4.2.7 Le RMIT : le modèle commercial de campus délocalisé

Le Royal Melbourne Institute of Technology825 représente un nouveau type d'intervention d'acteurs internationaux qui a fait récemment son apparition par l’activité de cette université australienne très renommée dans son pays. Il a été le premier à délocaliser en 2001826, de manière entièrement autonome, deux campus à Hanoi mais surtout à HCMV. C’est « […] l'implantation pure et simple d'un établissement étranger avec tous les moyens afférents à une telle stratégie de création d'une filiale à part entière (locaux possédés en propre, moyens logistiques, administratifs et humains correspondants, etc.).[...] Cette université, bénéficiant d'une licence du gouvernement vietnamien l'autorisant à créer une structure 100% privée, a investi 32 millions de dollars - dont 45% sur un prêt de la Banque Asiatique de Développement 827 - dans des locaux très valorisants à Hanoi et HCMV. Sur financement international, le RMIT assure également la mise en place de centres de documentation ultramodernes dans différentes universités vietnamiennes 828 . Cette stratégie du RMIT, qui offre bien entendu une palette de programmes en gestion, dont un MBA, établit un nouvel ordre de grandeur dans l’envergure et la nature même des opérations internationales en matière d’enseignement supérieur au Viêt-Nam. Elle constitue, depuis la création de l’AIT en 1959, le deuxième cas d’implantation d’un établissement international avec un niveau d’investissement d’emblée comparable à celui d’une bonne université occidentale. C’est un changement d’ordre de grandeur que doivent prendre en compte aussi bien les autres acteurs internationaux que les universités locales »829.

L’arrivée du RMIT n’est pas le fruit du hasard. L’Australie est fortement présente dans le pays depuis 1992, deux années avant la levée de l’embargo américain. Les nombreuses activités de coopération initiées par son agence de développement830 ont joué un rôle capital dans l’accélération du processus d’ouverture du RMIT, notamment la construction du fameux pont suspendu de My Tho831. De manière exceptionnelle, le RMIT a réussi à obtenir des accords d’ouverture qui jusqu’à présent, à notre connaissance, n’ont toujours pas été délivrés à d’autres établissements poursuivant une logique commerciale et ce malgré de nombreuses tentatives. Comparativement à l’excellent positionnement de la France acquis suite à plusieurs décennies d’histoire commune et à qui le Viêt-nam accorde toute sa confiance dès l’ouverture du pays pour pouvoir créer une université, le RMIT a finalement opté pour une stratégie lui permettant de contourner les blocages politiques liés à la méfiance de l’Etat. Il délivre les diplômes de la maison mère en supportant tous les avantages et les inconvénients d’une entreprise financièrement autonome. Mais la maison mère se protège. Le RMIT Viêt-nam est le projet aboutit d’une stratégie d’exportation de la maison mère au niveau régional. Dans la seule région Asie-Pacifique, il délivre une soixantaine de diplômes, dont une dizaine de MMI et un doctorat en Business à Singapour832. Le Viêt-nam est le seul pays dans lequel le RMIT a pu délocaliser un campus. Il y propose un MBA, un EMBA ainsi qu’un Master de management de projet en éducation. D’un point de vue rendement des effectifs, les affaires marchent. Le campus d’HCMV accueille 3 800 étudiants provenant d’une dizaine de pays. La diversité des programmes de niveau licence lui assure un fond de roulement. Il propose ainsi sept licences en gestion économie ou en informatique ainsi de nombreux programmes d’apprentissages de l’anglais. Des projets d’expansion sont en cours sur un terrain qui vaut son pesant d’or. Il capte la clientèle vietnamienne fortunée, une partie de celle qui n’a pas réussi le concours d’entrée à l’université, ou qui préfère poursuivre des études dans un milieu totalement international et sans avoir besoin de se déplacer. Á ce titre, certains responsables du RMIT considèrent qu’il y un risque de « cannibalisme » au dépend de la maison mère, puisqu’il est proposé au Viêt-nam les mêmes diplômes pour un tarif nettement moins élevé833. Mais cet argument reste à vérifier et l’établissement mère a probablement déjà fait ses comptes puisqu’elle continue à développer les diplômes délocalisés. En termes de gestion, d’administration et de communication, c’est une équipe professionnelle, rompue à la tâche, qui met tout en œuvre pour dégager le maximum de rentabilité, amortir les investissements et afficher une prestation aux standards internationaux. La rigueur de gestion est parfois jugée excessive par certains enseignants, au dépend de l’investissement pédagogique.

[Fiche technique N°6 - RMIT Vietnam]
[Fiche technique N°6 - RMIT Vietnam]

Le RMIT n’a pratiquement pas de concurrents directs au niveau des licences. Il doit par contre faire attention sur les programmes d’apprentissage de l’anglais car dans ce domaine la concurrence est sévère sur la place. Le volume d’activités, la qualité de l’accueil et le milieu très anglophone qu’il impose, lui laisse cependant de la marge pour manœuvrer en termes de prix834 et donc de développement.

Il est le numéro un sur le marché des licences internationales délocalisées mais il n’en est pas de même sur le marché des masters. L’établissement franchisé est obligé de recruter sur place, ne profitant pas, ou très peu, de l’expertise d’une maison mère qui ne peut ou ne veut pas assumer cette charge. Le recrutement au niveau master rencontre logiquement, comme tout à chacun au Viêt-nam, les problèmes relatifs au manque d’expertise scientifique de haut niveau international. Les 80% des enseignants étrangers qui y travaillent sont donc en principe recruter sur place. Environ 20% d’entre eux sont titulaires d’un doctorat pour l’encadrement des MMIs, les autres justifient d’un niveau master ou de reconnaissance professionnelle. Il s’appuie ainsi sur ses relations privilégiées avec le milieu des entreprises pour se promouvoir. Son marketing est donc peu centré sur le niveau et l’origine de l’expertise scientifique, mais plutôt sur son aspect international, totalement anglophone835 et très moderne836, bref « comme si vous étiez en Australie… ». Le RMIT est donc un grand consommateur d’enseignants locaux et doit rentrer dans le jeu très concurrentiel du marché de l’emploi des enseignants. Cet aspect semble être le point névralgique d’une institution qui a besoin de produits stars pour créer une attractivité par le haut. Mise à part cette difficulté, l’efficacité de cette structure doit probablement faire des envieux.

Notes
825.

Sources principales : entretien avec Madame Do Anh Thu, responsable des ressources humaines au RMIT en 2005. Le 5/09/2005. Information complétée par des propose recueillis auprès des étudiants du RMIT. Autre source, site du RMIT, http://www.rmit.edu.vn/ , dernière consultation le 16/11/2008.

826.

Il a obtenu sa licence en 2000.

827.

ADB-International Found Cooperation.

828.

Financés par Atlantic Philanthropies Foundation.

829.

« un nouveau type d’intervention internationale : un changement d’ordre de grandeur ? » Joël Broustail, en collaboration avec Gilbert Palaoro, « La formation des élites managériales dans les économies en transition, op. cit., page 61.

830.

AusAID, Australian Agency for International Development.

831.

Le plus grand pont suspendu du Viêt-nam a été construit et financé par l’Australie.

832.

Il délocalise ses activités dans environ 24 établissements en Chine, Japon, Malaisie, Singapour, Viêt-nam.

833.

La licence de commerce coûte au total  17 000 US$ au Viêt-nam contre 42 000 US$ en Australie.

834.

Les MBAs coûtent 16 000 US$, contre 13 000 US$ en 2005 pour les locaux. Les étrangers payent en 2008, 21 500 US$.

835.

Le niveau d’exigence requis est très élevé pour les enseignants concernant leur maîtrise de la langue anglaise.

836.

Aucune information sur la composition de l’équipe n’est mentionnée sur le site du RMIT.