3.7.3 Vers la recherche de ressources financières

Parmi ces ressources, les financières sont toujours considérées comme le « nerf de la guerre ». Dans le cas du Viêt-nam, c’est particulièrement important pour d’une part compenser la politique de socialisation et limiter les inégalités sociales en augmentant le soutien aux étudiants, d’autre part pour améliorer les conditions de travail et le niveau scientifique des enseignants par la formation ; elles servent également à moderniser ou rénover les infrastructures et les équipements740 et à augmenter les moyens consacrés à la recherche. Malgré les importantes réformes administratives et financières entreprises pour rationaliser les dépenses et assurer la croissance du budget de l’éducation, les moyens sont encore insuffisants comparativement aux objectifs, tableau 3.2 :

[Tableau 3.2 - Statistiques sur le budget de l'éducation et de la formation]
[Tableau 3.2 - Statistiques sur le budget de l'éducation et de la formation]

[Source : site du Ministère des finances (MOF), 8/07/2008
(*1) en milliard. Valeur du change au 8/07/2008 : 16 617 VND pou 1US$ Budget comprenant tous les secteurs de l'éducation. Hors budget de la recherche]

En 1999, l’État prévoyait une croissance annuelle du budget de 15% allant jusqu’à 30% du budget de l’État à l’horizon 2010-2020. Elle devait être appuyée par la diversification des sources de financement, l’investissement privé, la coopération internationale, la contribution de la population. Avec une stagnation aux environs de 20% du budget de l’État sur les deux derniers exercices, le budget de l’éducation reste dans les prévisions à 2020, à condition que la part du budget consacrée à l’éducation évolue, car ce taux n’a évolué que de 6 pts depuis 2003. Ce budget a surtout profité, comme le reste de l’économie, de la forte progression du PIB du pays.

[Tableau 3.3 - Répartition et coût par secteur du budget de l'éducation du Viêt-nam, de 2001 à 2007, en US$]
[Tableau 3.3 - Répartition et coût par secteur du budget de l'éducation du Viêt-nam, de 2001 à 2007, en US$]

[Réalisé par l'auteur, source : site du Ministère des finances (MOF), 8/07/2008
(*1) en milliard. Valeur du change au 8/07/2008 : 16 617 VND pou 1US$
Budget comprenant tous les secteurs de l'éducation. Hors budget de la recherche]

Le budget moyen attribué par l’État à l’éducation était d’environ 40 US$ par élève en 1999 et environ 350 US$ par étudiant (tableau 3.3)741. Entre 2001 et 2007, le coût par élève sur l’ensemble du système éducatif a été multiplié par plus de cinq (222 US$), alors que sur la même période celui des étudiants a été multiplié par un peu plus de deux (2 608 US$). La part du budget de l’enseignement supérieur a diminué d’environ 0,1% sur la période alors que les effectifs augmentaient de 30%.

Ce budget est important pour le Viêt-nam mais reste insuffisant non seulement au regard des objectifs de l’État mais aussi comparativement aux autres pays en développement. Rappelons que le Viêt-nam a rattrapé le niveau d’IDH de l’Indonésie, par contre, son système ne profite qu’à environ 400 étudiants pour 100 000 habitants, contre 1 100 à l’Indonésie742.

L’éducation est à présent un secteur fortement décentralisé financièrement. En 2004, 84,9% des dépenses récurrentes743 étaient gérées localement744. Les provinces et les districts réalisent entre 70 et 75%745 des dépenses d’un État qui finance environ la moitié de leur budget746. En ce qui concerne les possibilités d’évolution du budget, les établissements d’enseignements supérieurs publics sont financés par l’État pour un peu plus de la moitié de leur budget (35% de droits de scolarité et environ 8% de contrats de recherche ou de ressources publiques diverses) 747. Les ressources financières dépendant des effectifs et permettant d’allotir les droits d’entrée. Mais nous avons vu que le montant des droits est finalement contrôlé par un État qui souhaite contrôler l’inflation pour ne pas augmenter les inégalités.

La part couverte actuellement grâce à la diversification des sources de financement (notamment le financement des familles, la formation continue, le secteur privé) est très importante pour le fonctionnement des établissements mais ne compense pas encore suffisamment un budget encore trop faible. L’augmentation budgétaire reste donc plus que jamais encore principalement une question de priorité politique.

Il importe donc de plus en plus à chaque établissement de trouver les ressources pour garantir la marge nécessaire à leur équilibre et leur développement. Qu’ils soient publics ou privés, il peuvent agir soit : en améliorant la qualité de leur gestion financière et notamment par la rationalisation des charges ; en augmentant et diversifiant les activités telles que la formation continue ; en augmentant les tarifs des formations non qualifiantes dont les frais de scolarité ne sont pas validés par l’État, notamment dans le cadre la formation continue748 ; en améliorant leur capacité de capter les investissements étrangers, voire en trouvant des sponsors locaux. Cependant, l’augmentation des effectifs et du nombre de formations est limitée par l’expertise scientifique et par la capacité des infrastructures. De ce fait, la gestion rigoureuse d’un faible budget ne suffira jamais à compenser le manque budgétaire.

Mais l’augmentation des frais de formation doit être justifiée par celle de la qualité des prestations.

Malgré les efforts financiers consentis,le budget de l’éducation ne profite donc pas suffisamment des fruits de la croissance et ne permet pas en l’état de soutenir seul les moyens nécessaires à un développement qualitatif. La politique d’autofinancement permet de responsabiliser les établissements sur leur gestion et sur leurs prestations au regard du public, leur apporte plus de liberté de fonctionnement, mais les place devant un dilemme financier dans une période de transition. Comment assumer un développement qualitatif tout en étant à la recherche de son équilibre financier ? Dans ces conditions, le risque semble plus élevé d’engager de front une amélioration ou tout au moins le maintien qualitatif des activités existantes mais aussi une production de nouvelles activités de qualité. On sait cependant que la qualité ne dépend pas des seules ressources financières. Nous avons vu que l’amélioration des programmes et des méthodes pédagogiques n’est pas uniquement liée à celle des moyens financiers. Et il en est de même pour un autre facteur capital lié à la pertinence du recrutement des étudiants.

Notes
740.

Principalement dans le secteur public, il est observé : des bâtiments et équipements dégradés, des classes surchargées (il n’est pas rare de voir des étudiants dans les couloirs), des laboratoires mal équipés, une insuffisance d’amphithéâtres, la rareté des revues et des publications scientifiques de niveau international, notamment à cause du coût très élevé des traductions, etc. Sources Jacques Hallak, Formation et enseignement supérieurs au Vietnam - Transition et enjeux, op. cit., et Ambassade de France en République Socialiste du Viêt-nam, Document de synthèse de préfaisabilité — Université Française au Vietnam, op. cit.

741.

Jacques Hallak, Formation et enseignement supérieurs au Vietnam - Transition et enjeux, op. cit., page 23 et Source MOET.

742.

Pour rappel, le budget de l’État consacré à l’éducation est en moyenne de 2,5% du PIB pour les PMA, l’écart des ressources entre les PMA et les pays riches est estimé en moyenne de 1 à 140. Le coût moyen annuel par élève est de 45US$ dans un PMA, contre 4 500 US$ dans un pays riche. Pour rappel, le budget annuel de la seule université de Harvard dépassait les 3 milliards US$ en 2007.

743.

Qui ont un caractère permanent, telles que les charges fixes salariales ou certains frais de fonctionnement.

744.

Ministry of Finance 2006. Disclosure of State Budget – Table 04/CKTC – NSNN : Final accounts of expenditures of state budget, central budget, local budget by structure for 2004 ( http://mof.gov.vn/ - 10/08/2006, 10:18). Cité par Nolwen Hénaff, « Le financement et contrôle de l’éducation. Le cas du Viêt-nam », op. cit., page 278.

745.

Hénaff Nolwen, Doi Moi et globalisation : vers un accroissement des inégalités en matière d'éducation, op. cit., page 9.

746.

Le budget de certains établissements peut aussi provenir tout ou partie d’autres ministères qui assurent la tutelle sur des établissements ou des instituts de recherche qu’ils ont créés. C’est le cas par exemple de l’agriculture, de l’industrie, de la santé, de la police (ministère des Affaires intérieures), etc.

747.

Jacques Hallak, Formation et enseignement supérieurs au Vietnam - Transition et enjeux, op. cit., page 23 et source MOET.

748.

Les deux cadres universitaires que nous avons interrogés estimaient que près de la majorité des activités de leur établissement provenaient de la formation continue.