4.4.2 Les alternatives de nombreux nouveaux entrants

Comparativement aux entreprises, plusieurs facteurs portent à croire que l’influence que peuvent exercer les établissements qui ont le projet de délocaliser est elle aussi potentiellement bien présente. Mais se traduit-elle dans les faits par une montée en puissance de ces nouveaux entrants ?

L’augmentation de 36% en trois années du nombre de MMI, soit 16 programmes nouveaux (tableau 4.9, supra), démontre une forte croissance comparativement à 2005. Mais c’est sans compter sur le nombre très important de projets en gestation, qui nous est impossible de répertorier de manière précise. Pour être plus précis concernant les barrières à l’entrée que peuvent rencontrer les entrants, il faut donc non seulement tenir compte des nouveaux arrivants, de tous ceux qui n’ont pas pu entrer et de l’environnement du marché.

Il suffit de se rendre sur les sites internet des universités publiques qui accueillent les MMI pour comprendre la complexité et l’importance du phénomène. De nombreux masters y apparaissent alors que nous avons été dans l’incapacité de recueillir des informations les concernant. De la même manière, les enquêtes conduites se sont souvent heurtées à une fin de non recevoir lorsque nous avons tenté de recueillir des informations sur certains MMIs. C’est peut être l’effet de l’imprécision des études de marché ou de leur absence ?

Mais finalement, cette croissance de 36% est-elle pour autant révélatrice de facilité pour les postulants, comparée à une politique d’ouverture plutôt flagrante ? Croissance par ailleurs basée sur un effectif de 36 MMI qui, en 2005, n’était pas tout de même si impressionnant que cela, comparée à la forte demande et à l’échelle d’un pays comme le Viêt-nam ? En principe, le flot des postulants n’est pas prêt de se tarir car, comme nous l’avons vu, il fait suite aux intérêts de tous les acteurs.

Les barrières à l’entrée peuvent être allégées par le fait que la promotion des programmes est tout autant garantie par des outils markéting directs que par la notoriété des concurrents existants. Les nouveaux entrants peuvent ainsi miser sur une efficacité promotionnelle, mais aussi sur la faible exploitation des études de marché qui ont été réalisées jusqu’à présent et qui ouvre peut-être les portes vers des cibles non exploitées.

La levée progressive des barrières à l’entrée découlant d’une application moins frileuse de la règlementation et d’une gestion moins bureaucratique des dossiers d’habilitation pourrait servir aux programmes étrangers intégrés dans des départements spécifiques. Elle pourrait aussi profiter aux établissements qui souhaitent délocaliser un campus ou des investisseurs qui souhaitent créer un établissement étranger. Par extension, ce sont les structures existantes, telles que le RMIT, l’AITCV le CFVG, qui, en évitant ces barrières à l’entrée, seraient potentiellement les mieux placées pour créer de nouvelles prestations/MMI. Ce ne sont pas, dans ce cas, de nouveaux entrants institutionnels, mais des prestations entrant dans le marché grâce aux concurrents existants. Certains allégements des barrières à l’entrée n’atténuent pas les obstacles de départ liés à la disponibilité des ressources internes liées à toute activité de ce genre, ou à l’environnement et au jeu d’influence externe.

Au niveau des capacités internes, la délocalisation ou création d’un campus ou d’un programme entraîne la nécessité d’une mise à disposition importantes de ressources. Elles sont notamment humaines lorsqu’il s’agit des mobilités mais surtout financières pour tous les moyens opérationnels ou les investissements lourds. Les capacités dépendent aussi des compétences. Si certaines barrières sont par exemple limitées par la possibilité de faire un markéting efficient ou des études de marché ciblées, pourquoi les nouveaux entrants seraient-ils mieux que les concurrents directs du marché, c’est-à-dire être plus capables d’assumer ces activités ?

Même si ces études portent leurs fruits, les établissements seront-ils capables de répondre à la demande spécifique ? Pour répondre aux besoins du marché de l’emploi et se différencier des produits offerts sur le marché, ces nouveaux entrants doivent être capables d’offrir des spécialités comme c’est le cas pour seulement 1/3 des MMI actuellement sur le marché. En effet, nous constatons que la demande des entreprises porte autant, voire moins, sur une formation généraliste de type MBA, que sur des formations permettant d’amélioration des compétences spécifiques telles que celles relatives à la qualité des prestations de services délivrées au client ou aux ressources humaines, figure 4.5 :

[Figure 4.5 – Compétences prioritaires à développer pour les managers]
[Figure 4.5 – Compétences prioritaires à développer pour les managers]

N’oublions pas cependant que la demande du marché de l’emploi et des entreprises ne correspond pas forcément aux représentations souvent confuses d’étudiants qui ont pour l’instant des difficultés à dissocier les contenus des programmes.

La question relative à la clientèle cible doit aussi se poser en termes de capacité pour le marché actuel à pouvoir supporter l’arrivée de nouveaux entrants, qui malgré des tarifs plus compétitifs que les concurrents actuels n’en restent pas moins prohibitifs. La croissance annuelle moyenne de 6% des tarifs est certes inférieure à celle de l’inflation moyenne du Viêt-nam, mais porte relativement sur un prix de base se rapprochant à celui permettant l’achat d’une maison. De nombreuses questions se posent alors : est-ce que la croissance du pouvoir d’achat du public pourra suivre celle des tarifs, est-ce que les nouvelles stratégies globales d’entrée des établissements, notamment d’investigation et les outils promotionnels, pourront toucher un nouveau public, est-ce que le nombre de nouveaux candidats riches saura honorer les nouvelles places offertes ?

Mais les dernières barrières à l’entrée sont probablement les plus coriaces à lever car elles concernent la capacité d’installation et production de la formation. En premier lieu, comment compenser le manque de ressources humaines locales pour assurer, au niveau souhaité, la sous-traitance des cours, l’ingénierie pédagogique ou l’administration ? La deuxième barrière n’en est pas moins complexe. Y a-t-il suffisamment d’établissements vietnamiens capables d’accueillir ces programmes ou souhaitant créer une coopération ? On a vu que pour l’instant seul un nombre limité d’universités publiques peut mener à bien cette mission, les autres étant bien éloignés géographiquement, mais aussi à la traîne structurellement et financièrement.

En conclusion, on remarque que les facteurs qui conditionnent le niveau de difficulté des barrières à l’entrée sont nombreux, mais qu’il est difficile d’en évaluer le sens, positif ou pas, de leur influence finale.

Des facteurs favorables persistent, d’autres apparaissent. Il en est ainsi de la demande du marché et de tous ses acteurs locaux, qui est plus forte que jamais et qui invite en théorie à l’engagement, en supposant qu’il y ait encore potentiellement une demande solvable pour répondre à l’offre actuelle et future.

En termes de facteur favorable, force est de constater que l’influence de l’Etat tend à faciliter la délocalisation de nouveaux programmes. Un allégement des procédures permet la diminution des freins bureaucratiques, ce qui représente un avantage commun à tous, au développement des établissements présents sur le marché, mais surtout à des postulants très nombreux et parfois impatients qui peuvent, plus que jamais, profiter de cette nouvelle ouverture.

Ces derniers ont aussi l’avantage de la jeunesse et pourraient s’engouffrer dans les brèches laissées béantes par les établissements existants, en particulier en qui concerne une lecture plus efficace et une investigation plus poussée du marché. Ce serait aussi l’occasion d’utiliser leur offre et de mieux « se vendre », en jouant sur les représentations d’un public encore novice, qui a besoin d’être informé et orienté.

La définition des freins à l’investissement paraissent moins conditionnels. Il en est ainsi des capacités, pour la maison mère, de pouvoir supporter les coûts d’entrée, qui gonflent les charges fixes, mais surtout celles relatives aux amortissements lourds. Il faut pouvoir trouver les fonds dans un contexte économique difficile, qui tend vers une baisse des aides publiques, tout en maintenant des tarifs concurrentiels. Ces universités doivent aussi faire face aux difficultés récurrentes avec le désavantage de la jeunesse. Il faut trouver les équipes, les partenaires et les divers sous traitants, parmi ceux qui restent disponibles.

La conclusion s’impose finalement à nous sous la forme d’une question. La balance est-elle suffisamment favorable pour permettre aux nombreux postulants de tenter l’aventure et ainsi, de devenir une vraie force sur le marché ?