pour 1000 élèves dans le primaire :

L’enseignement général483 est structuré de manière identique à la France, avec le même nombre d’années de scolarité par section d’âges de 6 à 18 ans. La structure des programmes d’enseignement universitaire implique une année supplémentaire pour le suivi du premier cursus appelé Dai Hoc. Ce que nous apparenterons par commodité à la licence se déroule donc en quatre années484. Tout le système éducatif impose pour l’entrée dans chaque nouveau cycle, du secondaire au doctorat, d’avoir obtenu l’examen de fin de formation du cycle précédent. Ce principe se double pour l’entrée dans toutes les formations universitaires485 d’un concours. La scolarité est obligatoire486 en primaire et en secondaire de base (collège). Le secondaire supérieur, comprend la formation générale et la formation technique ou professionnelle, il est lui aussi marqué par un fort processus de privatisation. Il est certifié par le baccalauréat qui donne le droit de se présenter, sous réserve d’avoir obtenu la moyenne dans des matières spécifiques, pour le concours d’entrée à l’université.

L’enseignement supérieur propose deux systèmes de formation pour répondre en principe aux besoins du marché de l’emploi :

La disparition du monopole des établissements publics permet surtout d’élargir l’offre de formation qualifiante vers les établissements privés (tableau 3.1, infra). Notons qu’un décret récent a simplifié le statut de ces derniers, qui avaient auparavant comme appellation « non-publics »489. Ils étaient répartis en trois catégories : semi-publics ; fondés par le peuple ; privés. Aujourd’hui, mis à part quelques exceptions490, ils sont tous devenus privés, démontrant en cela la volonté de l’État d’alléger ses charges et de concentrer ses ressources vers des pôles publics d’excellence ou vers la recherche491.

[Tableau 3.1 - Comparatif 1999 - 2007 du nombre d'établissements dans l'enseignement général - privé et public]
[Tableau 3.1 - Comparatif 1999 - 2007 du nombre d'établissements dans l'enseignement général - privé et public]

En pratique, la politique tendant à vouloir diversifier l’offre s’est traduite depuis 1999 par une augmentation relative de 1,4% de la part des établissements privés. Le secteur privé correspond à 15% du nombre total des établissements créés depuis sept ans, principalement dans les secteurs du secondaire supérieur et universitaire. Le privé n’investit pas les secteurs du primaire et secondaire de base car il est concurrencé par la gratuité des frais de scolarité mais aussi par la difficulté du privé de proposer des prestations qui se différencient par la qualité492.

Comparativement aux besoins du marché du travail, l’offre locale peut se distinguer en deux grandes catégories :

Se retrouvent dans toutes ces formations aussi bien les étudiants en poursuite d’études initiales que les personnes en formation continue. Nous verrons que ces deux catégories pourtant indissociables, complémentaires et indispensables à la construction du pays, ne revêtent absolument pas, dans les faits, le même degré d’importance aux yeux de tous les acteurs du système éducatif. Des parents jusqu’aux entrepreneurs, les études universitaires sont plébiscitées au dépend de toutes les autres formations supérieures, courtes et techniques. Ceci impacte naturellement sur les chances de développement d’une catégorie comme « de l’autre ». Ainsi même si structurellement et en termes d’effectifs les réformes ont permis d’obtenir, tout au moins globalement, les résultats escomptés.

Deux segments particuliers de l’enseignement supérieur ressortent de cette organisation et sont censés répondre aux besoins pressants du marché de l’emploi : les formations courtes et techniques ainsi que les formations universitaires. Ils ont tous deux la particularité, selon la volonté de l’État, de voir aussi leur développement être dépendant de l’initiative du secteur privé. Leur positionnement sur le marché va dès lors dépendre de leur attractivité résultant, en aval de la demande du public et en amont de la reconnaissance du secteur de l’emploi à leur égard. Ils apparaissent ainsi tous deux pour l’offre, locale ou étrangère, comme des segments de marché potentiel.

Notes
480.

Source principale : Nolwen Hénaff, Presentation of the report « Skills for productivity, employment growth and development in Vietnam », op. cit., page 44, Appendix 3. The Education and training system.

Sources annexes :

- Information et données sur les concours d'entrée en 2002 (Thong tin so lieu ve tuyen sinh dai hoc), Docteur Le Anh Vu et Tang Ky Son.

- Ambassade de France en République Socialiste du Viêt-nam, document de synthèse de préfaisabilité — Université Française au Vietnam— Avril 2002 – Open Asia Consulting.

- Site internet du MOET.

481.

Notamment les organisations de masses et politiques, les différents ministères qui gèrent directement certains établissements en fonction des spécialités (la santé, l’agriculture, la police), les administrations locales, voir annexe 3.5 et figure 3.7.

482.

MOET est l’abréviation anglophone communément employée.

483.

Voir annexe 3.5 et figure 3.7 concernant la description du système d’éducation et de formation vietnamien.

484.

En principe, il est difficile de faire une comparaison formelle entre le Dai Hoc et la licence, puisque les étudiants titulaires de ce dernier peuvent par équivalence, en fonction des spécialités suivies et de leur niveau de connaissances, intégrer aussi bien dans les établissements occidentaux, des Master 1, des Masters 2, voire obtenir directement le Master 2 grâce à un double diplôme. Source : évaluation des diplômés des filières francophones de l’AUF et observations empiriques des programmes de coopération au sud du Viêt-nam.

485.

Formation supérieure courte technique, licence, master, doctorat.

486.

Site du MOET. Votée à la session de l’Assemblée Nationale du 5/05 au 14/06/2005, Article 11, (Luat Giao Duc), Alinéa 1 : L’enseignement primaire et l’enseignement du secondaire du premier cycle sont généralisés. Le gouvernement doit décider de la planification de cet objectif de sorte d’assurer toutes les conditions pour que l’éducation soit généralisée dans tout le pays.

Alinéa 2. Tous les citoyens dans les tranches d’âges déterminées ont le devoir de suivre l’enseignant pour atteindre le niveau demandé.

Alinéa 3. La famille a le devoir de créer toutes les conditions permettant aux membres de la famille dans cette tranche d’âge de suivre l’enseignement pour atteindre les niveaux exigés.

487.

Le terme « qualifiante» sera dorénavant utiliser pour exprimer une formation aboutissant à un diplôme. Nous verrons par la suite que la distinction est importante dans un système qui privilégie la qualité par le diplôme, avant la qualité par l’acquisition des compétences.

488.

Les programmes d’alphabétisation qui s’inscrivent dans les priorités de l’État et notamment vers les populations fragilisées, adultes ou enfants. Ce sont des mises à niveau qui doivent garantir une éducation de base à tous les citoyens.

489.

Décret No 90/CP, le 24 novembre 1993, permet l’augmentation et la diversification de l’offre locale par la redéfinition des statuts des établissements entièrement publics, semi-publics : créés au sein ou à la marge d'un établissement public, ils couvrent leurs frais de fonctionnement par les frais de scolarité ; fondés par le peuple : créées et dirigées par des associations à personnalité juridique, des organisations non gouvernementales ou privées, bénéficiant de l'exemption fiscale et de droit d'usage de la terre. Ils sont totalement autofinancés ; privés : même modèle de fonctionnement que ceux fondés par le peuple mais appartenant et gérés par des individus.

490.

L’université ouverte semi publique d’HCMVille a été l’une des rares à prendre le statut public au sud du Viêt-nam. Nous n’avons pas les informations pour le restant du pays, voir annexe 3.8.

491.

Pour rappel, ces universités bénéficiaient d’exonérations sociales ou taxes. Elles sont assimilées à des ONG, ne comportent pas d’assemblée d’actionnaires.

492.

Ces deux secteurs sont surtout investis par des écoles privées sous capitaux étrangers, très chers, proposant de meilleures conditions de travail mais surtout des programmes plus originaux tels que les classes bilingues, ou des activités parascolaires fortement prisées par les familles.

493.

En référence au système d’enseignement supérieur, il s’agit de toutes les formations qui se déroulent généralement en deux ou trois ans après le baccalauréat, qui sont définies sous les vocables de Diplôme universitaire de technologie (DUT), Brevet de Technicien Supérieur, Baccalauréat de technicien, ainsi que toutes les formations spécialisées telles que les brevets ou les diplômes d’infirmier, d’éducateur, etc.