3.2.1.3 Conclusion succincte concernant la parenté et pistes de recherche
En somme, seuls quatre termes d’adresse ont été répertoriés et ils renvoient tous à des générations ascendantes d’Ego.
Ces données sont extrêmement intéressantes et méritent d’être confrontées à de très anciens informateurs de la région de Minvoul afin de cerner la manière dont ils perçoivent les changements dus aux contacts de populations ayant un système différent, mais également auprès d’un échantillon représentatif de Baka du Cameroun où le système semble quelque peu divergeant.
Les différents termes élémentaires de référence ou termes primaires simples sont les suivants : [ɲùā-] ou [ɲì-] « père », [ɲúā-] ou [ɲî-] « mère », [kàā-] ou [kà-] « sœur du père », [títà] référant, entre autres, à l’oncle utérin et aux grands-parents, [gbébā] « germain aîné de même sexe qu’Ego », [tàdī] « germain cadet de même sexe qu’Ego », [nɔ̄kɔ̄] « enfant du germain de sexe opposé à Ego », [kɔ̄-] « mari », [wā-] « femme », [là] « enfant », [bɛ̀ndɛ̀] « beau-frère/belle-sœur » et [gí-] « belle-famille ». Parallèlement à ces termes, il existe des expressions descriptives de type construction génétivale.
Sur ces quatorze termes élémentaires de référence répertoriés, huit termes comportent de manière intrinsèque une marque de genre. Parmi ceux-ci, six renvoient à la génération G-1 dont quatre à « père » et « mère » et deux à « tante agnatique » et « oncle utérin ». Les deux derniers sont les termes signifiant « mari » et « femme ».
La dénomination directe (i.e. terme simple) – comme pour les frères de la mère ‘tita’, les sœurs du père ‘kale’, les beaux-frères ou belles-sœurs selon le sexe d’Ego ‘bɛndɛ’, etc. ‑ ou au travers du lien d’alliance (i.e. terme composé) ‑ comme cela est le cas pour la désignation des maris des sœurs de la mère ‘kɔ-ɲuale’, les maris des kale ‘kɔ-kale’, des femmes des tita ‘wɔ-tita’, par exemple, ‑ reflète l’importance et la considération portée aux individus ainsi nommés.
La manière dont les systèmes classificatoires sont construits renseigne sur les pratiques matrimoniales195 et éclaire quelque peu sur l’appartenance clanique considérée par rapport à celle déclarée. Dans une société patrilinéaire, les champs lexicaux sont généralement plus marqués du côté agnatique que du côté utérin, et inversement pour les sociétés matrilinéaires. Or, nous venons de voir que les champs lexicaux chez les Baka sont symétriques. Aussi la question qui se pose est de savoir si le seul critère des champs lexicaux peut permettre de postuler une société anciennement bilinéaire, d’autant que certains indices de matrilinéarité sont également présents ? Finalement, la société baka a-t-elle toujours été patrilinéaire ou aurait-elle changé de système au contact des Fang (patrilinéaires), dans une perspective de pérennisation du groupe, tout en préservant certains traits culturels de son ancien système ?
Notes
195.
Comme nous l’avons vu, le système hawaïen à G0 induit de fait des alliances impossibles entre Ego et tous ses cousins considérés comme ses « germains ».