3.4.3 Le difficile contrôle de l’État

L’État tente de remédier à cette situation en accentuant les contrôles financiers mais il est plus complexe de contrôler la qualité et ce, malgré les règles imposées pour garantir une certaine unité entre les prestations et limiter les risques. Il tente de le faire en précisant le niveau de qualification requis pour les enseignants en fonction des programmes encadrés, en limitant les effectifs en fonction des infrastructures, en réglementant les conditions d’implantation des programmes étrangers604.

Mais les intérêts de l’État ne sont pas forcément identiques à ceux des acteurs locaux qui apprennent très vite à en tirer profit.

‘« Au Nord comme au Sud, la guerre a induit un morcellement du territoire, en harmonie avec la manière dont était organisée la vie politique dans le Viêt-nam féodal (le pouvoir du roi ne s’arrête-t-il pas à la porte du village, comme le disait le proverbe ?), assurant en pratique aux unités territoriales une grande autonomie dont il leur sera difficile ensuite de se départir »605.’

Le processus de responsabilisation s’inscrit dans la pure tradition culturelle de citoyens vietnamiens, accoutumés localement à assumer leur autonomie et à se débrouiller. Ainsi, le risque est réel pour l’État de voir des pouvoirs locaux faire passer ses objectifs collectifs au second plan.

Construits sur la base d’un système centralisé, les moyens de contrôle et d’évaluation pédagogiques mis en place par le MOET n’ont pas proportionnellement suivi la croissance des activités et ne se sont pas encore totalement adaptés à tous les changements606. La décentralisation, la socialisation, la privatisation, l’appel à l’expertise et l’aide internationale, fragilisent son rôle et limitent ses capacités de pouvoir agir directement sur l’appareil éducatif. Ce phénomène est par ailleurs constaté dans de nombreux autres secteurs607. L’État passe progressivement d’un quasi contrôle total du système éducatif à un rôle d’arbitre entre les différents acteurs.

La croissance du privé en est la meilleure preuve. Même si le pouvoir préconise une organisation permettant un relais et un contrôle politique, la vocation essentiellement économique des investisseurs privés et l’autonomie attenante au processus de privatisation, entraînent inéluctablement la diminution de son influence. Ce n’est pas une opposition à une politique éducative qui s’instaure mais plutôt un système de pensée parallèle de nature économique qui risque de court-circuiter en tout ou partie l’intérêt général. Le développement du secteur privé, mais aussi les besoins d’autofinancement du secteur public, exposent l'enseignement supérieur au risque d’une "commercialisation de l'éducation" et pose un défi majeur à l'État. En témoignent les premiers scandales relevés dans le secteur privé, concernant des faux diplômes et des détournements de fonds608.

Notes
604.

Nolwen Hénaff, « Le financement et contrôle de l’éducation. Le cas du Viêt-nam », op. cit., page 274

605.

Ibid., page 266.

606.

Un cadre administratif du MOET nous indiquait que les moyens généraux et surtout de contrôle n’avaient pas évolué, loin sans faut, au rythme de la croissance des effectifs et des établissements.

607.

Partant d’un système collectiviste, l’État se doit d’agir sur des phénomènes inhabituels ou aggravés par le nouveau contexte, tels que le chômage, le sous-emploi, les inégalités salariales et la précarisation du statut du travail de tout un pan de la population. L’arrêt progressif des subventions a automatiquement fragilisé les systèmes de soutien indispensables à l’équilibre du pays. L’activité de l’État doit non seulement participer au bien être des citoyens, faciliter le développement par l’amélioration des conditions de vie et du pouvoir d’achat, mais aussi limiter les causes de crises sociales. C’est un défi majeur à relever pour maintenir la paix sociale et le système politique.

608.

En 1994, proposant un système délocalisé, dont la deuxième partie du programme devait se dérouler dans un pays étranger, il s’est avéré en fait que l’université asiatique n’existait pas, alors que les frais d’inscriptions avaient été perçus. En 2001, l'Université Dong Do a formé des étudiants sans que ses formations soient homologuées.