3.6.2 Mobilité : le rêve international

Mais l’apogée pour un étudiant est de pouvoir réaliser ses études à l’étranger. Ce projet représente pour les familles prêtent à assumer de la surenchère, le gage ou le passeport vers la réussite professionnelle et sociale. La mobilité est une vieille tradition réservée à une élite. Elle servait ainsi autant les intérêts du pays que ceux des pays frères ou ex-colonisateurs notamment par l’augmentation de leur influence géostratégique et économique. Ainsi, le Viêt-Nam envoya le premier groupe d’étudiants en Union soviétique en 1951676, à la fois pour pallier les insuffisances du système de formation locale et pour des raisons politiques677. Depuis les années 1990, le mouvement s’est accéléré en grande majorité dans les pays anglo-saxons et vers la France (20%)678.

On constate une extension des départs régionaux, moins coûteux vers des universités renommées et notamment vers la Chine, Taiwan, Singapour, le Malaisie et le Thaïlande. En 2004-05679, ils étaient environ 20 000 étudiants, contre 3 458 en 1995680, à rejoindre leurs compatriotes et former une cohorte totale estimée à 38 000 étudiants. Ce qui correspondait à environ 3% de l’effectif des inscrits dans les universités vietnamiennes. Les tarifs prohibitifs n’arrêtent pas la progression des effectifs, traduisant à la fois un plus grand intérêt stratégique grandissant du Viêt-nam, des pays et des établissements étrangers681, ainsi qu’un enrichissement proportionnel ou le niveau d’augmentation du risque pris par les familles682.

Près de 40% des étudiants poursuivent des formations de 3ème cycle de spécialisation ou doctorales, principalement en sciences de gestion ou science de l’ingénieur683. Près de 36% poursuivent des cycles universitaires complets ou des programmes courts spécialisés, notamment en langue vivante. Les familles considèrent que les programmes étrangers sont de meilleurs qualités et qu’ils compensent une offre locale limitée ou inadaptée à leurs besoins. La formation à l’étranger est aussi une marque de prestige sociale684.

Les universités et le MOET685 soutiennent les programmes de mobilité, en faveur des enseignants actuels ou potentiels, visant à l’amélioration du niveau de qualification et des compétences. Cette mobilité améliore les compétences des enseignants et donc leur attractivité sur le marché de l’emploi686. Toutefois, cet investissement est estimé à haut risque en raison de la fuite des cerveaux qu’elle peut entraîner687.

Notes
676.

au total, au moins 70.000 vietnamiens sont ainsi formés au sein des pays socialistes frères jusqu’en 1990.

677.

Joël Broustail, en collaboration avec Gilbert Palaoro, « La formation des élites managériales dans les économies en transition, op. cit.

678.

Nous sommes en possession des chiffres plus détaillés concernant la France qui est le 1er pays d'accueil en Europe. La progression des effectifs a été de +210% sur les 6 dernières années. Source DPD (MEN France). Source Campus France, fiche Vietnam, consulté le 30/03/2007.

679.

Les estimations de la répartition des étudiants en 2004-05 : 4 000 aux USA, 3 000 en Australie, 2 000 France (près de 1 000 boursiers), 1 200 en Allemagne, puis à égalité la Chine et le Japon, suivis de la Malaisie, source courrier du Vietnam et Vietnam news et l'institut international de l'éducation. La durée moyenne des séjours à l’étranger serait d’un peu moins de deux ans. Sources MOET et MEF. Cette durée est confirmée par d’autres sources qui indiquent que 38.000 Vietnamiens étaient en cours d’études à l’étranger durant l’année académique 2004-05 (Journal Saigon Thu Bay, article du 28/10/2005).

680.

Source MOET (cité par Pham Minh Hac, 1998). Nolwen Hénaff, Jean-Yves Martin (dir), Travail, emploi et ressources humaines au Viêt-nam : Quinze ans de Renouveau, op. cit., page 78, note 4.

681.

En référence aux stratégies génériques développées dans le chapitre précédent.

682.

La progression annuelle des effectifs serait entre 5 et 10%. Estimation, au minimum 6 000 euros pour la vie quotidienne et les déplacements pour des études en France, il faut ajouter les frais de scolarité très variables selon les établissements et les pays.

683.

Ces deux disciplines recueillaient chacune environ 30% des demandes d’étudiants en mobilité vers la France en 2006-07. La répartition précise des 3.818 Vietnamiens ayant étudié en France en 2004-05 était la suivante : 3ème cycle (37%), 2ème cycle (19%), 1er cycle (44%). Les disciplines suivies pour les études de 3ème cycle : Economie & gestion (31%), sciences fondamentales et appliquées (28%), filières de santé (13%), lettres, sciences du langage, arts (8%), langues (7%), droit, sciences politiques (5%), sciences de la vie, de la terre et de l'univers (4%), sciences humaines et sociales (4%). Pour les programmes de licence, 71% des étudiants suivaient des filières de management ou de gestion, 10% des sciences de l’ingénieur. La répartition des étudiants vietnamiens est proche de la moyenne des étudiants asiatiques : en 2002, en France, 39% d’entre eux étaient en 3ème cycle, 25% en 2ème cycle, 36% en 1er cycle. Sources MOET et MEF. Source fiche Vietnam- site Campus France. Consultée le 2/08/2008.

684.

C’est ce qui a été fréquemment observé dans des enquêtes qualitatives menées auprès des étudiants francophones ou dans les discussions informelles.

685.

Le MOET a lancé en 2 000 un programme ambitieux de promotion des études à l'étranger appuyé par des bourses pleines. En 2004-05, 20% des étudiants étaient boursiers d’État ou des programmes de coopération internationaux (Journal Saigon Thu Bay, 28/10/2005). On retrouve parmi les plus importants contributeurs internationaux l’État français avec 70 bourses pleines en 2006-07, ou des organisations multilatérales telles que l’AUF qui pour l’année 2008-2009, a attribué des bourses pleines : 40 doctorants, 63 master, 10 bourses de stages professionnels, ainsi qu’une cinquante de bourses pour des masters suivis en Asie du Sud-Est. Source AUF, MOET, Campus France.

686.

Il n’est pas possible en l’état de connaître des données capitales tel que le taux de retour au pays ni celui de réussite aux examens. Une estimation porte le taux de retour à 90%, ce qui serait très satisfaisant pour le pays, dans la mesure où 10% d’une l’élite expatriée permettraient le développement des échanges. Mais ces chiffres sont contestés par des témoignages qui font état d’un taux de retour moins important mais surtout d’un nombre inconnus de diplômés qui décident de repartir après une période passée au pays, après avoir construit leur famille, entre autre.

687.

Nolwen Hénaff, Presentation of the report « Skills for productivity, employment growth and development in Vietnam », op. cit., page 20, note 22.