4.3.8 Financement : le point mort ?

A partir des conditions d’encadrement, d’ingénierie et d’administration, comment établir le budget et surtout comment l’équilibrer ? Quelles sont les charges à prendre en compte et pour quelles ressources ? Quel est l’impact des prix de la concurrence dans cette construction ?

Les charges fixes, salariales et de mobilité, sont très différentes en fonction du statut, des contrats et de la nationalité des personnels. Le niveau des autres charges fixes est essentiellement lié aux activités sous-traitées auprès de l’établissement d’accueil. Les charges variables sont essentiellement relatives aux frais d’inscription. L’équilibre financier dépend dès lors de subventions éventuelles, de l’autofinancement et dans le cas échéant des investissements ou déficits supportés par les partenaires. C’est dans un contexte de libre marché et de concurrence croissante que devra ensuite se déterminer le tarif.

Détermination et évolution des tarifs du marché

L’autofinancement des particuliers et l’investissement des partenaires prennent le pas sur aides publiques en régression. C’est ainsi que le soutien du SAV pour le projet de Maastricht et de l’APEFE pour les MMI de Solvay ULB/SOLVAY sont arrivés à terme. Il devrait en être de même à court terme pour le projet FSP soutenant les PUF. Par vocation, les aides publiques soutiennent des projets à terme et sont vouées à disparaître au profit d’un développement ponctuel ou pérenne. Les aides au développement vont progressivement diminuer au Viêt-nam, probablement avec la crise économique mondiale, mais aussi logiquement, grâce au fait que le pays devient moins prioritaire. C’est ainsi que la Suède a choisi récemment de se désengager, tout au moins sur les projets éducatifs.

De toute façon les aides ne suffisent jamais à combler toutes les charges sauf pour des programmes exceptionnels mais peu durables, tel que celui de Harvard/Fulbright. L’investissement des établissements peut quant à lui se traduire par : la mise à disposition des enseignants - la prise en charge de mobilité – la prise en charge de frais relatifs aux activités de soutien (gestion, administration générale, outils de promotion, etc.) – l’abattement des frais d’inscription, etc. Mais ces investissements sont de moins en moins tolérés par des administrations d’universités qui ont à supporter des budgets de plus en plus serrés. La nécessité de trouver des ressources est naturellement d’autant plus grande pour les établissements, comme le RMIT. Il est en principe totalement en autofinancement et a lourdement investi883.

Le positionnement des prix des programmes internationaux, comparativement aux programmes locaux, fait apparaître d’énormes écarts. En se référant aux seuls MBAs, les tarifs locaux ne dépassent pas 500 USD884 soit six à trente six fois supérieur en fonction des offres étrangères.

Comparativement à 2005, les tarifs des MMI ont relativement peu augmenté, ne suivant même pas le niveau d’inflation. Mais ce chiffre est trompeur car il existe d’importantes variations de tarifs entre certains programmes et notamment en fonction de leur origine nationale, tableau 4.5 :

[Tableau 4.5 - Progression et tarifs de l'offre étrangère par origine, année 2005 – 2008]
[Tableau 4.5 - Progression et tarifs de l'offre étrangère par origine, année 2005 – 2008]

Les tarifs pratiqués par les anglo-saxons sont en moyenne supérieurs de 30%, soit 5 400 US$885, comparativement aux autres. Cet écart s’explique à la gratuité de la scolarité dans le pays d’origine (c’est donc une aide provenant du budget de l’Etat) - qui perçoivent une subvention directe (tels que le FSP des PUF), ou une aide indirecte (mies à disposition des enseignements). On peut toutefois supposer que la grande majorité des programmes bénéficie d’aides indirectes grâce aux activités de soutien couvertes par les établissements d’origine. On note qu’il n’y a pas, tous programmes confondus, de corrélations marquées entre le taux d’enseignants étrangers et les tarifs.

La croissance des établissements anglo-saxons a été de +18% en trois années, comparativement aux autres (+11%)886. C’est le comportement des neuf nouveaux entrants anglo-saxons qui impactent sérieusement sur le résultat, alors que les sortants anglo-saxons pratiquaient des tarifs en moyenne supérieurs à 12 000 US$ (tableau 4.6, infra).

Le tarif moyen des entrants anglo-saxons est 35% inférieur à celui du segment des MMI anglo-saxons, contrairement aux entrants de l’autre segment qui présentent un tarif pratiquement identique (seulement +1% de différence).

Les variations des tarifs pratiqués par les établissements plus anciens, notamment ceux qui ne sont pas anglo-saxons, révèlent eux aussi des comportements singuliers. Ils ont augmenté de près de 40%, soit 33% supérieur à la moyenne du marché et ils sont 8% supérieurs au prix moyen pratiqué par les entrants de leur segment

[Tableau 4.6 - Tarifs des MMI entrants depuis 2006, par origine pays]
[Tableau 4.6 - Tarifs des MMI entrants depuis 2006, par origine pays]

Parallèlement, les tarifs pratiqués par les MMI anglo-saxons présents sur le marché en 2005 augmentent de 18% et sont 35% supérieurs au tarif moyen pratiqué par les entrants de leur segment.

Comparativement aux prix pratiqués dans les établissements d’origine, nous avons là aussi des situations très contrastées. Puisque la scolarité est pratiquement gratuite, nous pouvons considérer que les tarifs pratiqués par les universités non anglo-saxonnes, servent essentiellement à couvrir les charges directes et principales imputables aux programmes délocalisés, déduction faite des frais d’inscription, en moyenne 800 euros (tableau 4.8, infra).

Dans les programmes anglo-saxons, la scolarité n’est pas gratuite. On constate des contrastes entre les tarifs pratiqués dans leur pays comparativement au Viêt-nam, par exemples :

Cette différence de tarifs peut s’expliquer par  une diminution des charges globales, un amortissement des charges fixes effectuées sur un effectif plus nombreux et une stratégie markéting pour mieux répondre au marché.

On notera que tout au moins887 six programmes annoncent des bourses complètes sachant que pour l’essentiel elles sont limitées et ont un caractère plutôt promotionnel, sauf pour l’AITCV888.

Un budget de master délocalisé

A l’instar du budget prévisionnel donné à titre indicatif ci-dessous, en dehors des charges assumées par les établissements d’origine ou locaux non facturées889, il peut comprendre les grandes lignes suivantes890 (tableau 4.7, infra) :

Les aides attribuées par l’établissement d’origine ou par les fonds et aides publiques de toutes sortes, portent souvent sur l’exonération ou la couverture des charges d’enseignants et de mobilité, couvrant ainsi une large partie des charges fixes (environ 30% dans notre budget, tableau 4.7, supra). On peut constater, comme dans notre exemple, que la tendance s’oriente vers une rétribution des heures de cours dans tous les MMI, y compris pour ceux dont la scolarité est gratuite dans le pays d’origine. Ceci peut s’expliquer par la nécessité d’amortir le dépassement des quotas d’heures légales à réaliser, ou la valorisation du travail par un sursalaire qui s’ajoute au per diem891. Même si cette pratique est peu courante, nous avons ajouté dans cette simulation budgétaire les charges et les produits valorisés qui peuvent être, dans l’absolu, considérées comme des subventions indirectes. Nous faisons l’hypothèse que ces lignes budgétaires peuvent avoir un impact sur la stratégie de l’établissement.

En théorie le tarif fixé est défini en fonction du nombre d’étudiants, pour atteindre un point mort et équilibrer le budget.

[Tableau 4.7 - Budget prévisionnel d'un MMI délocalisé par un établissement francophone en 2008]
[Tableau 4.7 - Budget prévisionnel d'un MMI délocalisé par un établissement francophone en 2008]

Pour les masters délocalisés dans des universités, rappelons que les charges qui incombent à l’établissement d’accueil font généralement l’objet d’un accord entre les partenaires étranger et vietnamien. Trois cas de figures peuvent dès lors se présenter afin d’amortir ces charges :

On note que les salaires déclarés de tous les personnels vietnamiens qui seraient sous contrat du projet étranger doivent obligatoirement transiter par l’administration de l’université locale. La règlementation interdit le salariat direct entre un employeur étranger et vietnamien. La transaction s’effectue par des opérateurs mandatés tels que FOSCO892.

Nous constatons donc que sur le marché vietnamien, les facteurs qui permettent de construire le budget et de déterminer les tarifs des MMI sont d’une grande diversité mais aussi comparativement d’une forte complexité. Parmi les vecteurs qui conditionnent ce budget, nous retrouvons : l’origine du pays qui détermine la gratuité ou pas de la scolarité - les structures qui entrainent ou pas la prise en charge de tout ou partie des charges – les accords partenariaux qui fixent la participation ou l’investissement des parties – les choix qui concernent l’ingénierie pédagogique qui impactent sur les charges du personnel – etc. La diminution des aides publiques renforcent progressivement le besoin de trouver des financements propres. Tous ces éléments permettent de construire un budget composé essentiellement de charges (84% dans notre exemple). Ce fait renforce l’importance de trouver un tarif adéquat qui permet de fixer et d’atteindre l’effectif escompté.

D’impressionnants écarts de tarifs sont constatés en fonction de variables liées aussi bien à l’ancienneté des programmes qu’à leur origine pays. C’est notamment le cas comparativement aux tarifs locaux, ou entre les établissements anglo-saxons et les autres. Le montage financier est donc le fruit de savants calculs entre partenaires qui doivent tenir compte de la capacité de chacun, du marché, de l’environnement règlementaire, tout en maintenant leurs intérêts pour atteindre leurs objectifs.

Finalement, en dehors de la question d’éthique et d’un point purement comptable, comme pour toute prestation de service, il revient aux établissements de résoudre une équation subtile « coût/effectif » qui doit déterminer le point mort, l’équilibre budgétaire et les tarifs.

Notes
883.

Certaines de ces activités de soutien assumées par la maison mère sont peut-être gratuites à moins qu’elles ne soient facturées comme une prestation de service.

884.

Voir tableau 4.11 en annexe.

885.

Pour rappel : de par son origine, sa stratégie et son agrément, nous avons assimilé l’UBI comme un établissement anglo-saxon.

886.

Comparativement aux deux taux de croissance, la moyenne est de 7% car elle est relative à un nombre supérieur de programmes, surtout pour les MMIs anglo-saxons, qui sont en moyenne plus chers.

887.

Les informations en notre possession ne nous permettent pas d’avoir des informations précises sur les autres programmes même à travers leur site internet.

888.

Nous avons vu que l’AIT présente un système original puisque le coût du programme de 15 000 US$ en 2008-09, représente la majorité des charges de fonctionnement, mais les étudiants vietnamiens sont en principe soit pris en charge par des Etats donateurs, notamment le Viêt-nam, soit par leurs entreprises.

889.

Les charges générées pour toute la préparation du programme, notamment les déplacements des équipes internationales et les salaires, ne sont jamais, à notre connaissance, prises en compte et amorties dans le budget. Nous les considérons à ce titre comme des charges de soutien et de développement assumées par les budgets des établissements d’origine et d’accueil.

890.

Exemple réel d’un budget prévisionnel réalisé en 2007 avec pour perspective l’ouverture d’un programme délocalisé d’un établissement francophone, voir tableau 4.8 en annexe.

891.

En fonction du statut des établissements, les termes varient pour respecter les régulations administratives et/ou fiscales du pays d’origine.

892.

Foreign Organisation Service Compagny. Ces compagnies sont officiellement créées pour favoriser l’implantation et la gestion du personnel des sociétés étrangères. On observe qu’elles pourraient aussi avoir l’avantage de mieux contrôler la taxation et les mouvements de ces mêmes entreprises. C’est ainsi que récemment, les compagnies telles que FOSCO doivent établir auprès de chaque compagnie la taxation relative à toutes indemnités, per diem, ou autres versements directs effectués par les entreprises auprès de leurs salariés.