Annexe 3.3 - Entretien, université publique vietnamienne

[Entretien, université publique vietnamienne1072]

Objet :compte rendu de l’entretien mené avec un cadre d’une université vietnamienne publique de gestion et d’économie sur le thème des conditions du développement des universités publiques vietnamienne ainsi que des programmes de coopération internationale.

Les conditions de financement

Les tarifs sont fixés par l’État comme tous les programmes diplômants vietnamiens du domaine public. Les droits d’inscription annuel pour les universités publiques, pour les programmes de licence de gestion/économie, étaient en 2007-08, de 1,8 Million de Dong par an (environ 110US$). Il est identique depuis 1999. Il est largement insuffisant compte tenu de l’inflation (estimée à 20% en 06/2008)1073, des besoins de fonctionnement, pour couvrir l’augmentation des salaires qui évoluent en fonction de l’inflation.

L’État accorde une prise de marge supplémentaire d’environ 10% pour les programmes diplômants relevant de la formation continue. Les frais étaient de 4 millions de VND pour couvrir notamment la forte mobilité des enseignants pour assumer ces formations.

Les tarifs des programmes internationaux sont libres. Il se calcule dans cette université, sur la base du coût par matière, qui est de 650 US$ par semestre. La formation coûte au total 5 200 US$ pour les huit matières à réaliser annuellement

Les enseignants

Le salaire des enseignants a suivi l’inflation jusqu’en 2006-07. Ils travaillent en général tous parallèlement à leur fonction principale afin d’augmenter leurs revenus. Ceci est vital pour leur survie économique. Les enseignants qui possèdent une qualification de haut niveau, comme la majorité de ceux qui exercent dans les universités publiques d’économie ou de gestion, travaillent pour d’autres universités, notamment sur des programmes de 3ème cycle, car la demande en expertise scientifique est très forte. Ceci est plus facile pour les enseignants, qui possèdent les qualifications et spécialités demandées par ce marché parallèle de la formation continue ou des formations privées, telles que les mathématiques ou la chimie. C’est aussi le cas des enseignants de cette université. Á défaut ils sont contraints d’exercer en cours du soir, ou de réaliser un travail parallèle ne correspondant pas à leur spécialité. Ils sont parfois amenés à créer des petites entreprises ou travaillent dans les entreprises familiales existantes. Á défaut de pouvoir travailler en parallèle, certains d’entre aux sont préfèrent quitter l’université pour se reconvertir dans une activité principale plus lucrative.

Un enseignant d’université gagne en moyenne environ 5 millions vnd (300 US$). Chaque enseignant doit respecter un quota annuel d’environ 300 heures, variable selon leur statut. Une minorité s’inscrit dans une démarche de recherche grâce à des fonds d’État ou à des fonds de coopération. L’activité parallèle ou alimentaire permet généralement de tout au moins doubler le salaire initial.

Le grave problème de recrutement du personnel qualifié post universitaire touche toutes les universités du pays. Ce problème s’accélère à cause du fort taux de départ à la retraite, la croissance des effectifs des étudiants, l’augmentation de l’exigence qualitative des programmes, la montée en puissance des programmes postuniversitaires, la concurrence naissante. Ce besoin n’est pas compensé par les meilleurs étudiants diplômés qui préfèrent majoritairement, notamment pour des motifs économiques, travailler dans les entreprises, partir à l’étranger, ou créer leur business.

Pour renforcer l’expertise des 550 enseignants permanents de l’Université qui nous concerne, une dizaine d’entre eux partent annuellement étudier à l’étranger dans le cadre de la formation de formateurs. Actuellement près de 20% de l’équipe a suivi des programmes diplômants et/ou à long terme, 20% ont suivi des stages de formation qualifiants de courte durée. Elles ont été financées par le budget de l’université, des programmes de la communauté internationale et complétées par l’autofinancement des participants1074. L’université escompte un retour d’investissement grâce aux transferts des savoirs entrepris par les enseignants, que ce soit vers les nouvelles méthodes pédagogiques ou savoirs scientifiques.

Les étudiants

Les étudiants des universités publiques peuvent percevoir, pour 10% environ d’entre eux, tout ou partie d’une bourse d’État attribuée au mérite, d’un montant maximum de 1,5 million VND (environ 100US$). Les charges totales d’étude pour un étudiant de sciences économiques, résidant à HCMVille, s’élèvent à environ 16 millions VND1075 (environ 1 000 US$). 10 à 20% des étudiants sont obligés de travailler, en général à mi-temps, pour financer leurs études.

Les diplômés post universitaires ne rencontrent généralement pas de difficultés à trouver un emploi. Le taux des étudiants qui poursuit des études en sciences économiques et qui se trouve sans emploi est estimé à 20%. On considère par ailleurs que 30 à 40% des diplômés n’exercent pas directement des fonctions en relation avec leurs qualifications. Pour une majorité d’étudiants il y a donc un décalage entre les qualifications acquises et les besoins du marché de l’emploi. Les raisons principales invoquées pour expliquer ce décalage sont :

- le choix délibéré des jeunes à ne pas assumer des fonctions en tant que salarié. Le comptage des jeunes est parfois impossible à effectuer, lorsqu’ils travaillent dans des entreprises familiales, artisanales, informelles ;

  • le manque de motivation pour la mobilité géographique ;
  • les capacités d’adaptation ou le niveau d’exigence ne permettent pas d’assumer des fonctions qui ne correspondent pas exactement aux projets des jeunes ;
  • le niveau salarial ou l’ambiance des entreprises ;
  • le nombre de jeunes formés dans les spécialités de gestion est trop important au regard de l’offre d’emploi correspondant à leurs compétences professionnelles.

Les formations de base telles que le management, le marketing, la comptabilité, la gestion de projet correspondent à la majorité du chiffre d’affaire des centres de formation privés (dont la proportion est estimée à environ 80%). Ces matières ne réclament pas d’investissement lourd, peuvent être assumées par des vacataires qui n’hésitent pas à être mobile et correspondent à une très forte demande du public. Les meilleures conditions de bonne rentabilité et de retour d’investissement rapide sont donc réunies.

Entreprises :

Le décalage entre les qualifications des jeunes et les compétences requises, contraignent de nombreuses entreprises à entreprendre des formations soit à l’interne soit en sous-traitant avec les centres. Impulsée par la volonté des enseignants et de la direction, il s’opère récemment un rapprochement et une intensification des relations entre l’université de sciences économiques et les entreprises. Il a été récemment créée une division des relations entreprises ayant pour mission : la mise en place de forum emploi qui réuni en moyenne une trentaine d’entreprises, une présentation toute les semaines d’une entreprise, la délivrance par des responsables des ressources humaines de modules d’insertion ou de cours permettant d’apporter des compétences spécifiques, des compétitions (processus de sélection) internes aboutissant au recrutement direct des jeunes ; des visites d’entreprises.

Ce système d’information, d’orientation et de relations avec les entreprises ne suffit pas à atteindre et informer la majorité des jeunes car il est trop direct et insuffisamment adapté à près de 70% du public, peut être trop intimidé et/ou peu habitué à exploiter de tels outils de communication.

La formation continue

Environ 25 000 étudiants poursuivent des diplômes d’état dans le cadre de la formation continue, soit autant que l’effectif d’étudiants en formation initiale. 20 000 étudiants1076 poursuivent des études courtes, non diplômantes, dans la dizaine de campus ou centres de formation délocalisés situés généralement en province. Ces formations délocalisées peuvent : être spécialisées, répondre à des demandes spécifiques d’entreprises, correspondre qu’à un seul module de formation (ex : les fondamentaux en comptabilité), etc. Des problèmes de moyens techniques mais surtout de contrôle de qualité, notamment pour les évaluations, n’incitent pas l’université à développer la formation à distance. C’est par contre la spécialité de l’université ouverte de HCMVille1077, qui doit répondre aux besoins d’une multitude d’étudiants se trouvant en milieu rural, compensant ainsi le manque criant d’expertise scientifique en dehors des grandes villes.

Pouvoir et réformes dans les universités

La majorité des réformes entreprises de modernisation ou de formation sont impulsées et mises œuvre par l’université qui possède, dans la limite de ses moyens financiers, une marge de manœuvre de plus en plus importante. Les ressources financières sont cependant plafonnées par l’État qui souhaite contenir une inflation du secteur pour ne pas augmenter les problèmes déjà criants d’inégalités par la discrimination financière concernant l’accès dans le supérieur. Les programmes peuvent être réformés annuellement au ¾ à l’initiative de la commission scientifique et de formation propre à l’université. La part imposée par le gouvernement concerne, pour les sciences économiques, les cours de formation politique, les mathématiques, les langues étrangères, la micro et la macro économie.

La durée des cours de formation politique, qui concerne environ 10% du programme, devrait fortement baissée, d’environ 50% du temps initial, en 2008-09. Le nombre de cours et de valorisation de crédits étant maintenu.

Le total d’heures de cours à diminuer d’environ 25% en trois années, passant en moyenne de 240 à 180 UV1078. L’objectif est d’atteindre les standards internationaux.

L’université est totalement libre de composer les programmes postuniversitaires (dans le cadre général imposé par les tutelles.

La recherche

D’importants efforts sont consentis actuellement pour développer la qualité du travail de recherche et notamment de l’information par : le développement des traductions d’ouvrages scientifiques en vietnamiens, le développement des bibliothèques électroniques, la formation des formateurs à la méthodologie. Les traductions sont effectuées à partir d’ouvrages existants ou des informations libres circulant sur le web. C’est à partir de cours en ligne tels que ceux mis à disposition librement par des universités tels que le Massachusetts Institute of Technology , qu’un enrichissement des cours peut s’opérer, valorisant ainsi parallèlement le curriculum de l’intéressé. Ces améliorations qualitatives touchent principalement les jeunes enseignants de moins de 30 ans et à une moindre mesure ceux de moins de 40-45 ans.

Notes
1072.

Entretien mené en Juin 2008, la personne souhaite rester anonyme.

1073.

L’interviewé a tenté de donner des indications pour tous les taux, effectifs, montants. Il faut surtout s’attacher au sens des proportions et des masses pour notre analyse, plutôt qu’à leurs exactitudes.

1074.

L’expérience du Diplôme universitaire délocalisé en odontologie à HCMVille démontre qu’au delà d’une somme de 400 euros, les enseignants ou les professionnels ont beaucoup de difficultés ou ne souhaitent pas s’autofinancer au delà et même s’il s’agit d’une formation très convoitée.

1075.

Estimation pour un étudiant de sciences économique en licence, non résident à HCMV en VND : frais de scolarités 1,8 Million annuel, logement 200 000 mensuel, nourriture 1 million mensuel, frais documentation et divers 500 mille annuel.

1076.

Ces étudiants ne sont pas valorisés dans les effectifs annoncés par les universités du fait de la non poursuite d’études diplômantes.

1077.

Commentaires personnel à propos de l’université ouverte. Dans les réformes en cours pour valoriser les établissements publics d’excellence ou pour compléter l’offre publique, on note par exemple que l’université ouverte d’HCMVille est passée du statut d’établissement parapublic à celui de totalement public. Son offre spécifique tournée vers le très nombreux public de la formation continue, ses techniques pédagogiques orientées vers les FOAD et le coût de ses formations lui confèrent un positionnement stratégique et pédagogique différencié, complémentaire et peu concurrencé. Cette université produit de nombreuses formations dans le domaine de la gestion et des sciences économiques ainsi que des programmes masters internationaux avec notamment l’ULB/SOLVAY. Malgré son manque de cadres permanents et le peu de ressources financières, elle est potentiellement un partenaire intéressant du marché de l’éducation pour les coopérations internationales. D’autres universités parapubliques, telle que celle de l’Union Syndicale, tentent de rejoindre le secteur public pour profiter d’un statut plus confortable et projeter de s’inscrire à long terme parmi les universités d’excellence. L’intégration de cette université dans le domaine publique est principalement motivée par des arguments stratégiques politiques.

1078.

Il faut 180 crédits pour obtenir une licence en Europe. Une unité de Valeur est égale à 45’ de cours au Viêt-nam, contre une heure au standard international.