Abordons à présent l’influence des universités qui accueillent ou qui collaborent avec les établissements étrangers et qui paraissent ainsi jouer un rôle capital.
Nous verrons qu’en fonction de la structure d’implantation et les moyens choisis par l’université étrangère pour délocaliser peuvent conduire à très forte valorisation des partenaires vietnamiens. Une structure autonome telle que le RMIT va être confrontée aux problèmes globaux de recrutement et de direction de la GRH dans un contexte interculturel pour assurer tout le fonctionnement, de la maintenance technique du campus jusqu’au contrôle de la qualité. Les autres vont être confrontées à des problèmes identiques mais nettement plus limités, mais surtout à la délégation à l’université d’accueil, des prestations sous-traitées en tant que prestataires de service, ou convenues en tant que collaborateur, de tout ou partie de l’ingénierie pédagogique, de l’accueil ou de l’administration. En plus de cette dépendance envers un tiers ou un partenaire, l’offre étrangère est confrontée à la réalité du difficile marché de l’emploi dans le secteur éducatif.
Le niveau d’influence des universités locales se joue en fonction de la stratégie du projet :
L’influence de l’université d’accueil dépendra autant de sa volonté mais aussi de sa capacité à pouvoir assumer ses responsabilités. Cette capacité est en partie liée à la qualité du partenariat en termes d’accompagnement de l’établissement étranger, de disponibilité des ressources, mais surtout d’implication dans le projet de l’établissement d’accueil. C’est aussi une question pratique liée à la qualité des infrastructures et à la situation géographique. Il faut pouvoir trouver le public et faciliter l’organisation des mobilités grâce à un endroit attractif.
L’influence de l’établissement d’accueil réside dans sa capacité d’assumer sa charge à la hauteur des objectifs fixés. « […] s’ils s’en vont, ce n’est pas grave, on trouvera un autre pays »940. Comme en témoignent ce type de réflexions que nous pouvons parfois entendre, le fait pour les universités étrangères de dépendre pour beaucoup de la seule volonté d’un établissement local de vouloir l’accueillir renforce de manière significative le pouvoir de ce dernier. D’autant plus dans le contexte actuellement trompeur qui pourrait donner à croire que les établissements locaux sont nombreux à pouvoir le faire. Or, on a constaté qu’une minorité d’universités publiques vietnamiennes peut actuellement s’enorgueillir et prétendre tenir un positionnement stratégique important. Nous vivons encore les retombées de cette période d’ouverture qui permet aux universités qui le peuvent de découvrir de manière novice les avantages de l’accueil du tout venant et pour d’autres à tout va. Mais la vingtaine d’universités locales privilégiées commence à comprendre la force de leur positionnement. Celles qui sont fortement sollicitées et qui ont des moyens importants, l’UNV ou l’IP-Hanoi, peuvent choisir la voie d’un accueil foisonnant. D’autres, telle que l’IP-HCMV, préfèrent limiter leur accueil et construire des projets ciblés de collaboration. L’université d’Economie de HN, malgré un très bon positionnement et des sollicitations, développe très peu ce genre d’activité pour des motifs qui nous échappent. Il y a enfin de grandes universités privées dans les deux grandes villes, ou des publiques dans les grandes éloignées, qui sont à la recherche de partenaires.
Passée l’étape de l’université d’accueil, la position stratégique des enseignants n’en est pas moins importante. Il faut pouvoir trouver des ressources à la hauteur d’une formation d’excellence. Dans le contexte actuel, cet objectif est particulièrement compliqué à atteindre. Cette situation donne l’opportunité aux enseignants recherchés d’assumer l’activité supplémentaire si importante dans leur cas et d’être socialement et économiquement valorisés. Ils peuvent aussi, comme nous l’avons vu pour les associés aux projets de recherche internationaux, profiter de cette activité pour enrichir leur savoir et leur curriculum vitae. L’offre internationale attise ainsi la bulle spéculative à l’emploi qui est déjà initiée par les enseignants sur le marché local. Cette situation donne la possibilité à ces derniers d’osciller d’un projet à l’autre en fonction des opportunités. Elle active sérieusement le jeu compétitif entre les concurrents directs du marché. Elle impacte aussi sur les charges allouées aux ressources humaines à cause d’enseignants qui ont intérêt à faire monter les enchères.
Contrairement aux produits de substitution ou aux entrants, les universités vietnamiennes et leurs ressources humaines impactent d’embler et amplement sur bon nombre de processus de délocalisation. Ces fournisseurs ou collaborateurs ont tout à gagner de cette situation. Véritable interface privilégiée de la politique de l’Etat, ils peuvent sans prendre beaucoup de risque profiter éventuellement des transferts de savoir tout en améliorant leur situation économique.
L’influence de ces acteurs est accentuée par leur rareté qui leur confère un rôle d’arbitre dans le jeu concurrentiel. Cette influence est d’autant plus accentuée par des ressources humaines qui circulent entre des projets concurrents et par des universités locales qui sont de plus en plus en mesure de construire une politique internationale dans le sens de leurs intérêts.
Source anonyme, de la part d’un responsable des affaires internationales en 2005, suite à l’arrêt envisagé des aides publiques d’un Etat auprès d’une institution vietnamienne.