Annexe 3.10 - CR conférence de monsieur Vo-Tong Xuan

Organisée par le British Business Group Vietnam, Ho Chi Minh Ville

. Ho Chi Minh ville, le 25 octobre 2005

Présentation du conférencier : Monsieur Vo-Tong Xuan

Professeur en agronomie, Recteur de l’université de An Giang, delta du Mékong, Vietnam

Ancien député à l’Assemblée nationale et autorité reconnue du monde de l’agriculture et de l’éducation au Vietnam, membre du Conseil national de l’éducation. Mr Xuan a réalisé une conférence sur les principales causes et analyses des problèmes liés au développement de l’éducation au Vietnam. Son exposé devait principalement répondre aux questions soulevées par l’emploi des personnels qualifiés et notamment l’origine de la formation des futurs cadres ou techniciens supérieurs des entreprises.

Texte introductif à la conférence

‘« Le public est très critique sur l'éducation au Vietnam aujourd'hui. Alors qu'il y a un tollé sur le processus d'admission dans les universités, les diplômés des universités doivent faire face à de grands défis pour trouver un emploi. Le plus grand défi est lié à leur faible capacité linguistique pour utiliser l'anglais dans leur travail quotidien. Les universités travaillent leurs programmes d'études pour faire face à de nouvelles demandes des employeurs éventuels, mais ceci prendra du temps car les étudiants reçoivent avant l’entrée à l’université des diplômes et des formations initiales assimilables à de « l'éducation forcée » et possèdent donc un niveau trop faible pour débuter une formation universitaire. Pendant longtemps le système a essayé d’atteindre les objectifs de formation du gouvernement pour former le plus grand nombre d’enfants et d’étudiants afin de répondre aux besoins de la croissance de la population et du développement indépendamment de la qualité et de la modernisation. Pour relever les défis de la globalisation, le ministère de l'éducation et de la formation doit avant tout se moderniser, sortir du conservatisme, écouter les experts travaillant sur l'amélioration du système d'éducation, centrer ses efforts sur la formation des enseignants, trouver les moyens d’améliorer leur compétence afin qu’ils puissent guider les enfants des écoles élémentaires, les lycéens, les étudiants vers l’acquisition d’une pensée créatrice au lieu de se centrer essentiellement sur la préparation des examens » 1101.’

Compte rendu de la conférence

Une rapide présentation historique de l’origine du système d’enseignement vietnamien actuel a mis en avant l’influence, avant 1975, des systèmes éducatifs émanant de la colonisation française et du régime socialiste soviétique. Après cette époque les universités ont principalement été créées et spécialisées en fonction des ministères de tutelles respectifs. Le Doi Moi (le chemin nouveau) a généré des besoins de développement exponentiels du système éducatif afin de répondre à la croissance et à la demande socio-économique.

L’augmentation exponentielle des effectifs n’a pas privilégiée la mise en place d’un service éducatif centré sur la qualité mais plutôt la course en avant d’un système centré sur la réussite « à tout prix ». La forme prenant le pas sur le fond. Les élèves futurs étudiants n’acquièrent donc pas un niveau de formation de base suffisant pour la réalisation d’études supérieures de qualité.

Du fait de la surenchère des diplômes, le système d’enseignement technique supérieur est totalement dévalorisé au profit du 2ème cycle universitaire. Les programmes techniques sont délaissés et la pyramide universitaire des effectifs s’en trouve inversée. Il y a nettement plus de licenciés à Bac +4 que de techniciens supérieurs. Pr. Xuan indique que ces formations ne sont pas non plus reconnues par le marché, par les entreprises. Les diplômes de technicien existant n’étant reconnus que comme équivalents au baccalauréat. Ceci cause naturellement un déficit considérable de techniciens supérieurs et/ou spécialisés pour tout le marché du travail. On embauche des licenciés en gestion pour travailler comme comptables.

Il y a donc là une profonde réforme à engager pour revaloriser ces formations et fournir sur le marché des personnes compétentes formées spécifiquement à des fonctions techniques et non pas généralistes comme le seraient les licenciés actuels. Pr.Xuan indique que dans certaines entreprises internationales il est hors de question d’embaucher des personnes surqualifiées et surtout non qualifiées à des fonctions spécifiques. Pour être par exemple hôtesse d’accueil il faut pouvoir justifier d’un diplôme de technicien hôtesse d’accueil qui garantit un ensemble de maîtrise et compréhension du métier. Mais la rénovation est aussi nécessaire pour tout l’enseignement supérieur car nous pouvons remarquer qu’un étudiant vietnamien est globalement deux fois plus de temps à l’université comparativement à la moyenne internationale pour obtenir le même diplôme.

Le processus de sélection d’entrée à l’université est unique et consiste en un examen national pour toutes et tous au même moment. Ce système a des limites car il ne peut pas tenir compte des spécificités locales, sociales, ou besoins économiques. Pr.Xuan a tenu à expliquer comment, à partir de l’histoire, des régions telles que le Delta du Mékong ont cumulé les handicaps par des phénomènes qui ont dressé des barrages supplémentaires au développement de qualité de l’éducation. La colonisation et les guerres, le positionnement stratégique et géoéconomique du Delta, ont ainsi limité tour à tour l’accès de tous à l’éducation par la fermeture des écoles, le manque d’enseignants partis à la guerre, mobilisés pour travailler, ou le manque de moyens suite à des déséquilibres géopolitiques et/ou stratégiques national.

La politique de socialisation de l’éducation qui incite à l’investissement par la population, ne suffit pas pour renflouer les ressources qui permettraient un développement en la mesure des besoins socio-économiques. Dans ce contexte la question des investissements se reporte logiquement vers le privé et vers les capitaux internationaux. L’apport du privé devrait théoriquement aussi permettre de garantir des fonds pour un enseignement d’une plus grande qualité. Pr. Xuan nomme en exemple la Royal Melburn Institute of Technology, qui est une émanation de la célèbre université australienne qui a délocalisé son activité au Vietnam. Pr.Xuan cite aussi l’exemple du programme de management public de Harvard à l’Université d’Economie d’Ho Chi Minh Ville qui ne peut pas valider le diplôme américain à cause des problèmes liés aux programmes d’études politiques. C’est autant de freins qu’il serait important de limiter pour progresser.

Mais les retours d’investissements ne sont pas garantis et trop lents car les ressources de la population sont faibles. Le Vietnam n’est pas encore au stade économique de développement et de richesse tels que des pays comme la Thaïlande où le secteur privé est largement développé. Ceci est particulièrement vérifié dans des régions telles que le delta du Mékong ce qui peut provoquer le départ des étudiants les plus brillants vers les villes ou vers l’étranger afin de trouver les formations qui correspondent à leurs besoins.

Selon le Pr.Xuan, les priorités doivent être la rénovation des curriculums, la formation des cadres de l’enseignement et l’amélioration de toute l’ingénierie pédagogique. Il faut pouvoir interroger les programmes pour qu’ils collent aux besoins, former les enseignants des méthodes adaptées et modernes et créer un environnement propice à leur application. Il ne faut plus centrer le travail uniquement sur la réussite aux examens mais sur les connaissances de fond, le développement de l’intelligence, les facultés d’apprentissage, « apprendre à apprendre ». Même s’il est nécessaire de prendre son temps devant une tâche très importante, les Vietnamiens doivent entreprendre directement pour améliorer l’ensemble du système d’enseignement, sans attendre des dispositions réglementaires et gouvernementales afin de faire évoluer plus rapidement la situation. L’État n’a pas les moyens financiers pour garantir le développement, il peut jouer le rôle réglementaire et impulser, mais doit faire appel à l’investissement privé pour les ressources.

La participation étrangère est une clé pour l’apport économique mais aussi une véritable opportunité pour faire évoluer les pratiques éducatives et les programmes. Il est important que s’instaurent des critères de qualité de la formation pour limiter les programmes dispensés qui ne sont pas à la hauteur des besoins attendus du public. De nombreuses personnes refusent de faire des formations car elles sont conscientes du niveau de qualité des prestations proposées dans ce qu’il est parfois logique d’appeler « un marché ».

Les enseignants qui essaient de faire évoluer des pratiques rencontrent parfois des environnements hostiles liés aux ressources mais aussi aux résistances au changement de leurs collègues et particulièrement ceux des anciennes générations et pourtant ils représentent une clé dans le développement grâce à l’effet de levier et l’influence qu’ils ont sur le terrain de l’éducation. Pour autant ces praticiens ne peuvent pas seuls faire évoluer tout un système complexe, il faut pouvoir agir grâce à une impulsion politique et non pas seulement espérer. L’action doit être patiente car il reste beaucoup de chemin à parcourir.

Notes
1101.

tiré du site internet de la BBGV, British Business Group Vietnam, Ho Chi Minh ville/ http://www.bbgv.org/ , traduction G.Palaoro, 12/11/2006.