3.7.1.3 Réformer les programmes

Les réformes pédagogiques doivent permettre l’acquisition de connaissances scientifiques qui composent des programmes de formation utiles au développement économique et social. Ainsi le rapport Viêt-nam –Secteur éducation précisait que « […] la stratégie de développement de l’éducation souligne que la qualité générale de l’éducation est faible et ne répond pas aux besoins de la société en termes d’emploi » 723.

Les réformes actuelles tendent vers une amélioration sensible de la structure des programmes grâce à des réformes impulsées par le MOET. Ainsi la durée des formations se réduit724, de même que le temps consacré aux cours obligatoires725 ; le système d’accréditation s’indexe726, la rédaction des mémoires au niveau de la licence fait l’objet d’une réforme ; les systèmes d’évaluation de la qualité et le processus d’équivalence se mettent en place ; les freins règlementaires pour faciliter la mobilité et les échanges sont peu à peu levés, etc.

Mais ces réformes règlementaires ou administratives doivent être complétées par une planification et une répartition des programmes adaptées. Cette nécessité est accentuée par le pouvoir grandissant de l’offre et du public. Il est de notoriété que le marché ne va pas forcément dans le sens de l’intérêt collectif.

Les filières de gestion en sont la meilleure preuve puisqu’elles attirent environ un étudiant sur deux. L’offre répond directement à la demande des familles en fonction de sa stratégie. La demande des familles n’est forcément pas liée à une logique d’intérêt collectif. Elle n’est pas non plus totalement en concordance avec la logique du marché de l’emploi.

Ainsi, il est constaté que « […] la place dominante occupée par les filières à faible coût d’investissement initial [….] correspond à la réponse implicitement donnée par le système d’enseignement public et privé à la pression sociale»727.

Ce problème a été jusqu’à présent limité par un appareil universitaire largement public et donc plus facilement contrôlable et par la régulation du concours d’entrée. Mais la stratégie de volume et la progression de l’offre privée ainsi que de l’offre de formation continue vont accélérer ce phénomène728.

Mais même dans le domaine public, la décentralisation change la donne et incite les universités à mieux contrôler leurs programmes pour augmenter leur attractivité et atteindre leur équilibre financier. D’autre part, le contrôle de la programmation est quasiment impossible à exercer sur des programmes étrangers délocalisés en pleine expansion, dont l’agrément n’est plus conditionné par l’accord de l’État.

Les effets du déséquilibre des effectifs et du manque de compétences des diplômés sont pour l’instant relativisés par la demande encore limitée des entreprises « de seconde génération », mais aussi par un secteur public qui contribue encore fortement à absorber des diplômés formés initialement pour répondre aux besoins du secteur public.

Mais la question de la pertinence risque de se poser avec plus d’acuité729. Tous ces vecteurs d’équilibre vont progressivement basculer. Les entreprises deviennent de plus en exigeantes, le secteur public diminue et se modernise fortement, le nombre de jeunes diplômés s’accroît dans un marché en pleine croissance et l’offre privée gagne du terrain.

Il importe donc d’identifier les programmes à proposer en développant des outils de veille active pour enregistrer les signaux du marché du travail actuel et à venir730 et de contrôler la répartition des effectifs à former. Pour ce faire, l’État doit compenser la perte progressive de son influence sur la programmation des établissements par des moyens de sensibilisation, par la promotion des systèmes de contrôle qualité et l’amélioration de la qualité par la standardisation.

Le projet d’amélioration qualitative n’est pas simple à mettre en place dans l’environnement du marché de l’éducation, car les intérêts des acteurs peuvent être différents et contradictoires. L’État défend la liberté d’entreprendre tout en souhaitant préserver son pouvoir politique. Malgré les critiques qu’elles formulent et leur importance dans la construction d’un système éducatif de qualité, les entreprises coopèrent très peu avec les établissements. Parfaitement conscients de l’importance de faire évoluer le système, les enseignants doivent toutefois rechercher leur équilibre économique. Et enfin, l’offre assume comme elle le peut les contraintes du jeu compétitif et de leur autonomie de gestion. C’est finalement les étudiants qui risquent d’être les plus consensuels. Respectueux et passifs à l’égard de l’autorité en général, ils sont probablement en mesure d’adhérer en toute confiance à de nouvelles méthodes pédagogiques et à s’orienter vers d’autres programmes.

L’évolution des pratiques pédagogiques passe donc par la recherche d’un équilibre entre tradition et modernité, par le nécessaire consensus des acteurs, par la remise en cause de certains de leurs privilèges, à condition toutefois, que les ressources puissent soutenir les réformes.

Notes
723.

Hénaff Nolwen, Doi Moi et globalisation : vers un accroissement des inégalités en matière d'éducation, op. cit., page 14.

724.

Le total d’heures de cours a diminué d’environ 25% en trois années à l’USE, passant en moyenne de 240 à 180 UV.

725.

Le nombre de cours ne diminue pas, contrairement au volume horaire qui équivaut à présent à environ 15 crédits, contre 22 à 25 crédits. Le programme est validé par le conseil d’université sur proposition du département. Il peut s’ajouter selon les universités, les programmes et les tutelles, des matières scientifiques de base telles que, pour les sciences économiques : les mathématiques, les langues étrangères, la micro et la macro économie.

726.

Le nombre de crédits diminue progressivement. Les programmes équivalents aux licences que nous avons observés en gestion, tourisme et droit, comportent de 120 crédits à 180 crédits, y compris les matières obligatoires (les cours au Viêt-nam sont d’une durée de 45 à 50 minutes). Cette évolution se porte aussi sur les masters.

727.

Par ordre d’importance : économie, management, informatique, langues, sciences de l’éducation et études normales, autres sciences sociales et humaines. Jacques Hallak, Formation et enseignement supérieurs au Vietnam - Transition et enjeux, op. cit., page 39.

728.

Voir annexe 3.8.

729.

Jacques Hallak, Formation et enseignement supérieurs au Vietnam - Transition et enjeux, op. cit., page 42.

730.

Nolwen Hénaff, Jean-Yves Martin (dir), Travail, emploi et ressources humaines au Viêt-nam : Quinze ans de Renouveau, op. cit., page 168.