3.1.3.2 Aspects de représentations mystiques « temporaires » et autres pratiques culturelles

Leur mode de vie encore très mobile permet de ne transporter que le minimum vital qui d’ailleurs inclut depuis déjà les années 1960 (cf. photos Morel, annexe DVD) des marmites et des lampes à pétrole. Nulle poterie, masques ou autres statuettes en bois, pour les rituels ; seuls les végétaux facilement accessibles et omniprésents dans cette forêt dense, sont utilisés pour confectionner les parures des différents représentants mystiques (edzengui, kose).

Seuls quelques aspects des représentations mystiques ont été répertoriés, les différentes pratiques n’ont pas été référencées de manière systématique (pour cela se référer à Joiris, 1998) car il me semble essentiel de parler la langue de la communauté afin d’en saisir toutes les subtilités, d’autant plus lorsqu’il s’agit de notions aussi « abstraites » que les rites spirituels. Et je pense que « savoir établir la phonologie de sa langue » (Laburthe-Tolra & Warnier, 1993 : 260) est le minimum requis. Je préfère donc me limiter à quelques phénomènes perçus de l’extérieur.

D’après Sewane (séminaire, nov. 2006, LLACAN, Paris), ce n’est pas tant la recherche de la vérité qui est importante – d’autant que d’un point de vue systémique, chacun possède sa propre vérité, sa vision du monde en quelque sorte – mais plutôt la manière dont les choses sont cachées ou montrées. Ce sont finalement plus les stratégies mises en œuvre pour cacher ou dévoiler l’objet, que l’objet en tant que tel, qui sont intéressantes. Pour cette raison, je m’attacherai à décrire et à tenter de saisir le positionnement de certains membres de la communauté à mon égard, et vis-à-vis de ma famille où le comportement de certains individus a été très ambigu, avec une volonté de cacher certains aspects des choses tout en les dévoilant par ailleurs au travers d’un outil « qui sert à voir », ou plutôt qui « donne à voir en partie », qu’est l’appareil photographique.

Comment interpréter cette « mise en vue » photographique, acceptée, voire même désirée du principal acteur du rite, auprès d’un Blanc nouvellement initié ? L’argument du non-directement visible n’est pas suffisant. Ils savent, bien entendu, que les photographies peuvent être regardées par un grand nombre d’individus puisque je leur ramène systématiquement des clichés de mon terrain précédent. Je pense plutôt qu’ils ont une autre lecture de l’image qui renvoie à la photographie ce qu’elle est, c’est-à-dire une simple image papier, une re-présentation, et qui ne renvoie pas à la situation en tant que telle qu’elle donne à voir (comme le célèbre tableau de Magritte « Ceci n’est pas une pipe »). Cette interprétation peut être renforcée par l’idée, du même ordre, qui est que les conditions de réalisation du rite ne sont pas remplies – comme regarder l’image en France sur un ordinateur dans un bureau – et rendent ainsi caduques les réalités de perception du phénomène. La situation est tellement différente qu’elle ne peut rendre compte dudit phénomène. Ce sont donc ces conditions en contexte qui s’avèrent primordiales dans la réalisation du rite en question, et de fait, dans la participation active ou passive. Un rite ne peut donc être dépourvu des conditions de sa réalisation incluant également toutes les préparations qui peuvent prendre plusieurs jours et mobiliser une grande partie de la communauté. En d’autres termes, le rite ne peut être dépossédé de sa fonction symbolique. L’analyse que font Laburthe-Tolra & Warnier (1993 : 249) de l’art s’applique parfaitement au système rituel, ainsi le fait que l’« on gagne toujours à replacer l’objet « en situation » » est la condition sine qua non du rite qui ne peut prendre sa signification qu’en contexte. Ces rites, qui à l’instar de l’« art » ont « souvent pour rôle […] d’établir le lien […] entre les vivants et les ancêtres …» (ibid : 251).