Choix de la localité

D’une manière générale, la femme baka ira vivre dans la maison de son époux ou chez les parents de celui-ci, il s’agit donc respectivement de virilocalité et de patrilocalité. Or, il existe un système de résidence transitoire où l’uxorilocalité est de mise. En effet, le jeune époux va généralement habiter quelque temps dans le village de sa jeune épouse afin de prêter main forte à ses beaux-parents. Cette force de production apportée est en quelque sorte comptabilisée dans la dot (cet aspect sera traité plus de détails partie 3.2.3). Le gendre pourra se construire une maison en terre (cf. maison 37 d’Ine plan p 134) ou vivre simplement dans une hutte au sein du village. Quelque soit son choix, l’habitation sera indépendante du foyer de ses beaux-parents car le gendre ne peut en aucun cas pénétrer dans la cuisine de sa belle-mère. Cet interdit formel est respecté par le gendre et ses germains classificatoires. Ainsi, en cas de conflit matrimonial, l’épouse peut, en toute sérénité, se réfugier dans la cuisine de sa mère (stratégie permettant de désamorcer les conflits et de calmer rapidement les tensions naissantes au sein du groupe).

Les jeunes époux peuvent résider quelques années en uxorilocalité, souvent jusqu’à la naissance du premier enfant. Toutefois, les règles de localité ne sont pas très strictes et peuvent être largement détournées au profit de préférences personnelles sans grande difficulté. Prenons l’exemple de Sengo (annexe 2.25, f.513) qui réside à Doumassi, lieu de naissance de son épouse alors qu’ils ont déjà deux enfants et que Sengo est né, et a encore ses parents, à Mféfélam ; ce cas est loin d’être isolé. D’une part, le fait que les Baka sont encore très mobiles est un facteur facilitant ce genre de pratiques, ayant peu de biens matériels ils n’ont aucun problème pour changer rapidement de demeure. Et d’autre part, la sédentarisation a, elle aussi, certainement facilité cette bilocalité dans la mesure où elle a gommé les contraintes liées au nombre de membres pour la survie du groupe. En effet, comme le souligne Bahuchet (1989), cela dépend de l’équilibre du groupe mais il précise (ibid : 442) « Le retour du couple dans la communauté du mari se fera, s’il le désire, après la naissance d’un ou plusieurs enfants. » Les jeunes époux ont effectivement le choix de leur localité.

Dans le cas de campement de forêt de très longue durée, il est clairement établi dans la littérature spécialisée qu’une communauté de chasseurs-cueilleurs ne doit pas compter moins de 35 individus pour réussir à traquer suffisamment de gibiers, ni dépasser les 70-80 personnes afin de pouvoir rassasier tout le monde. Le chiffre généralement retenu est de l’ordre de 60. Je pense également qu’une société acéphale désireuse de maintenir son équilibre sociale ne peut se permettre d’augmenter indéfiniment sa population ; l’exemple de Mféfélam, comptant environ 150 individus, est flagrant à ce sujet comparativement à Bitouga composé d’une soixantaine d’individus99. Dans le premier cas, les transgressions d’interdits sont de plus en plus fréquentes et sont difficiles à réguler (récemment deux jeunes issus d’un même lignage se sont unis, cf. seconde partie du présent chapitre).

Notes
99.

Hormis le fait que les recensements peuvent s’avérer très complexes dans ces sociétés encore en partie nomades, le taux de mortalité peut rapidement (parfois en 6 mois) faire chuter d’une dizaine d’individus le nombre d’habitants.