4.3.3 De la règlementation à l’organisation

L’étape d’investigation révèle différents modes d’approches, amorce l’entrée sur le marché et engage une série de questions concernant les conditions générales préalables à l’implantation. Ainsi doivent être passés en revue en premier lieu le statut juridique du projet, la contractualisation éventuelle avec le partenaire, son organisation, sa direction, les ressources. Ces étapes ne sont pas nécessairement chronologiques, elles s’entremêlent en fonction des réalités internes, imposées par la gouvernance, l’histoire ou l’organisation de la structure, etc. Nous l’avons vu, tantôt des enseignants « champions » sont totalement à l’initiative du projet et seront de fait les responsables, tantôt c’est un projet financier d’aide au développement ou un appel d’offre qui déclenche l’ensemble, qui place et règle de fait la question du financement avant toute chose. Mais c’est en principe la règlementation, un élément externe, qui s’impose à l’institution (sans qui rien n’est possible), qui permet d’avancer dans le projet. Á ce propos, nous avons déjà abordé les aspects qui concernent l’ouverture du pays à toutes formes investissements étrangers et dans tous les domaines d’exportation ou d’implantation. Mesurons à présent l’influence d’un autre niveau de réglementation, académique et fiscale, qui concerne plus particulièrement la délocalisation des diplômes. Nous verrons en quoi ces règles et leur application éventuelle, peuvent intervenir sur les formes institutionnelles et par là contractuelles, qui s’imposent aux établissements. Trois de ces règles nous semblent à ce titre jouer un rôle central.

1/ L’homologation du pays d’origine. La première étape pour délocaliser un diplôme consiste à en avoir l’autorisation par la tutelle académique qui l’a homologuée dans le pays exportateur. Car l’engagement n’est pas minime, il s’agit de pouvoir contrôler ou déléguer le contrôle pour garantir la délivrance d’une formation et d’un diplôme dans un pays en développement. Il faut rappeler que la prestation « diplôme étranger » est capitale comme argument « de vente » et que chacun des huit pays en présence sur le marché possède ses règles propres. On constate ainsi que des pays comme la Belgique imposent, en principe, qu’une partie de la formation soit réalisée dans l’environnement/sur le territoire belge. C’est peut-être pour ce motif que l’UBI est implanté à Bruxelles mais que l’homologation provient d’un établissement anglais. Cet établissement contourne ainsi la conditionnalité imposée par l’Etat belge. D’autres motifs sont peut-être à l’origine de cette stratégie de contournement, mais nous ne sommes pas en mesure de les connaître. Rappelons par ailleurs que le Japon refuse catégoriquement toute exportation d’un diplôme qu’il a homologué et qu’il préconise dans ce cas soit l’homologation locale ou le transfert d’un diplôme universitaire. C’est probablement aussi pour cela, en plus des problèmes linguistiques, qu’aucun établissement japonais n’a pour l’instant délocalisé un diplôme malgré leur forte présence dans de multiples autres activités.

Ainsi, la très grande majorité des établissements qui se trouvent sur le marché vietnamien, les américains, les australiens, les français, peuvent délocaliser leurs diplômes où bon leur semble, à condition toutefois que la formation délivrée soit totalement identique. La manière dont sera délocalisée la formation et particulièrement dont va se dérouler le programme, dépend aussi des règles internes de l’institution d’origine. Par conséquent, par force, par conviction déontologique, pour protéger sa marque, ou parce que ce n’est pas jugé important, la Harvard Business School ne donne quant à elle qu’une attestation à la suite de sa formation en management public, considérant en l’état qu’elle n’est pas identique à celle d’origine848. Malgré le feu vert de l’Etat, certaines écoles de commerce, telles que celles qui évoluent avec le CFVG, ont leur propre réglementation et obligent, tout au moins sur une très courte période, les étudiants à venir étudier dans le pays d’origine de ces écoles.

2/ Le droit de délivrer un diplôme étranger sur le sol vietnamien 849. Deux cas de figure se présentent dès lors :

3/ la déclaration de produits commerciaux générés par un quelconque service éducatif au Viêt-nam. La législation vietnamienne détermine un régime de taxation non sur l’origine, le statut ou le contrat, mais sur l’éventuel profit attesté par le résultat de l’activité851. En l’état actuel, à notre connaissance, seul le RMIT a déclaré et obtenu une licence de type commercial. Dans le cas d’une délocalisation au sein d’un établissement vietnamien, ce dernier doit déclarer les éventuels investissements immobiliers occasionnés par une activité étrangère comme ce fut par exemple le cas lors de la création du centre de formation Ko Viet, abrité par les Sciences Economiques d’HCMV.852. Á l’exclusion des projets faisant l’objet d’un MOU853 avec l’Etat, comme le CFVG ou l’AITCV854, ou comme probablement les PUF et qui en principe, n’ont pas cette vocation, avec la caution de l’Etat. Les autres programmes délocalisés dans des universités vietnamiennes sont, en principe, soumis au contrôle fiscal et à taxation. Ce cas de figure peut donc se présenter à tous les masters délocalisés, qu’ils soient français ou australiens. La contractualisation entre l’établissement d’accueil et étranger ne mentionne pas la dimension éventuellement lucrative du projet. Cette réglementation fiscale est dans les faits pour l’instant peu appliquée dans la mesure où l’essentiel des programmes sont délocalisés dans des établissements vietnamiens publics qui n’ont donc pas une vocation commerciale. On observe dès lors que la taxation s’opèrera sur toutes formes d’indemnités ou de salaires perçus, par tous les personnels sous-traitants, enseignants ou administratifs, directement de la part de l’organisation étrangère. La dernière réglementation prévue imposerait ainsi un taux de 20% sur tous les montants supérieurs à 500 000VND (environ 20 euros).

Notes
848.

Il s’agit de la formation continue en management public délivrée à l’université des Sciences Economiques d’HCMVille.

849.

Rappelons par exemple qu’au Japon ou en Indonésie un diplôme étranger ne peut pas être délocalisé. C’est peut-être pour ce motif que le RMIT n’a pas pu s’implanter chez son proche voisin (qui pourtant présente des caractéristiques tout aussi favorables que le Viêt-nam) et que les deux bachelors qu’il a prévu d’ouvrir au Japon sont encore en gestation. Voir chapitre 2, paragraphe « Les gouvernements ».

850.

Créé en 2002, le Centre de Formation Coopératif (International Training Program, ITP) est placé sous le contrôle du département des affaires internationales, (International Cooperation Department, ICD), Ecole Polytechnique de Hanoi, annexe 4.6.

851.

Il s’agit généralement de la balance entre les frais de scolarité demandés aux étudiants et toutes les charges directes relatives au master, y compris les rémunérations - les mobilités - le fonctionnement, la location, les investissements. Si les investissements entrepris sont très lourds, ils doivent systématiquement être signalés au ministère du commerce (ou équivalent). Ce fut le cas par exemple, lors de la création du centre de formation Ko Viet, abrité par les Sciences Economiques d’HCMVille, construit spécifiquement pour produire des formations courtes et techniques en informatique. Même si le montant des formations n’est pas élevé, l’importance de l’investissement initial a entraîné cette déclaration.

852.

Ce fut probablement aussi le cas pour le bâtiment construit spécifiquement pour accueillir le MBA de la Hawai Business School au sein de l’UNV à HN. Nous n’avons pas les termes précis de l’accord mais en toute rigueur, nous supposons que le contractant américain avait intérêt à déclarer cet investissement d’une manière ou d’une autre pour le protéger. 

853.

Contrat ou MOU (Memorendum Of Understanding).

854.

Pour ces deux structures, le MOET fait parti du conseil d’administration (ou équivalent).