1.1.1 Les différentes appellations des Baka

Les dénominations des Baka sont de deux ordres, il peut s’agir de termes généraux tels que « population autochtone », « Pygmée », « chasseurs-cueilleurs », etc., ou de termes plus spécifiques comme « Baka », « Bibayak », « Bayaka », etc.

Termes d’ordre général

Le terme de populations autochtones est souvent controversé dans la mesure où de nombreuses ethnies peuvent se considérer comme autochtones. Les différents critères de la Convention 169 repris dans un rapport conjoint publié par l’UNICEF (2008 : 13)2 ne paraissent pas valides dans la mesure où la majorité des ethnies du Gabon étaient déjà présentes bien avant la colonisation (cf. l’élément historique, note de bas de page ci-dessous) et les lois coutumières des ethnies dominantes continuent à être appliquées localement (cf. l’élément culturel, ibid., pour davantage de précisions, se référer à Paulin & al, 2009). Le propos n’étant pas ici de (re)définir le terme autochtone3, il est préférable de se référer directement aux populations visées, à savoir les Baka.

Le second terme, le plus usité dans la littérature spécialisée, pose également problème. En effet, l’appellation « Pygmées »4 revêt un caractère péjoratif pour bon nombre d’entre eux – même si certains comme Léonard Odambo, journaliste koya gabonais, responsable de l’association MINAPYGA, revendique sa « pygmitude » – il s’avère plus pertinent de parler de « chasseurs-cueilleurs » (ou chasseurs-collecteurs), prenant ainsi en considération le mode de subsistance plutôt que l’aspect physique. Le terme de chasseurs-cueilleurs (« CC ») est donc utilisé, excepté lorsqu’il s’agit de citations utilisant le terme « Pygmée ».

Par ailleurs, le terme de « Grands Noirs » (« GN ») utilisé par Bahuchet, qui apparaîtra quelquefois, renvoie également à des caractéristiques physiques (par opposition aux Pygmées de petite taille), lui sera préféré l’appellation de Bilo proposée par Lewis (2000 : 2) qui d’après les Mbenzele (CC du Congo) réfère aux populations villageoises vivant dans leur forêt : « this groups together over 40 different Bantu and Oubanguian language speaking ethnic groups ». Le terme de Bilo fait donc référence à toutes les populations non chasseurs-cueilleurs.

Quant au terme « indigène », il est très peu utilisé en Afrique mais plutôt pour les populations d’Amérique du Sud. Toutefois, César Galindo5, un Quechua du Pérou, réalisateur cinématographique émigré en Suède depuis plus de vingt ans, questionne l’identité autour de la double figure de l’Indien et du migrant. Pour lui, les termes indigènes et autochtones divisent la société en deux ; le premier étant actif, luttant pour la préservation de ses spécificités culturelles, et le second plutôt passif.

Notes
2.

Le premier critère (élément subjectif) est celui de l’auto identification. Selon l’article 1 al 2 de la convention 169 « le sentiment d’appartenance indigène ou tribal doit être considéré comme un élément fondamental ». Le deuxième critère est l’élément historique. Il indique que les peuples indigènes sont les descendants de peuplement d’origine installé sur les terres avant la colonisation ou l’établissement des frontières actuelles. Le troisième critère est l’élément culturel qui fait reconnaître comme peuples indigènes ceux qui « quel que soit leur statut juridique, conservent leurs institutions sociales, économiques, culturelles et politiques propres ou certaines d’entre elles ». L’article 1 al 1 para a qui concerne de manière spécifique les peuples tribaux stipule que ce sont des peuples « qui se distinguent des autres secteurs de la communauté nationale par leurs conditions sociales, culturelles et économiques et qui sont régis totalement ou partiellement par des coutumes ou des traditions qui leurs sont propres ou par une législation spéciale ».

3.

Il est intéressant de noter que les études récentes en génétique (Verdu & al, 2009a) ont permis de mettre en évidence une origine commune entre les Bilo et les chasseurs-cueilleurs, il y a environ 54000-90000 ans. Ce qui remet en question, de fait, la définition d’autochtonie telle qu’elle est présenté.

4.

Cette appellation provient du  lat. pygmoeus, gr. pugmaios, proprement « haut d’une coudée », pugmê, dans REY A. et J. REY-DEBOVE, 1991, Le Petit Robert, 1, (Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française).

Aussi, par opposition à cette relative petite taille, les populations voisines desdits Pygmées sont appelés « Grands Noirs » quelque soit leur origine ethnique, cette notion regroupe globalement tous ceux qui ne sont pas Pygmées.

5.

« Autochtone ? Définitions et état des lieux » dans Paroles d’Autochtones, Conférences organisées par le Musée des Confluences, mercredi 28 mai 2008, Lyon.