3.7.1.2 Réformer les méthodes

Mais pour conduire une telle réforme, encore faut-il s’entendre sur les bases des pratiques pédagogiques à faire évoluer. La qualité perçue au Viêt-nam est basée sur les résultats plutôt que sur la manière. C’est apparemment sur ce constat que tous les acteurs semblent être d’accord. Les indicateurs de qualité actuels sont liés au niveau d’étude, à la durée, au diplôme, à la notoriété de l’établissement, plutôt qu’aux compétences acquises et à la manière de les acquérir. On acquiert ainsi des savoirs scientifiques et une capacité très relative d'application, sachant qu’il y a un fort déséquilibre en défaveur de la formation pratique718.

Même si la notion de compétence acquise est reconnue comme importante, elle n’est cependant pas prioritaire. Jusqu’à présent, pour la majorité des étudiants et des enseignants, les études supérieures de haut niveau n’ont pas pour fonction de produire un personnel directement efficace pour le marché de l’emploi. C’est l’activité professionnelle, perçue comme la suite logique de la formation, qui apportera les compétences professionnelles adéquates719. Les entrepreneurs jouent implicitement le jeu puisqu’ils ne valorisent pas suffisamment les compétences et l’expérience.

Le Viêt-nam n’échappe peut-être pas à une contrainte économique liée à son stade de développement, qui influe directement sur les pratiques pédagogiques. « L’habitude qui s’est instaurée dans de nombreux pays de faire de ‘l’apprentissage sur’ (et donc d’insister sur ‘la formation théorique autour’) quand il s’agit d’apprendre tout simplement la science, les technologies – formation théorique et pratique – vient de la pauvreté et de l’inadéquation des moyens en équipements et en laboratoire»720.

Mais il est difficile de savoir dans quelles proportions au Viêt-nam ce phénomène interfère par rapport à l’influence exercée par le patrimoine culturel et social. Dans ce pays, les traditions et le respect des règles sociales ont développé un système de relations éducatives fondées essentiellement sur la capacité de mémorisation de l’apprenant, lui inculquant volontairement un comportement passif au détriment de l’initiative et de la créativité.

Il en découle notamment une mise en œuvre pédagogique valorisant les cours magistraux au dépend des travaux personnels et dirigés721. L’exclusivité d’un transfert de savoir garantie par l’enseignant limite l’intérêt d’une transversalité entre les différentes spécialités et renforce le cloisonnement entre les départements.

Ces méthodes pédagogiques ne satisfont plus l’État qui indique que « […] les activités éducatives doivent viser à développer chez l’apprenant non seulement “du dynamisme, de l’autonomie, de la créativité” mais aussi la capacité d’apprendre à apprendre, la passion pour les études et la volonté de toujours mieux faire» 722 . Elles ne satisfont apparemment plus des entreprises qui privilégient à présent les compétences, notamment celles qui sont directement impliquées dans le marché mondial. Par ailleurs, des mouvements profonds de réformes sur les méthodes pédagogiques s’amorcent parmi le corps enseignant.

Notes
718.

Cette tendance est probablement accentuée par le manque de moyens techniques et par la quasi absence de stages en entreprise.

719.

C’est ainsi que les futurs diplômés attendent prioritairement de leur première entreprise, dans l’ordre de priorité : 1) la « possibilité d'apprentissage et de développement de la formation » en cours d'emploi 2) « les compétences » que l'on peut mettre en œuvre 3) la « permanence de l'emploi ». Globalement, cet ordre reste inchangé qu'il s'agisse des hommes ou des femmes. Le moins important 1) « le complément de salaire » 2) « l'articulation entre le temps de travail et le temps hors travail, personnel et familial » 3) les conditions de travail.

Truong An Quoc, Gilbert De Terssac, « Les transitions socio-économiques au Vietnam : approches, démarches et méthodologies en sciences humaines et sociales », Hanoi : in actes de l’atelier organisé par l’université des Sciences sociales de Hanoi (USSH), le 25 avril 2006, page 2.

720.

Jacques Hallak, Formation et enseignement supérieurs au Vietnam - Transition et enjeux, op. cit., page 63.

721.

Sur la durée de formation, le stage de 2 à 4 mois, ainsi que le mémoire ou le rapport final de fin de cursus sont valorisés de 15 crédits. Les travaux dirigés ou pratiques sont valorisés à 3 ou 4 crédits. Le crédit a aussi la dénomination d’unité de valeur. Un crédit est équivalent à 15 périodes de 50 minutes.

722.

Extrait de «La loi sur l’éducation», art. 4, cité par Tu Huyen Nguyen Xuan, 2006, « Formation de formateurs, ingénierie de la formation, mutations et compétences professionnelles, contributions à un projet de professionnalisation des enseignants », op. cit., page 14.