Minvoul

La région de Minvoul est, à l’heure actuelle, la zone où le nombre de Baka est le plus important. La ville de Minvoul et ses environs comptent un peu moins de 6 000 habitants suivant le dernier recensement de 200619. Bien que cette région soit presque exclusivement fang, il existe de nos jours une communauté hausa qui détient les petits ou grands commerces de produits manufacturés notamment (le marché alimentaire étant principalement approvisionnée par les agriculteurs fang). Cette population ne cesse de s’agrandir (nouvelles arrivées, développement des commerces, etc.) et met en place, progressivement, des activités et des lieux qui leur sont propres comme une école coranique et une mosquée (où depuis 2006 des appels à la prière sont lancés). Hormis leur langue, les Hausa parlent fang et communiquent dans cette langue lors d’échanges commerciaux. Ils parlent également français.

La population baka de cette région a été estimée à 364 personnes au recensement officiel de 1993. Toutefois, ces chiffres non seulement ne prennent pas en compte les différents campements de forêt mais ne s’appuient sur aucune enquête anthropologique permettant de mettre en évidence les homonymes notamment ; le recensement posant effectivement plusieurs problèmes comme je l’ai déjà indiqué plus haut. Il semblerait que les Baka de cette région comptent, en tout, environ 500 individus. Ils sont globalement répartis dans huit villages autour de Minvoul, comme nous le verrons plus en détail dans la partie .

Les Fang sont donc majoritaires dans cette région et parlent de manière quasi exclusive leur langue entre eux et/ou avec les membres des autres communautés ; seuls quelques mots français apparaissent au milieu des conversations. Toutefois, lorsque certains Gabonais non fang travaillent à Minvoul, comme le Préfet ou certaines personnes du corps médical par exemple, elles peuvent finir par comprendre le fang au bout de quelques années, mais elles ne vont pas forcément l’utiliser. Le français sera alors la langue de communication. La langue française d’ailleurs est la seule langue officielle du Gabon et, à ce titre, la langue de l’enseignement. Les langues locales n’ont pas vraiment été intégrées dans l’éducation. Dans le contexte scolaire elles se trouvent reléguées à l’espace récréatif. (Il est à noter, à ce propos, que le baka ne fait même pas partie des langues utilisées dans les cours de récréation.)

Malgré le caractère obligatoire de la scolarisation, on note que les Baka évitent les établissements scolaires, d’une part à cause des manifestations de mépris qu’ils rencontrent de la part des Bilo et d’autre part, à cause du rythme scolaire qui n’est absolument pas adapté à leur mode de vie encore basé sur des saisons particulières de chasse et de récolte (pour davantage de détails concernant la scolarité, se référer à Paulin & al, 2009). Ce phénomène génère un analphabétisme généralisé qui, sciemment attribué à un « manque de civilisation et de culture » par les ethnies dominantes, ne renforce pas l’estime de soi des Baka et ne fait qu’accentuer les difficultés qu’ils ont à faire valoir leurs droits de citoyen20, ne serait-ce que localement. Au final, seuls les enfants issus de mariages mixtes (donc reconnus comme Fang) fréquentent régulièrement l’école (cf. chapitre 3, partie 3.3). De ce fait, les Baka sont peu en contact avec la langue française. La majeure partie d’entre eux non seulement ne le parlent pas mais ne le comprennent pas non plus.

Notes
19.

Ce recensement concerne les environs de Minvoul mais prend également en compte la région de Bolossoville. Pierre Modouma Koumba (Préfet du Haut Ntem de 2002 à 2007), communication personnelle, mars 2010, DDL, Lyon.

20.

Privés de droits civiques et de reconnaissance sociale (les Baka ne possèdent pas de papiers officiels : ni papiers d’identité, ni actes de naissance), exclus de l’espace des enjeux politiques, économiques et culturels, la majeure partie des Baka portent sur eux-mêmes un regard dépréciatif. Cette perception très négative, qui englobe leurs personnes, leur groupe et leur patrimoine culturel (leur mode de vie), ne se trouve que renforcée par la comparaison quasi constante de leur mode de vie avec la présumée supériorité de leurs voisins bantu, de même que par les moqueries et d’autres railleries dont les Fang les chargent sans cesse. Du fait de se considérer comme nettement inférieurs aux Bilo, les Baka ne se déclineront jamais en tant que tels lors de rencontres avec des personnes étrangères à leur communauté. Possédant une double nomenclature anthroponymique et clanique (baka et fang, cf. chapitre 3), ils ne se serviront que de la nomenclature fang dans ces circonstances, nomenclature qui est donc devenue la nomenclature par défaut.