3.5 L’offre privée locale positionnée sur du volume

Les réformes de l’éducation ont été mises en place pour augmenter et améliorer l’offre universitaire. C’est donc dans ce sens que nous pouvons observer la nouvelle offre privée locale. C’est dix dernières années permettent d’apprécier les impacts et les tendances de ces réformes sur ce secteur privé, ainsi que son positionnement stratégique sur le marché. Est-elle en mesure de répondre aux attentes d’un État à la recherche de subsides pour compenser son manque de ressources ?

[Figure 3.4 - Taux de progression du secteur privé dans le système éducatif (réalisé par l'auteur, source MOET)]
[Figure 3.4 - Taux de progression du secteur privé dans le système éducatif (réalisé par l'auteur, source MOET)]

Le statut de l’offre privée révèle des caractéristiques particulières et similaires à celles de l’offre étrangère, il sera donc intéressant de décrire les plus importantes et d’en mesurer les conséquences pour le développement de l’offre. Nous évaluerons en suite la progression de ces résultats en fonction des investissements des actionnaires, avec le souci de distinguer si les stratégies génériques qu’ils poursuivent sont plutôt à court ou à long termes. L’étude du niveau de risque peut être en effet révélatrice de l’efficacité des réformes, de la confiance des investisseurs et du potentiel de développement. Nous nous interrogerons aussi sur les atouts et les faiblesses de cette offre comparativement à l’offre publique, en réfléchissant notamment sur les conséquences de la représentativité du public à son égard, sur ses capacités de gestion, mais surtout sur des vecteurs qualitatifs clés représentés par le recrutement des enseignants et des étudiants. Ce travail devrait permettre de connaître le positionnement d’une offre privée nouvelle sur le marché, mais surtout de son potentiel d’évolution.

La loi sur l’éducation a permis l’accession à la propriété privée et l’incitation à l’investissement615. Ce processus a été conforté par le processus de socialisation qui consacrait encore plus l’avènement d’un marché éducatif616.

Dans la stratégie de l’État, l’offre privée locale ou étrangère, a pour principaux objectifs  d’augmenter le nombre de places universitaires, de diversifier les programmes, d’assurer la progression des structures publiques par un allègement des charges budgétaires617 , de contribuer à une amélioration qualitative par la mise en concurrence et le marché, d’améliorer l’expertise scientifique grâce à l’expérience internationale, notamment à travers les institutions étrangères. En somme, elle pallie l’offre publique.

L’offre privée locale est principalement attendue pour augmenter massivement les effectifs et pour contribuer à une certaine massification. Par le jeu concurrentiel avec l’offre publique, on suppose qu’elle puisse favoriser une amélioration qualitative de l’ensemble du système. S’inspirant des grands pays frères asiatiques, l’objectif final est de faire basculer les effectifs à l’avantage du secteur privé618. Nous pouvons constater que cet objectif est encore loin d’être atteint, malgré la forte progression du secteur du secondaire supérieur619 (figure 3.4 supra).

Actuellement, cette offre fonctionne à l’image du secteur des entreprises vietnamiennes. Les établissements tentent de rationaliser les coûts, de proposer le meilleur rapport qualité/prix pour leur prestation éducative et donc de faire du volume. Les financements sont assurés sur la capacité à pouvoir lever des fonds pour les investissements immobiliers de départ et plus rarement sur les investissements lourds. La rentabilité s’appuie sur une bonne et plus grande autonomie de gestion. L’avantage comparatif est garanti par l’amélioration des fonctions de soutien des prestations : meilleur accueil, marketing soutenu, ressources humaines améliorées620. Il peut être aussi garanti par le positionnement géographique d’établissements s’implantant dans des régions isolées. Cette offre n’a pas la prétention de s’attaquer à celle du secteur public.

« En fait la situation est paradoxale car ce qui constitue un encouragement peut aussi freiner le projet : outre que les universités existantes peuvent le percevoir comme un concurrent qui va gêner les structures et le système en place […] » 621. Comme le témoigne cet extrait, la concurrence se joue essentiellement dès lors entre établissements privés, même ceux qui souhaitent se positionner sur des prestations de standard international. Selon la représentation populaire, les établissements du privé se concurrencent parce qu’ils proposent globalement les mêmes prestations et ciblent le même segment du marché : les étudiants issus de milieux plutôt favorisés qui n’ont pas pu trouver une place dans le public.

Mais comment en l’état cette offre se comporte-elle sur ce segment de marché et quelles sont ses capacités d’évolution ? Mais surtout peut-elle interférer sur les autres segments, à savoir sur le fonctionnement de l’offre publique et de l’offre internationale ?

Notes
615.

La loi sur les investissements directs étrangers ouvre la porte à des financements permettant la création d’établissements privés locaux et étrangers. Le décret : N°.06/2000/ND-CP du 6/03/2000. Loi sur l’investissement étranger, 1987, amendée le 30/06/1990 [non numérotée], 23/12/1992 [non numérotée], 11/12/1996 [non numérotée] et 09/06/2000 [18/2000/QH10]. Et Loi sur l’investissement N°59/2005/QH11, 29/11/2005.

La loi sur l’éducation. Article 6 « … reconnaissance et la protection par l’État du droit de propriété des biens, capital investi, revenu et autres droits et bénéfices légaux d’un investisseur ». Article 12 et 15 : « …incitation et de la facilitation des activités d’investissement dans différents domaines, dont la formation professionnelle, la formation du personnel technique et l’amélioration des compétences (art.12) et le développement de l’éducation et de la formation (art.15) ». Loi sur l’éducation N° 11/1998/QH10. 02/12/1998, amendée le 25/12/2001, amendée le 14/06/2005 [38/2005/011]. Hénaff Nolwen, Doi Moi et globalisation : vers un accroissement des inégalités en matière d'éducation, op. cit. pages 23 et 24. Voir aussi annexe 3.6.

616.

Rappelons que le processus de socialisation justifie idéologiquement une stratégie purement économique qui revient à rendre partiellement payante l’accès à l’éducationpar la reconnaissance d’un système parallèle contrôlé de gestion des établissements privés ou semi-privés partiellement financés par l’État.

617.

L’allégement des charges se justifie par les conséquences du désengagement de l’État envers certains établissements dont le statut réformé dégagera tout ou en partie le budget de l’État. 62.

L’allégement concernera aussi certains établissements publics qui, dans le cadre de l’assainissement des finances publiques, de la décentralisation et d’une meilleure administration, seront transférés vers le secteur privé.

618.

Voir chapitre 1er. Plus de la moitié des étudiants du Japon et de la Corée sont accueillis dans des établissements privés. La Chine suit largement cette stratégie avec déjà plus de 20% des effectifs dans le secteur privé.

619.

Secteur nommé « lycée », notamment en France.

620.

Voir annexe 3.8.

621.

Extrait, page 1, compte rendu d’un atelier de travail pour la création de l’université Tri Viet, voir annexe 3.7.