4.2.3 L’AITCV : les contraintes d’une filiation

Créé en 1993, l’Asian Institute of Technology Center Vietnam est le seul campus délocalisé de l’AIT 780 et le premier et le seul du genre parmi les programmes à vocation culturelle. Elle possède deux campus principaux loués, à Hanoi et HCMV, dans lesquels sont proposés, entre autre, un MBA qui réunit une cinquante d’étudiants en formation continue. Ainsi plus de 1.000 diplômés formés par l’AIT sont vietnamiens781, dont 700 formés à l’AIT CV782.

Elle a joué jusqu’à présent un rôle capital pour la formation de niveau master et doctoral dans toutes les disciplines et particulièrement en Management783. Son unique positionnement « d’université multinationale et d’ONG »784, sa constance et surtout son partenariat avec le gouvernement vietnamien785, lui confèrent une importante notoriété. Cette dernière s’ajoute à la force de son réseau pour créer les conditions nécessaires à l’attachement du public et des entreprises et ce malgré le coût élevé des formations786. L’AIT CV est parvenue à présent à s’autofinancer787 grâce à cette attractivité et une certaine fidélité, mais aussi à la diversification de ses activités. Elle propose des formations courtes aux particuliers et aux entreprises, ainsi que du conseil.

[Fiche technique N°3 - AIT Vietnam]*
[Fiche technique N°3 - AIT Vietnam]*

[Source: enquête réalisée en 2005 par l'auteur, interview avec l'ex-directeur de l'AIT Centre Vietnam]

L’AITCV nous semble un cas représentatif des conditions nécessaires à un établissement à vocation culturelle pour pouvoir être délocalisé et subsister. En étant implanté au Viêt-nam, il est confronté à une demande différente de celle qui a justifié la création de sa maison mère. L’heure n’est plus majoritairement, contrairement au Laos ou au Cambodge788, à la formation des élites de l’administration et des ONG. L’AITCV est à présent largement orientée vers le monde des affaires, dénotant en grande partie de sa vocation première. La diminution des subsides internationaux, la concurrence naissante, la modification des besoins du marché de l’emploi, orientent immanquablement ses activités à la manière des écoles de commerce. Mais quel est le sens du positionnement de l’AITCV dans ce contexte nouveau ?

Dans ce contexte, les questions stratégiques se posent concernant les conditions pour l’AIT-CV de pouvoir maintenir sa place dans le marché et se développer tout en maintenant une vocation première qui légitimait à l’origine sa délocalisation. Ceci s’effectue sous l’œil vigilant d’une maison mère, qui doit éventuellement accompagner ce mouvement789 et qui commence elle-même à être attaquée sur son sol790.

Notes
780.

Annexe 4.3.

781.

Environ 30 % des anciens diplômés du MBA de l’AIT travaillent au sein des organisations publiques, gouvernementales ou non gouvernementales, nationales, locales ou internationales, administrations et services publics.  Cette proportion s’élève à plus de 50 % au Laos. Car ces formations peuvent aussi avoir, « […] sous l’insistance des acteurs de l’aide internationale, des enjeux de réforme administrative, de développement durable (notamment en matière de gestion de l’environnement) et de bonne gouvernance ». Source Joël Broustail, en collaboration avec Gilbert Palaoro, « La formation des élites managériales dans les économies en transition, op. cit., page 65.

782.

Soit 10% du total des anciens étudiants de l’AIT, En quatorze années, l’AITCV a formé au total plus de 15 000 personnes, provenant de plus de 300 organisations ou entreprises, grâce à des programmes de formation continue diplômants ou de niveau post universitaire. Les étudiants en/de Executive MBA (EMBA) effectuent 6 semaines de formation à la School of Management de l’AIT à Bangkok.

783.

Selon nos sources, elle est la structure post-universitaire, y compris doctorale, tous établissements confondus, qui a formé le plus d’étudiants au Viêt-nam. A notre connaissance, il n’existe qu’un seul autre programme doctoral international dans le pays au sein de l’école doctorale régionale francophone en droit, sous l’égide du Pôle Universitaire Français et d’autres partenaires tels que l’AUF.

784.

Mise en place par la communauté internationale, l’AIT a autant vocation de former des élites aux carrières d'affaires qu’aux carrières des secteurs non marchands pour favoriser un développement global et durable.

785.

Le conseil d’administration de l’AIT est formé des représentants de la cinquantaine de pays donateurs, dont le Viêt-nam, garantissant largement son financement grâce notamment aux bourses directes attribuées aux étudiants.

786.

Plus de 15 000 US$ pour la formation se déroulant au Viêt-nam. Il faut ajouter environ 10 000 US$ si vous souhaitez vous former totalement à Bangkok. Une bonne proportion des étudiants sont boursiers soit du gouvernement vietnamien, d’un autre état partenaire, soit de leur entreprise. Ainsi, en 2000 environ 70% du budget de l’AIT provenait de fonds de coopération internationale.

787.

Contrairement à sa maison mère qui est très largement financée par la coopération internationale, notamment par l’appui aux boursiers d’une cinquantaine de pays, l’AITCV doit pouvoir justifier de son statut d’unique campus délocalisé et largement s’autofinancer sur ses activités locales.

788.

Les raisons qui poussent de nombreux diplômés laotiens ou cambodgiens de l’AIT sont de deux ordres : « […] le levier d’influence que confèrent les fonctions administratives dans les structures étatiques (qui compense le très bas niveau des salaires de la fonction publique) ; les salaires élevés dans les organisations internationales ou les ONG qui, en particulier au Laos et au Cambodge, attirent donc tout naturellement les meilleurs ». Joël, en collaboration avec Gilbert Palaoro, « La formation des élites managériales dans les économies en transition, op. cit., page 65.

789.

Le projet d’expansion vers d’autres sites tels que Can Tho et Da Lat, initié par l’ancien directeur de l’AITCV, a été stoppé dès son départ.

790.

En étant placé en Thaïlande, l’AIT se retrouve confrontée à la concurrence très vive d’établissements ou de diplômes délocalisés provenant notamment de Singapour, de Malaisie ou d’Australie.