Les stratégies et les problématiques du secteur privé universitaire sont pratiquement identiques à celles du secteur de la formation technique ou continue. La croissance profite, tout au moins économiquement, à tous les acteurs. L’État délègue et incite à l’investissement sans pouvoir pleinement exercer sa tutelle académique et contrôler la qualité des prestations636. Les investisseurs poursuivent une stratégie de volume et jouent la carte de l’efficacité économique à court terme. Rares sont ceux qui peuvent se permettre de proposer des activités différenciées de celle du secteur public, ce qui entraînerait un avantage compétitif, ou qui tenteraient de concurrencer le secteur public par des formations identiques mais de meilleure qualité. Parmi ceux qui y parviennent, citons les universités privées Hoa Sen et Hong Ba ou le projet d’université privée Tri Viet qui s’appuient notamment sur la coopération étrangère pour se valoriser637. Les toutes premières universités d’entreprises se sont créées récemment et se différencient en apportant des garanties d’emploi à leurs futurs cadres638.
La grande majorité des formations proposées est en adéquation avec la demande du public639. Les formations à la gestion, en bureautique ou de langue anglaise sont les plus demandées et les moins coûteuses. Elles permettent la meilleure rentabilité mais surtout de pouvoir faire face au sévère contrôle des tarifs imposés indirectement par l’État. Le montant des frais d’études influence secondairement le choix des étudiants qui postulent dans le secteur privé et qui veulent « à tout prix » obtenir une qualification universitaire, mais ceci dans la limite des prix du marché. Les frais de scolarité sont en moyenne doublés dans le secteur privé. Ce supplément augmente d’environ du tiers les frais estimés toutes charges comprises pour une année d’étude640. L’État souhaite cependant éviter l’inflation des coûts de scolarité et faciliter l’accès aux plus pauvres. Des manifestations ont déjà lieu dans certaines universités privées, organisées par des familles qui contestaient une hausse trop brusque ou trop élevé des frais de scolarité, comparativement aux autres établissements. Le paradoxe est que l’établissement concerné tente de se différencier qualitativement. C’est dire la complexité pour un établissement de sortir du positionnement qu’il est censé tenir dans le segment du marché privé641.
C’est donc l’État qui finalement valide un tarif proposé par les universités, qui dans les faits, sous la pression de la concurrence, des autorités et des familles autorégulent fortement leurs tarifs642. Leur marge de manœuvre financière est donc très réduite. L’État se retrouve en position difficile entre le souhait de vouloir contrôler le marché et celui de favoriser son développement du secteur privé.
Dans ce contexte, la différenciation de l’offre privée se joue essentiellement sur les conditions globales d’enseignement 643 : la qualité des locaux plus récents ou rénovés, un meilleur ratio d’étudiants au regard de l’encadrement ou des effectifs globaux644. La direction de l’université est moins soumise aux résistances au changement de la part d’un personnel généralement plus jeune, vacataire et précarisé par des contrats privés.
Le développement du secteur universitaire privé est lui aussi soumis aux réticences d’autorités politiques peu convaincues de son intérêt pour le pays. Comme dans toutes les organisations privées ou publiques, l’État exerce un contrôle formel ou pas, politique ou administratif par l’intermédiaire des représentants du PCV. Il conseille ainsi fortement à toutes les universités du secteur privé de mettre en place une organisation inspirée de celle du secteur public645.
Le secteur privé tente de se différencier en augmentant son attractivité auprès des enseignants grâce notamment à une meilleure rémunération. Mais cette ambition se heurte à la dure réalité du manque général d’expertise scientifique dans tout le système éducatif. Nous assistons dès lors à un vaste mouvement qui conduit les enseignants qualifiés et/ou de notoriété, à réaliser des vacations dans un secteur privé qui devient « une sorte d’antichambre » des ressources humaines du public646. Cette mobilité contribue largement au fonctionnement du secteur privé mais en fixe aussi ses limites. Insuffisamment pourvues en expertise scientifique de bon niveau qui les cantonne, à notre connaissance, à la délivrance de formation au niveau de la licence647, ces universités ne peuvent pas pour l’instant se spécialiser ou améliorer la qualité scientifique de leurs formations.
Référence entretien avec un responsable du MOET qui faisait état du manque de personnel et de l’impossibilité, malgré les volontés et l’utilité, de pouvoir contrôler l’application des directives gouvernementales et de pouvoir favoriser l’amélioration de la qualité. Ce constat était identique pour les secteurs privé et public.
Le positionnement de ces universités sera abordé par la suite.
En 2006, les grands groupes Électricité du Viêt-nam et FPT Telecom ont ainsi fondé leurs propres universités. Petrovietnam devrait ouvrir la sienne en 2008.
Les formations proposées concernent principalement les domaines du secrétariat, de la gestion commerciale ou administrative, la comptabilité, l’informatique, la bureautique, génie mécanique et électrique, tourisme et hôtellerie.
Ces charges correspondent notamment aux livres, petits équipements, cours supplémentaires de langue, transports, logement, alimentation, etc.
Voir annexe 3.8.
Les tarifs sont proposés par la direction des universités après négociation avec les familles, les organisations du peuple et finalement la tutelle de l’État.
Voir annexe 3.8.
Grâce aux nouveaux équipements, le taux moyen de remplissage des établissements publics a baissé de 18% en moyenne entre 2000 et 2007. Le nombre d’enseignant par étudiants a diminué de 25% dans le privé (1/33 en 2000 contre 1/25 en 2007), avec des fluctuations très irrégulières (1/27 en 2004, 1/18 en 2005) qui font suite probablement aux difficultés de pouvoir remplir harmonieusement les nouveaux établissements. Pour rappel, le ratio enseignant/étudiant est de 1/29 dans le secteur public est n’a pratiquement pas évolué depuis 2000.
On note par exemple que la nomination des recteur et vice-recteur est soumise à l’accord du MOET et quand dans les faits, malgré l’absence de directive, dans le privé comme dans le public, ces deux personnes sont membres du PCV, voir annexe 3.8.
Ce phénomène ne facilite naturellement pas les problèmes de compétences ou de disponibilité et d’efficacité des enseignants du secteur public.
En dehors des formations délocalisées qu’elles peuvent éventuellement abriter.