3.5.1 Le temps des réformes pour l’investissement privé

Tout le monde s’accorde pour considérer que c’est le bon moment pour investir dans le marché de l’éducation au Viêt-nam622. C’est dans ce sens qu’est légitimé le projet de création d’une future université privée :« Le contexte paraît très favorable compte tenu du rythme de développement très rapide du pays, au moment où il rejoint la communauté mondiale en entrant à l’OMC et des besoins à la fois quantitatifs et qualitatifs de l’éducation en général et de l’enseignement supérieur en particulier qui seraient reconnus par tous, y compris par l’État […] »623.

S’appuyant sur plusieurs années d’expérience, la loi sur l’éducation a permis de préciser et de simplifier le statut des établissements et le cadre règlementaire. Elle fixe par exemple les niveaux d’intervention possibles en fonction des capacités des établissements, le nombre de places, le niveau d’expertise des équipes d’encadrement624. Elle contrôle aussi le niveau des frais de scolarité ainsi que celui de la rentabilité qui conditionne la taxation.

[Figure 3.5 - Progression du nombre d'établissements comparée aux effectifs dans l'enseignement supérieur (réalisé par l'auteur, source MOET)]
[Figure 3.5 - Progression du nombre d'établissements comparée aux effectifs dans l'enseignement supérieur (réalisé par l'auteur, source MOET)]

La règlementation du privé devient plus contraignante pour pousser des actionnaires trop craintifs et motivés par un retour d’investissement rapide, à plus d’engagement625. Elle durcit et précise les conditions pédagogiques en précisant les niveaux de qualification des enseignants et en exigent un taux minimum de permanents. Les universités privées ont le droit, contrairement aux universités publiques, de proposer des niveaux de qualification inférieur à celui de la licence.

La règlementation évolue et propose progressivement des solutions règlementaires aux problèmes qualitatifs posés par le secteur privé. Mais ceci ne débloque pas certaines des barrières politiques qui freinent son développement : l’activité privée continue à être perçue comme antinomique à un système socialiste par bon nombre de personnes politiquement influentes ; la forte bureaucratie ou les jeux d’intérêts locaux ralentissent ou empêchent l’ouverture de certains établissements ou la mise en application de la législation626. Ceci crée une atmosphère de suspicion qui limite la prise de risque des investisseurs627.

De plus, l’État n’a pas les moyens de pouvoir contrôler la qualité d’un secteur privé souvent contesté. Pour compenser cette situation, il tend à durcir la règlementation au risque de limiter son développement628. Le secteur privé ne peut pas par exemple étendre ses activités en dehors des campus officiellement déclarés en s’associant avec des centres de formation. La règlementation limite aussi le développement des relations entre les secteurs privé et public.

Notes
622.

Voir annexe 3.10 - Compte rendu de l’intervention de monsieur Vo-Tong Xuan, lors de la Conférence organisée par le British Business Group Vietnam, HCMVille. Ces propos sont largement relayés par les chambres de commerce des pays anglo-saxons, mais aussi par de nombreux représentants des pays poursuivant une logique culturelle.

623.

Extrait, page 1, compte rendu d’un atelier de travail pour la création de l’université Tri Viet, voir annexe 3.7.

624.

Pour augmenter les garanties de qualité des prestations, l’État clarifie les conditions de recrutement, le statut des enseignants en imposant un taux de permanents et des qualifications minimales qui renforcent la place des titulaires d’un doctorat, imposent des équipements nécessaires à l’enseignement et une superficie minimale de 10 m2 par étudiant.

625.

Capital de départ imposé à 15 milliards de dongs (environ 760 000 euros) pour contraindre à un investissement qui engage à plus long terme la responsabilité des actionnaires.

626.

Voir annexe 3.8.

627.

L’extrait suivant traduit la complexité du montage financier auquel se trouvent confrontées les universités privés : « Sur le plan du financement, le projet jouit d’un préjugé favorable dans les milieux économiques et devrait pouvoir compter sur le soutien d’un établissement bancaire local qui a déjà manifesté sa détermination. Mais le statut de « not-for-profit organisation » et la structure envisagée, avec à sa tête une « assemblée des actionnaires » en quelque sorte, appellent une clarification pour éviter toute ambiguïté dans un contexte et un domaine où il est parfois difficile de faire la part du véritable service d’intérêt général et du business. La solution pourrait consister à distinguer une « association-fondation », porteuse et garante du projet, de la structure gestionnaire pourvoyeuse des moyens financiers nécessaires au développement de l’institution ». Extrait, page 3, compte rendu d’un atelier de travail pour la création de l’université Tri Viet, voir annexe 3.7.

628.

Jacques Hallak, Formation et enseignement supérieurs au Vietnam - Transition et enjeux, op. cit.