3.7.2 Les limites du secteur de la recherche 731

Parmi ces ressources se trouve la recherche scientifique indispensable pour construire des formations à forte valeur ajoutée et pour soutenir la qualité des programmes. Cependant, malgré tous les investissements réalisés en sa faveur et l’importance qui lui est accordée, ce secteur732 ne peut pas assumer pleinement cette fonction de soutien.

Il a pourtant toujours été considéré comme prioritaire par un État conscient de l’intérêt de soutenir le processus d’industrialisation et de modernisation. Cet intérêt ne semble pas être partagé à l’identique par les autres acteurs de l’enseignement ou ne se traduit pas par une mise en œuvre suffisamment efficace. L’État juge aujourd’hui qu’une prise de conscience réelle par tous les acteurs concernés est urgente. Les investissements infrastructurels et en équipements ayant apporté un potentiel inexploité733, il souhaite donc la modernisation de l’appareil et un développement en proposant notamment734  d’améliorer l’efficacité des milliers de chercheurs qui travaillent ou sont affiliés à des centaines de centres ou de laboratoires735. Les propositions portent dans un premier temps sur la réorientation des travaux de ces derniers vers les technologies importées et ciblées et non plus essentiellement sur de la recherche fondamentale ; dans un second temps, il s’agit de poursuivre des orientations plus pérennes centrées sur le développement de l’économie736 ; dans le même temps, il est question de moderniser le management, y compris la gestion des ressources humaines pour renforcer l’expertise scientifique. Pour atteindre ces objectifs, il prône une meilleure synergie des ressources grâce au décloisonnement et à la transversalité des équipes et par conséquent, une plus grande complicité avec le milieu universitaire et le secteur économique. De cette manière, une meilleure diffusion des résultats737 est attendue.

Comparativement aux établissements universitaires, les centres de recherches ont bénéficié de plus de moyens techniques et humains mais ils sont finalement confrontés aux mêmes problèmes. La décentralisation et la dynamique d’autofinancement imposées par l’État va les responsabiliser sur leur gestion et leurs résultats. Les instituts doivent trouver des contrats et s’ouvrir vers des recherches plus appliquées738. Ils risquent ainsi de perdre une certaine neutralité et d’orienter leurs travaux vers des intérêts essentiellement privés au risque de ne pas soutenir les programmes universitaires ou les besoins de l’État.

Ces évolutions restent cependant encore embryonnaires. Les grandes entreprises continuent largement à assurer leur développement grâce à leurs laboratoires ou des sous-traitants étrangers739. Mal rémunérés, les chercheurs et parmi eux surtout les universitaires, ont des difficultés pour conjuguer leurs travaux de recherche avec leurs autres activités alimentaires.

Il faut compter avec une forte bureaucratie et le manque de coopération existe aussi entre les différentes tutelles gouvernementales et résulte parfois de la mise en concurrence des laboratoires pour l’obtention de contrats. Comme pour l’enseignement supérieur, la priorité et de former en masse du personnel et des chercheurs qualifiés et motivés pour s’investir.

Certains enseignants vont profiter de l’expérience acquise durant les projets de coopération, notamment grâce à l’activité de recherche ou les actions de formation qui environnent ces projets, pour monter leur propre cabinet d’expertise ou « se vendre » au plus offrant. Même si par parallèlement cette dynamique participe à l’amélioration des performances des petits centres d’expertise ou d’audit dans le pays, elle alimente mécaniquement la bulle spéculative à l’emploi et fragilise la formation d’équipes stables, expérimentées, indispensables pour la recherche fondamentale et la formation universitaire.

Le financement est une de fois de plus la pierre angulaire pour garantir le développement, mais il est aussi la cause d’une perte progressive des possibilités de l’État d’orienter et de contrôler la recherche pour soutenir sa politique. De la capacité des universités de pouvoir lever des ressources financières découlera grandement celle de pouvoir développer le secteur de la recherche.

Notes
731.

Nolwen Hénaff, Presentation of the report « Skills for productivity, employment growth and development in Vietnam », op. cit.

732.

La recherche est sous l’autorité du ministère des sciences et de la technologie (MOST). Elle est conduite par deux académies :

VAST : Centre national de recherche et de technologie ;

VASS : Centre national des sciences sociales et humaines.

733.

En 2000, il y a avait 1,100 instituts spécialisés et centres de recherche sous la tutelle du MOST ou d’agences gouvernementales nationales ou locales, dont 500 privées, réparties dans 197 universités ou collèges, dont 30 privés.

734.

En référence à la loi d’orientation de 2000.

735.

Nolwen Hénaff, Jean-Yves Martin (dir), Travail, emploi et ressources humaines au Viêt-nam : Quinze ans de Renouveau, op. cit., page 145.

736.

La loi d’orientation indique que les conditions de développement des sciences et des technologies selon : une utilisation rationnelle des ressources naturelles, le respect de l’environnement et de toutes les identités culturelles. Il faut construire l’avenir selon un développement socioéconomique pérenne et écologique, garantie par l’accroissement de la qualité de la vie et la préservation de la sécurité nationale.

737.

Notamment par la modernisation de la communication grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Le ministère de la Recherche et de la Technologie (MOST) souhaite ainsi renforcer l’expertise par la formation d’ici 2020 de plus de 200 000 informaticiens programmeurs et la création de fonds d’investissement pour financer les équipements dans les universités et les lycées.

738.

Un fond de soutien à la recherche a été récemment créé par le MOET pour permettre aux universitaires de développer leurs travaux scientifiques.

739.

Bezanson & al., 1999. Nolwen Hénaff, Jean-Yves Martin (dir), Travail, emploi et ressources humaines au Viêt-nam : Quinze ans de Renouveau, op. cit., page 147.