Il existe une forte distinction entre ces deux secteurs concernant justement leur attractivité. Il nous appartient de la distinguer car elle nous éclaire sur les limites d’une politique de privatisation, dans sa capacité à pouvoir répondre aux besoins de formation du pays. Le marché des formations courtes et techniques n’est pas investit par l’offre étrangère alors qu’il aurait besoin, comme pour celui des formations universitaires, d’une expertise scientifique de haut niveau. Quelles sont les motifs de ce positionnement et quelles sont les conditions der son développement ?
Ce travail permettra de connaître les raisons qui poussent l’offre étrangère à délaisser ce marché et de mieux cerner le comportement d’une offre locale, principalement privée, dans sa capacité d’investir le marché. La mise à jour des possibilités de développement de ce secteur, notamment dans le cadre de la formation continue, nous éclairera enfin sur les activités potentielles susceptibles d’intéressées l’offre étrangère.
On réalise en effet que l’importance que rôle important des formations courtes et techniques, secteurs malgré l’importance secteur Rappelons que la dévalorisation des formations courtes techniques a pour origine la sacralisation du savoir par les Vietnamiens : plus on apprend et plus on s’enrichit. Elle est aussi liée à gestion des ressources humaines de la majorité des entreprises, qui ne privilégient pas les salariés titulaires de ces diplômes, que ce soit pour le niveau des fonctions occupées, les rémunérations, la promotion interne ou la formation continue.
Ceci a des conséquences sur la diversité et la qualité de l’offre. Les programmes proposés sont conçus dans l’optique de répondre à des besoins très spécifiques mais leurs contenus sont souvent dépassés. Peu de place est consacrée à l’acquisition des savoir-faire, ce qui complique les possibilités d’adaptation et de reclassement. Poursuivre ces études correspond donc à une grande prise de risque. La politique publique ne contribue pas à l’amélioration de ces formations car l’État délègue fortement ce secteur au privé, ce qui limite les ressources financières et ne favorise pas un développement qualitatif.
Partant d’un très faible niveau, les effectifs ont cependant triplé en sept ans pour ces formations techniques qualifiantes494. Ils ont tout au moins doublé pour les formations techniques non qualifiantes se déroulant dans les centres homologués495. On peut lier l’augmentation générale à plusieurs raisons : tout d’abord, « au trop plein » des formations universitaires longues incapables d’absorber l’extension de l’assiette de recrutement au niveau des bacheliers ; ensuite, à l’augmentation du nombre de places dans les établissements, notamment privés ; enfin, à la forte augmentation de la demande dans le cadre de la formation continue. Il faut distinguer deux publics pour ces formations techniques.
Le premier concerne les professionnels qui choisissent de valoriser leur carrière et/ou d’améliorer leurs compétences. Ces formations répondent probablement le mieux, en termes d’acquisitions de connaissances, aux besoins de ces derniers ainsi qu’à celui des milliers d’entreprises souhaitant s’appuyer sur la formation continue.
Le second concerne une majorité des bacheliers qui poursuivent ces études plus par dépit que par choix. « La formation professionnelle et technique est considérée comme le dernier recours en cas d’échec dans le système d’enseignement général »496. Ainsi, bon nombre d’étudiants caressent le secret espoir de raccrocher par la suite une formation universitaire grâce aux systèmes de passerelles entre les cursus497. Mais dans les faits, ils seront peu nombreux à réaliser ce projet. Deux ans après, la majorité n’a toujours pas atteint le niveau pour réussir le concours d’entrée. Les formations suivies n’ont pas pour vocation de les préparer à cela498. On peut supposer que la dévalorisation de ces formations et les conditions d’intégration de la plupart des étudiants ne doit ni favoriser la motivation de ces derniers ni celle des enseignants !
Le marché des formations technique ou continue est économiquement très important pour tous les acteurs du système éducatif. Il est une véritable « vache à lait »499 pour tous les établissements qui tentent de diversifier leurs sources de financement pour amortir leurs charges de fonctionnement500. Notons que seules les universités privées sont habilitées, contrairement aux universités publiques, à délivrer des formations courtes qualifiantes en dessous du niveau de la licence.
L’extension du secteur est surtout imputable aux milliers de centres privés locaux ou étrangers, notamment anglo-saxons501. Leur offre est principalement orientée vers les langues vivantes, la bureautique, l’informatique, la gestion, l’administration publique, etc. Face à une concurrence effrénée, une minorité peut se spécialiser dans l’aide à l’insertion ou tentent de se diversifier, en répondant à la demande des entreprises502, telles que celles qui se tournent vers le marché international503. Mais dans ce contexte, les tentatives d’amélioration qualitative sont difficiles car le secteur est peu organisé, le réseau d’influence est fort et les intervenants qualifiés sont principalement des vacataires et universitaires, peu motivés à s’investir ponctuellement504.
Une partie non évaluable, mais peut-être la plus importante du secteur est couverte par l’activité non déclarée répondant à une forte demande non satisfaite par le secteur formel, en cours supplémentaires ou cours du soir et animée par des millions d’individus.
Ainsi, les réformes n’ont pratiquement pas profité au secteur de la formation courte et technique et à la formation continue. Ce désengagement de l’État s’est traduit, entre autre, par la baisse du nombre d’établissements publics du secteur505 et par un manque d’expertise scientifique506.
La part du budget de l’Education consacrée aux formations techniques supérieures a augmenté de 40% depuis cinq ans pour un effectif qui a triplé². Celle de la formation continue a augmenté d’environ 22% pour un effectif qui a officiellement doublé, mais qui dans les faits, à véritablement explosé touchant des millions de personnes507. Á défaut de moyens financiers suffisants, l’État fait en partie l’impasse sur ce secteur au profit de l’enseignement général, des pôles d’excellence universitaires et de la recherche.
Le secteur renvoie une image de manque de qualité et d’obsolescence. Il n’a pas pu se moderniser alors qu’il avait été conçu pour répondre aux besoins inspirés d’une économie planifiée, de systèmes industriels ou de métiers à présent dépassés508. L’augmentation des effectifs de l’enseignement technique a donc été garantie par l’offre privée509. Mêmes si ces centres possèdent un fonctionnement plus autonome et moins bureaucratique par rapport aux écoles ou aux universités, leur progression n’a pas, comme celle de l’ensemble du secteur, été accompagnée par celle des moyens pédagogiques et notamment du nombre d’enseignants et d’établissements510. Finalement, la croissance des effectifs devant aller de paire avec un niveau de qualification technique supérieur, celle-ci permettra probablement d’atteindre les objectifs fixés par l’État pour 2010511. Mais les conditions de formation ne se sont pas améliorées et peuvent donc laisser douter de leur pertinence pour répondre aux besoins d’un marché du travail d’une certaine qualité512.
De fait, ce secteur s’ouvre au marché et se positionne à la marge de celui des formations universitaires. Sa progression est garantie par plusieurs facteurs : les fortes attentes de formation des professionnels et des entreprises, le besoin de qualification de nombreux étudiants n’ayant pas accès à l’université, les universités qui doivent différencier et augmenter leurs ressources, des enseignants qui recherchent des ressources pécuniaires supplémentaires des milliers de centres ou d’individus qui en font leur gagne pain principal ou secondaire, un État qui voit, en plus de l’enrichissement global de tous ces acteurs, ses objectifs être atteints.
Ce secteur n’apporte pas cependant de valeur ajoutée qualitative au système global de formation puisque, malgré les nouvelles dispositions légales tendant à réguler l’encadrement de ces formations, l’expertise scientifique est très faible et la priorité stratégique des acteurs est avant tout d’ordre économique.
Rares sont les centres de formation ou les universités qui tentent ou qui ont les moyens d’innover. Parmi les réussites, on peut citer par exemple les « mini MBA » 513 mis en place par Big C (Groupe Carrefour) et le CFVG514 dans le cadre de la formation continue. Ils consistent à apporter de véritables compétences aux cadres tout en valorisant la formation par une qualification interne similaire aux DU (Diplôme Universitaire). C’est aussi le cas du projet de formation courte et qualifiante de l’université privée Yersin à Da Lat qui envisage de monter un diplôme d’infirmiers, qui comblera le manque de cadres du secteur de la santé dans une région isolée515.
A défaut de pouvoir produire des formations différenciées, les stratégies s’orientent logiquement vers des produits à faibles coûts, pour des volumes d’activités importants tels que les cours d’anglais délivrés par une multitude de personnes peu qualifiées. La prolifération de ces activités de formation freine directement le développement des formations universitaires en captant ponctuellement ou définitivement les enseignants516. De fait, elle permet la survie économique de ces derniers en assurant des revenus complémentaires indispensables et en évitant probablement ainsi à cette catégorie sociale de plonger dans le besoin517.
L’offre de formation technique, formelle ou informelle complète l’offre universitaire dans un marché où tous les acteurs sont interdépendants, poursuivent des intérêts différents et marchent en ordre dispersé. L’État se désengage mais ne peut pas compenser sa politique par un accompagnement efficace, notamment par des outils de contrôle qui pourrait protéger les usagers contre les nombreux abus mais qui surtout pourrait garantir une répartition et un équilibre qualitatif et quantitatif des secteurs de formation en fonction des besoins518.
183 000 apprenants répertoriés en 1999-2000, contre 515 000 en 2006-07. source MOET.
Environ 320 000 en 1999-2000, contre près de 650 000 en 2006-07. source MOET.
Nolwen Hénaff, Jean-Yves Martin (dir), Travail, emploi et ressources humaines au Viêt-nam : Quinze ans de Renouveau, op. cit., page 33.
De nombreux témoignages corroborent cette analyse, même de la part des représentants du MOET.
On note cependant que les plus nantis et/ou les plus téméraires poursuivent, s’ils le peuvent, des cours supplémentaires pour se préparer au concours.
Terme représentant pour une entreprise les gains engrangés par une activité à haut niveau de productivité et d’efficacité économique. Les activités de formation professionnelle sont très importantes pour certaines universités, notamment celles orientée vers la gestion, les langues, l’informatique, plus de la moitié des effectifs, pour des formations diplômantes ou non. S’appuyant sur leur notoriété, elles leur permettent d’étendre leur mission de service public vers des zones rurales, de rentabiliser leurs ressources humaines et d’apporter des ressources économiques très importantes au fonctionnement, les tarifs de la formation professionnelle étant libres. C’est ainsi que l’effectif de certaines universités se compose pour 35% d’étudiants en formation initiale diplômante, 35% d’étudiants en formation professionnelle diplômante venant en cours du soir à l’université et 30 % d’adultes inscrits dans divers programmes diplômants ou pas qui sont réalisés dans des centres de formation attachés à l’université. Les universités privées n’ont pas le droit d’étendre leurs activités en dehors de leurs campus principaux homologués, voir annexes 3.3 et 3.8.
Les centres publics ou parapublics sont minoritaires comparativement aux milliers d’autres privés mais tendent cependant à croître. Ils sont créés par des administrations territoriales, les provinces, districts, villes, ou par exemple, par le ministère du Travail qui a mis en place des centres de promotion de l’emploi qui rencontrent un succès grandissant. Ils assurent le relais des formations qualifiantes ou pas, ainsi que des programmes d’alphabétisation ou de remise à niveau. Ces centres possèdent un fonctionnement plus autonome, proche de celui des centres privés sauf pour les financements. De plus, ils sont moins dépendants des systèmes institutionnels bureaucratiques des grandes organisations publiques, voir annexe 3.3.
La société privée de formation Apollo, qui est cotée en bourse aux USA, est à présent largement implantée au Viêt-nam. http://www.apolloedutrain.com/ , visité le 15/08/2008.
Des sessions de formation sont réalisées avec les entreprises pour former par exemple, les futures mains d’œuvres immigrants vers des pays comme le Japon.
Les IDE sont à l’origine de nombreuses formations professionnelles de grande qualité pour la mise à niveau du personnel, souvent de haut niveau. Une enquête menée en 1999 a révélé ainsi que 44% des entreprises étrangères organisaient des formations à l’interne ou s’appuyaient sur la formation à l’étranger. Hénaff Nolwen, Doi Moi et globalisation : vers un accroissement des inégalités en matière d'éducation, op. cit., page 15.
Il est très difficile d’innover dans ce secteur car l’État, les pouvoirs locaux et certains des enseignants eux-mêmes, contestent sa qualité et bloquent ainsi les opportunités de développement. C’est ainsi que des expériences pilotes pour améliorer la formation et l’expertise des enseignants par leur mise en réseau ont abouti avec beaucoup de difficultés et n’ont pas finalement recueilli l’adhésion franche des enseignants, voir annexe 3.8.
33 établissements publics sur 238 ont été fermés ou privatisés durant les trois dernières années.
17% des enseignants étaient titulaires d’un diplôme de 3ème cycle dont 1,5% d’un doctorat. Le niveau de qualification a progressé depuis 1999, ils étaient 6% à être titulaires d’un 3ème cycle. Le nombre d’élèves par enseignant a augmenté depuis 1999, passant de 1/19 à 1/35 en 2006-07. Le nombre d’étudiants par établissement a largement augmenté : 1917 en 2006-07 contre 947 en 1999-2000. = 19 pour 1 à 35 pour 1.
Formation technique supérieur, 0,6% du budget de l’éducation en 2001, 1% en 2007. Formation continue : 2,7% en 2001, 3,5% en 2007, voir tableau 3.3 infra.
Avant le Doi Moi, les formations techniques ont été mises en place pour répondre aux besoins des anciennes entreprises d’État. Les contenus et les méthodes étaient inspirés à la fois d’anciennes technologies et de mode de production attenant au système d’organisation et de gestion planifiées, inspiré du modèle de l’ex-Union soviétique. Le manque de rénovation et d’adaptation du secteur a rendu l’enseignement technique en partie obsolète et incapable de s’adapter aux nouvelles technologies et aux modes de productions modernes.
La formation technique secondaire et supérieure est gérée à 18% par le secteur privé, avec une progression de 20% rien que sur l’année 2007. Le nombre d’établissements privés du secteur a augmenté de 71% entre 2004 et 2007. Sur un total de 205, il y avait 64 établissements privés en 2006-07, contre 47 en 2004-05. Ils couvrent à présent plus de 30% de l’effectif global des établissements, privés et publics, qui a, compte tenu des objectifs du MOET et des besoins économiques, uniquement progressé de 10% entre 1999 et 2007 (249 établissements contre 267). On note cependant une recrudescence des centres de formation continue publics ou parapublics, créés par des administrations territoriales, les provinces, districts, villes, ou par exemple, par le ministère du travail qui a mis en place des centres de promotion de l’emploi qui rencontrent un succès grandissant. Ils assurent le relais des formations qualifiantes ou pas, ainsi que des programmes d’alphabétisation ou de remise à niveau. Voir annexe 3.3.
Le ratio enseignants/étudiants était de 1/19 en 2000 contre 1/35 en 2007. De même pour les établissements dont le nombre a progressé de 10%, alors que l’effectif a triplé.
Les objectifs sont d’augmenter le pourcentage des étudiants d'écoles de formation professionnelle non-publiques (à long terme et à court terme) de 70 % avant 2010, des étudiants d'institutions d'enseignement supérieur non-publiques de 30 % avant 2010, pou appuyer le nombre de personnes qualifiées à ce niveau.
Voir tableau 3.4 en annexe.
La formation n’est pas qualifiante. Les cours ont lieu dans le cadre de la formation continue et durent une année. Le programme de formation est très proche de celui délivré par le MBA du CVFG, ils divergent cependant par l’adaptation des formations aux réalités du secteur d’activité de « la grande distribution ». Aucun mémoire de formation n’est requis en fin de cycle. S’imposant progressivement comme modèle, cette formation devrait être reconduite avec d’autres entreprises en 2008-2009.
Centre franco-vietnamien de formation à la gestion, voir étude de cas chapitre 4.
Cette université, créée en 2004, a vu son effectif multiplier par six. Son emplacement géographique lui donne un avantage compétitif puisque la demande est très forte et doit couvrir toute une région, qui était essentiellement desservie par l’université publique. Référence : entretien avec un conseiller de l’université Yersin et enseignant de l’université publique.
La majorité des enseignants qui le peuvent, interviennent dans ce secteur en complément de leur emploi principal. Voir annexes 3.3 et 3.8.
Ce rôle de complément de salaire des enseignants ou de salaires pour les étudiants qui dispensent des cours du soir n’échappe pas à l’État, qui a mis récemment en place une réglementation, sans pour autant pouvoir (ou vouloir) se donner les moyens de la faire appliquer.
La loi du 29/11/2006 réorganise le secteur entre les activités de la formation professionnelle et les formations techniques. C’est peut-être cette redéfinition qui entraîne un nouvelle élan dans les effectifs soit en facilitant l’investissement, soit par le jeu du reclassement des activités d’un secteur à l’autre. Elle met l’accent sur l’intérêt de diversifier et adapter les formules pour mieux répondre aux besoins des entreprises. Elle fait la promotion des méthodes actives pour l’enseignement et invite à plus d’implication de la part des professionnels. Elle propose enfin des outils de contrôle de la qualité pour améliorer l’efficacité du secteur. Nolwen Hénaff, Presentation of the report « Skills for productivity, employment growth and development in Vietnam », op. cit., page 18.