Mais le marketing Mix ne doit avant tout qu’être au service d’une stratégie censée valorisée la marque de l’établissement, afin qu’il puisse être reconnu sur le marché. Ainsi, nous avons tous en mémoire l’association « des trois bandes » avec la marque Adidas ou les logos des différentes marques automobiles : l’image est associée à la qualité de la marque. Dans le marché des MMI au Viêt-nam, certains comme le RMIT tentent cette même approche commerciale.
Le cas CFVG 897
Parmi les établissements présents sur notre marché MMI rares sont ceux qui ont les moyens de travailler sur cette identification. Les mieux placés sont une fois de plus ceux qui ont des moyens financiers, la longévité et des structures permanentes. Prenons à ce titre l’exemple du CFVG pour illustrer ce que peut être une stratégie de la marque.
Pour pouvoir être identifié à une marque, au préalable, ces dernières années, comme le RMIT, le CFGV s’est attaché à poursuivre uns stratégie globale pour se positionner comme leader sur le marché et être reconnu. Pour ce faire il a globalement poursuivi la stratégie suivante :
Comme le RMIT, il est très important de pouvoir proposer des locaux et un accueil aux standards internationaux, une ingénierie pédagogique adaptée et des programmes diversifiés et reconnus, pour pouvoir construire une image de marque avec la meilleure notoriété.
Prenons ci-dessous quelques exemples de locaux rénovés du CFVG qui pourraient paraître normaux dans les business school occidentales mais qui sont pour l’heure tout à fait originaux au Viêt-nam.
C’est à partir de tous ces efforts sur plusieurs années que le CFVG a pu en suite travailler au repositionnement de sa marque. Il a du pour ce faire :
1/ réaliser une communication à deux niveaux : CFVG et les marques d’expertise française (« Paris ») et européenne. La multiplicité de ses partenaires (UEH, à Ho Chi Minh Ville, ESEN à Hanoi, CCIP, MAE, ESCP-EAP, Dauphine, IAE de Pais-Sorbonne, etc.) pouvant conduire à une confusion ou à une dilution de l’image du CFVG, tout particulièrement au CFVG-HCMV (qui a trois programmes distincts dans le cadre, pour chaque programme, de partenaires spécifiques).
2/ entreprendre une gestion de la marque et signalétique dans les locaux du CFVG
En parallèle, plusieurs éléments de signalétique sont mis en place :
3/ Une priorité financière à la communication
En parallèle avec la consolidation pédagogique et le lancement de nouveaux programmes, une priorité absolue a été donnée aux dépenses de communication (multipliées par huit entre 2004 et 2008, passant de 7820 USD à 65000 USD). Ces dépenses concernent principalement la publicité dans la presse et sur internet (annonces publicitaires, publirédactionnel, etc.).
4/ Construction d’une base de donnée
En parallèle avec la constitution d’une base de données de plusieurs centaines de contacts sur Ho Chi Minh Ville, des rencontres informelles (déjeuner, pots, mini-conférences en cercle restreint, etc.) sont multipliées avec les anciens du CFVG influents, des journalistes et des chefs d’entreprise, pour écouter les avis, analyses et sentiments des uns et des autres et « faire passer le message » concernant les changements en cours.
5/ Renforcement des outils de communication
Création de brochures standards détaillées avec les contributions des différentes parties impliquées (CCIP, IAE Paris-Sorbonne, ESCP-EAP, etc.).
6/ Les conférences et la mise en scène de l’expertise
Des conférences de lancement de nouveaux programmes sont organisées à grand renfort de publicité, avec plusieurs interventions d’experts, dans de grands hôtels. En parallèle, des conférences sont organisées à l’occasion de la venue de professeurs visitants sur des thèmes d’expertise « grand public » (par exemple « Le Viêt-Nam face à la crise financière » au printemps 2008).
7/ Le recours aux nouveaux media
Sur un plan national, le CFVG conduit une action de publicité sur Internet, relayés par des campagnes ou du publi-rédactionnel spécifiques au CFVG-HCMV.
Notons finalement, dans le cas du CFVG, que malgré la complexité de son système de gouvernance et de partenariat, la stratégie globale menée ces dernières années l’aura donc conduit à rivaliser avec le RMIT Vietnam. C’est par contre ses limites en termes de capacité et de qualité d’accueil qui peuvent à présent restreindre son développement. L’étape supplémentaire consistant probablement de s’agrandir, de construire, de moderniser et donc d’engager une stratégie encore plus audacieuse qui pourrait être servie par l’équilibre financier qu’elle a su atteindre. Mais dans ce cas encore faut-il pouvoir convaincre toutes les parties en présence, ce qui, dans le domaine de l’activité publique et de la coopération n’est pas toujours le plus facile à faire. Le CFVG rencontre là, en tant qu’établissement public, l’une de ses limites, comparativement aux Ecoles de commerce et surtout à des établissements privés tels que le RMIT, qui lui n’hésite pas à étendre son activité, investir pour dégager du volume et pour mieux se développer.
Quand est-il des autres structures ?
Concernant l’ensemble des structures observées, trois facteurs importants sont censés pouvoir promouvoir la marque :
Arrivent ensuite, en complément, les outils markéting d’information/orientation et de communication directe.
La notoriété
Du fait de la jeunesse des MBA au Viêt-nam, la notoriété de l’offre internationale découle essentiellement de qualités collectives et globales provenant du patrimoine des programmes de coopération, de l’image de réussite des pays industrialisés et de la réputation d’excellence de leur système éducatif, ou du simple fait d’être étranger. Le rôle de l’université d’accueil est secondaire en termes concurrentiel, puisque toutes celles qui sont présentes sont déjà reconnues, publiques et très bien situées. De plus, on a constaté une dissociation nette de la valeur des marques des universités locales dans la manière de promouvoir les MMIs. Á ces facteurs s’ajoutent le fait que l’université d’accueil joue un rôle marginal dans la réalisation du programme. Ainsi l’Université ouverte d’HCMV, la moins cotée d’entre toutes et en l’occurrence semi-publique au moment de la création du programme, n’a pas empêché, loin s’en faut, le développent des MMI de l’ULB/SOLVAY. C’est ainsi que finalement une enquête899, révèle que, mis à part l’université de Commerce extérieur de Hanoi, qui est largement en tête avec 28%, suivie de l’université Nationale avec 20%, toutes les autres se tiennent à quelques points. On note que la première a pour vocation une forte tradition d’activité internationale et la seconde a les moyens les plus importants pour accueillir près de 25% des MMI au sein de ses départements spécifiques, sa notoriété étant donc principalement générée par l’accueil d’un volume important d’activités très autonomes. On notera dans cette enquête que le CFVG est considéré comme un établissement vietnamien avec 5% de taux de notoriété.
Concernant les établissements étrangers, rares sont ceux qui comme Harvard, peuvent se prévaloir d’une véritable notoriété et d’une reconnaissance locale. Les vecteurs de notoriété sont donc essentiellement véhiculés par le statut d’étranger et par la marque « pays ».
Preuve en est donnée par le CFVG qui a créé sa marque et sa notoriété uniquement sur le marché vietnamien et étant la première en termes de notoriété à être citée parmi les concurrents étrangers. On peut considérer que l’AIT CV est en partie dans le même cas, puisqu’elle n’est reconnue que régionalement et qu’elle s’est permis, tout au moins jusqu’à présent, de remplir ses effectifs essentiellement grâce à sa notoriété et sur son réseau d’anciens.
La notoriété semble être attachée, non pas à la reconnaissance d’une marque internationale, mais plutôt à la conjonction de plusieurs autres facteurs, tels que : une présence de longue date qui inspire la sûreté - des tarifs raisonnables - l’activité dans les deux grandes villes du pays – le nombre et la diversité des MMI proposés – le volume des places. C’est ainsi que le RMIT est le deuxième établissement étranger à être cité alors qu’il ne bénéficie pas outre mesure d’une notoriété internationale supérieure à bon nombre des concurrents présents, comme celle des établissements américains. Les étudiants que nous avons interrogés à la sortie de l’université d’Economie à Hanoi ne connaissaient par ailleurs que de vagues noms d’universités ou d’écoles de commerces, comme « Harvard » ou « Oxford ». Concernant les programmes francophones, ils nommaient « La Sorbonne » ou « l’INSEAD ».
La place des classements
Difficile dans ces conditions d’imaginer que les traditionnels classements internationaux puissent jouer un grand rôle. De plus, la grande majorité des établissements de notre marché, mis à part quelques américains900, ainsi que dans une autre mesure, les établissements français partenaires du CFVG et ULB/SOLVAY901, n’y sont pas « honorés ».
Généralement, au niveau international, en dehors des projets appuyés par des aides publiques, les universités à forte notoriété ne cherchent pas à s’implanter dans des pays tel que le Viêt-nam par tous les moyens. Á choisir, lorsqu’elles recherchent un partenaire dans le monde du développement, elles préfèrent étendre leur influence avec les universités possédant le plus fort potentiel, telles que celles situées en Chine ou en Inde.
Les accréditations
Dans le même registre nous pouvons supposer que le manque de connaissances des systèmes d’assurance qualité et des classements ne permet encore une mise en valeur des programmes par les accréditations. Á ce titre, nous constatons que presque la moitié des établissements présents ne mettent pas en évidence, ou ne possèdent pas, d’accréditation spécifique sur les programmes en question ou se portant sur leur établissement. Sur les cinq structures permanentes, le RMIT ne met pas en avant ou ne possède pas ce type d’accréditation au même titre que l’AITCV. Le CFVG a obtenu l’accréditation EFMD902 portant sur l’établissement, alors que l’ULB/SOLVAY et la Hawai School of Business ont leurs programmes accrédités, respectivement par EQUIS903 et AACSB904. Parmi les autres programmes, l’AACSB est attribuée à Harvard et à Maastricht.
Informer pour compenser
Lorsque la notoriété, les classements internationaux et le processus d’assurance qualité ont peu ou pas d’influence sur le public, les outils de communication deviennent fondamentaux. Notre marché est donc confronté aux banales contraintes rencontrées par toute prestation de service qui s’exporte, qui est perçue comme nouvelle et qui tente d’investir un marché émergent.
Les campagnes de promotion et d’information sont dans les faits très confinées, voir inexistantes pour certains établissements. Ce concept n’est par ailleurs pas plus prisé par les universités publiques et subventionnées qu’il ne l’est dans tout le système universitaire vietnamien, y compris le système public. Or, les Vietnamiens ont une mission qui est à ce titre capitale. Non seulement ils sont souvent mandatés en tant que sous-traitants pour le faire, mais en plus ils deviennent, en tant que partenaires, incontournables pour leur connaissance du milieu et des réseaux.
Seules les structures permanentes mènent des campagnes de promotions qui ont pu être repérées dans le paysage médiatique et universitaire. Bon nombre de programmes profitent des promotions « pays » animés par les agences de développement. Ces forums regroupent tous les niveaux d’études, mais aussi tous les segments du marché, y compris celui des mobilités internationales. Ils ont plus un rôle d’information et de sensibilisation très utile pour le public vietnamien, mais leur portée est très limitée pour les MMI locaux. Il en est de même pour les sites internet des MMI. Les trois-quarts d’entre eux possèdent leur site, mais une minorité est facile à trouver et/ou conçue de manière interactive, attrayante, centrée sur l’activité, détaillée et mise à jour. L’information est d’autant plus ardue à obtenir pour les étudiants qu’elle s’accompagne pour plus de la moitié d’entre eux d’une méconnaissance totale de la signification du sigle « MBA »905.
C’est donc dans un contexte de forte découverte et d’émergence du marché que peut se jouer la prise de décision. Les outils qui garantissent habituellement la promotion des programmes fonctionnent très peu au Viêt-nam. Il en est ainsi de la notoriété des établissements vietnamiens, qui de toute façon jouent un rôle secondaire dans la représentation des étudiants, mais aussi de celle des établissements étrangers en général, internationalement peu ou pas connus. Fautes de représentations suffisantes de la part des étudiants, les règles internationales du jeu marketing continuent à être obsolètes concernant les accréditations et les classements. C’est les programmes implantés depuis plus longtemps qui justement et pour l’instant, tirent leur épingle du jeu. Ils construisent leur notoriété locale, profitent de leurs connaissances du milieu et de leur indépendance. L’indépendance paraît en effet cruciale, car les établissements locaux, qui sont censés suppléer les établissements étrangers, ne paraissent pas plus, pour l’instant, compétents ou motivés pour assurer ce service. Ainsi les outils markéting traditionnels d’informations publiques ou ciblés ne peuvent en l’état assumer totalement leur fonction.
Cf. rapport d'activité de M. Joël Broustail, 2008.
European Foundation for Management Development, association européenne des écoles de management.
C. Nguyen, L-H Bui Thi, N-T Truong Thi, Management development in Vietnam : an exploratory study, mémoire de formation master, CFVG, évaluation des besoins de formation au Viêtnam, 2007.
Enquête réalisée auprès d’entreprises impliquées dans le marché international, à propos de la notoriété des universités vietnamiennes en termes de qualité des formations. Les 38 entreprises proviennent de Hanoi et HCMV et existent en moyenne depuis 12 ans sur le marché vietnamien.
Quatre établissement américains sont accrédités AACSB, dont deux apparaissant dans des classements mondiaux : Harvard et Chicago.
En termes de reconnaissance en dehors des MBA américains principalement pour leur spécialité.
European Foundation for Management Development.
The European Quality Improvement System, mis en place par l’EFMD.
The American Associate of Collegiate Business Schools.
Gilbert Palaoro, « Quelle stratégie pour l’offre universitaire francophone : l’exemple des masters de gestion au Viêt-nam ? », op. cit.