5.2 Stratégies de la marque

Il est courant pour un prestataire de service de s’appuyer sur sa marque pour valoriser ses prestations. Il en est ainsi des grands couturiers, des chaînes d’hôtels, des agences de voyages qui associent leur nom à un produit ou une prestation, la marque pouvant devenir ainsi un puissant moyen pour d’identification notamment soutenu par les outils marketing. Dans ce domaine, là aussi, le marché des MMI au Viêt-nam brouille les cartes comparativement aux valeurs et aux règles des marchés internationaux communs. Non seulement du fait de l’originalité d’une prestation traditionnellement inscrite en tant qu’activité de service public, mais surtout lorsque cette dernière est :

Il se pose dès lors le problème lié aux représentations du produit et de la marque de la part d’un public porteur de valeurs très différentes et qui découvre ces formations étrangères. Le projet est d’autant plus difficile lorsqu’il s’agit de promouvoir un produit qui, comme toutes les prestations de services, est intangible, mis à part pour le diplôme qu’il est censé fournir sous conditions988. Ce facteur contraint donc les établissements à compenser l’aspect immatériel en agissant sur les perceptions bien floues de clients potentiels et de leurs réseaux.

Pour intégrer ces paramètres dans une mise en œuvre stratégique, les établissements peuvent donc difficilement compter sur leur image de marque. Cette situation sonne tel un illogisme dans la mesure où l’offre a été appelée grâce à sa renommée, mais ce n’est finalement qu’une valorisation générique, qui profite à tous les établissements et qui de fait ne permet pas d’être utilisée comme avantage comparatif sur un marché. Cette reconnaissance collective est assimilable à une sorte d’appellation d’origine contrôlée estampillée « programme étranger de qualité occidentale ».

En effet, les établissements sont finalement, individuellement, inconnus au Viêt-nam ou l’étaient avant de gagner leur place, comme c’est le cas pour l’AIT. L’acquisition d’une plus forte notoriété par les outils promotionnels est complexe à cause de la diversité, du fonctionnement désordonné d’un réseau restreint d’influence des clients ou prescripteurs, du manque de moyens commerciaux. Que reste-il donc aux établissements pour faire valoir leur marque ?

L’immaturité du marché rend encore plus complexe une mise en valeur d’une marque car les standards internationaux habituels, ayant fonction d’arbitre989 pour donner plus de moyens aux étudiants et aux prescripteurs de construire leurs représentations, agissent très peu au Viêt-nam. Le salut ne peut donc pas venir de l’extérieur, des réseaux habituels de valorisation. Le développement des marques repose dès lors essentiellement sur la production locale de l’établissement, sur le volume d’activité et la promotion, mais surtout sur son passif (enracinement) dans le cadre des activités de coopération.

En effet, la reconnaissance de la marque peut compter sur un enracinement dans l’environnement local notamment grâce à la richesse des activités de coopération universitaires culturelles. Les bases d’un positionnement partenarial ont pu ainsi se construire, facilitant la reconnaissance des futurs clients et de leurs réseaux d’information. De ce fait, la longévité de l’investissement dans l’activité locale est l’un des facteurs clés favorisant la reconnaissance de la marque. C’est le privilège des établissements qui se sont enracinés. C’est donc implicitement celui de ceux qui ont bénéficié de financements publics sur une longue durée, qui ont par la suite su bonifier cet avantage. Ou bien encore le privilège de ceux capables de maîtriser l’essentiel du processus de délocalisation sans même parfois être très épaulés (à l’exemple de l’Hawai School of Business). C’est enfin l’avantage de l’importance du volume d’activités et des parts de marché. Plus la marque délivre de diplômes, plus elle est connue et plus elle sera valorisée par ses anciens auprès de leur réseau. Au Viêt-nam, ces derniers n’ont pas une forte propension à s’organiser, mais à n’en pas douter, ils restent potentiellement des vecteurs efficaces grâce à l’attachement profond qu’ils gardent à l’égard de leurs établissements, charge aux établissements de pouvoir exploiter ce filon. Par ailleurs, notons que tous les établissements étrangers qui délocalisent dans une université vietnamienne profitent de manière relativement identique de la notoriété de leurs hôtes. Rappelons que ces derniers ont acquis un monopole et représentent les meilleures universités locales. Enfin notons qu’à l’inverse, les universités locales profitent de manière identique de la notoriété de l’activité ou de l’éventuelle marque étrangère en affichant sur leur carte de visite un diplôme étranger.

Nous avons repéré cinq groupes d’établissements représentant des modes particuliers de gestion de la marque, classés de la plus forte à la moins forte notoriété supposée :

Notes
987.

C’est une formation qui n’est pas assimilée pour la plupart des acteurs, établissements, étudiants, prescripteurs, à du commerce. Ceci affecte par ailleurs plus les établissements publics, peu habitués en la matière, que les locaux eux-mêmes qui, par le processus de socialisation, commencent à en être coutumiers. La nouveauté pour eux peut être cependant relative aux montants des investissements à engager.

988.

C’est un produit commercial qui ne peut pas être délivré sans la complicité pleine et entière de l’étudiant. Une prestation dont la pertinence ne peut être mesurée qu’a posteriori, grâce notamment à l’évaluation du parcours professionnel en comparaison avec les objectifs de l’apprenant. Or, la jeunesse du marché limite pour l’instant cette prise de recul sur les résultats et de toute façon le projet de l’apprenant reste très global.

989.

Rappel : l’information et l’orientation dans les écoles et universités, les assurances qualité, les accréditations, les classements internationaux, les associations d’alumni, les médias en général, etc.