5.5.2.1 Les conséquences stratégiques de l’argent public sur le marché

Cet argent public a d’importants effets sur le jeu concurrentiel global et même au sein des établissements publics.

Partant de trois catégories de projets en termes d’origines de financement :

  1. les MMI délivrés par des établissements privés ;
  2. les MMI délivrés par des établissements publics qui ne perçoivent pas de subvention directes pour cette activité ;
  3. Les MMI délivrés par des établissements publics qui perçoivent une aide publique directe pour cette activité.

Comparativement au marché cette situation créée un déséquilibre concurrentiel et un effet d’évitement :

Le déséquilibre concurrentiel

Il concerne les catégories 2 et 3 qui perçoivent des subventions directes ou indirectes et qui de fait sont avantagées par rapport à la catégorie 1 regroupant les établissements privés. Dans l’absolu, au niveau commercial, nous faisons face à une situation qui pourrait être considérée comme une concurrence inéquitable (déloyale dans une perspective pure et parfaite). En principe, les MMI subventionnés ne sont pas fiscalement attaquables à condition qu’ils ne concurrence pas directement le secteur privé, qu’ils ne se positionnent pas sur le même segment de marché, que les prestations ne sont pas comparables. Nous retrouvons souvent ce phénomène entre les milliers d’associations qui existent en France et qui peuvent éventuellement proposer des prestations similaires et directement concurrentes au secteur privé.

Le second : effet d’éviction

La catégorie 3 est la plus avantagée mais elle a aussi la particularité de pouvoir éventuellement, en plus, « faire de l’ombre » à d’autres établissements publics, qui de plus peuvent être de nationalité identique. Ainsi, en subventionnant directement et presque totalement l’activité d’un MMI, le risque est de bloquer la possibilité pour d’autres établissements publics de pouvoir investir seul, en autofinancement, de manière bilatérale. C’est ce que nous pouvons nommer « l’effet d’éviction » 1010. Dans notre cas, il peut concerner directement les programmes subventionnés par exemple par la France, tels que ceux du CFVG ou des PUF, aux dépends d’initiatives éventuelles d’établissements français, universités ou écoles de commerce car en concurrence directe avec ces programmes fortement subventionnés. Cet effet d’éviction peut ainsi poser un problème stratégique sérieux aux Etats qui doivent à la fois : choisir quels sont les « bons » programmes à subventionner – éviter de créer des situations de cannibalisme entre les programmes publics ou ceux d’un même Etat - ne pas empêcher l’initiative particulière publique ou privée de nouveaux entrants.

Notes
1010.

Quelques définitions sur l’origine du terme d’effet d’éviction. Il est utilisé à l’origine pour exprimer les conséquences de l’emprunt public au niveau monétaire. C’est ainsi que Milton Friedman explique que lorsque l’État relance ses activités en augmentant son déficit budgétaire, il fait augmenter le taux d’intérêt sur le marché financier, ce qui tend à faire diminuer l’investissement privé (effet d’éviction indirect). Un autre point de vue que l’on doit à Barro, le théorème d’équivalence Ricardo-Barro indique que lorsque l’État s’endette pour financer son déficit budgétaire, les agents savent qu’à terme les taux d’imposition vont augmenter. Ils augmentent alors leur épargne et non leur consommation comme le voudrait le gouvernement qui procède à la relance (effet d’éviction direct). Une conception large de l’effet d’éviction partagée par les ultralibéraux considère que les dépenses publiques correspondent fondamentalement à un détournement de fonds qui autrement seraient disponibles pour la dépense privée. L’effet d’éviction par la fiscalité : lorsque l’État augmente le taux d’imposition, les ménages diminuent leurs dépenses privées d’un montant équivalent car ils supposent qu’il y a une parfaite substituabilité entre dépenses privées et dépenses publiques.