3.2.2.1 Organisation des données

Comme indiqué dans la section consacrée à la méthodologie (cf. 1.1.3), les diverses enquêtes (linguistiques, anthropologiques ou ethnologiques) ont été réalisées sur plusieurs sites dont principalement la région de Minvoul avec 8 villages, et la région de Makokou avec deux sites retenus : Makokou et Ndumabango.

Récemment, Klaus Hamberger, appartenant à l’équipe Kintip de Paris, dirigée par Michael Houseman, a développé un logiciel de traitement automatique de la parenté intitulé PUCK197. L’intérêt majeur de ce logiciel est qu’il vise l’analyse systématique des relations de consanguinité et d’alliance198 (se basant sur des individus organisés en réseau et non essentiellement sur des unités discrètes). Ce traitement informatique des phénomènes de parenté s’avère extrêmement utile pour un corpus conséquent, de surcroît dans les cas d’homonymie (phénomène fréquent chez les Baka qui peut facilement fausser un recensement par exemple) 199.

Ces fiches permettent, entre autres, de répertorier les anthroponymes, les clans ou lignages, les lieux de naissance et/ou de résidence ainsi que l’âge (souvent approximatif), éventuellement les dates de mariage, de divorce, de décès, etc.

C’est pourquoi il m’a semblé important de créer une base de données à l’aide de ce logiciel Puck, même si j’ai été confrontée plus d’une fois à des dysfonctionnements informatiques liés au développement en cours de ce logiciel (la base de données de la région de Minvoul comptant plus de 700 fiches (cf. ci-après) a déjà été entrée trois fois et certaines informations sont de nouveau indisponibles). Loin d’avoir exploité toutes les possibilités de recherches que peut fournir le logiciel Puck, je peux néanmoins fournir plusieurs informations intéressantes au sujet des données saisies.

La collecte concernant uniquement le village de Bitouga (région de Minvoul) comptant une soixantaine d’individus m’a permis de répertorier 767 individus. A moindre échelle, ce type d’enquête a également été réalisé à Makokou et Ndumabango (village situé au bord du fleuve Ivindo en amont de Makokou), soit respectivement 57 et 48 individus. Ce qui fait un total de 872fiches réparties comme suit.

  • La collecte de données sur le site de Makokou a été réalisée en août 2006. La base comporte 57 individus, dont 29 femmes et 23 hommes, et comptabilise 14 relations de mariage – impliquant 11 hommes et 14 femmes, ce qui sous-entend, soit des situations de polygamie, soit des mariages successifs (lorsque les séparations n’ont pas été indiquées explicitement dans les données) – avec une moyenne de 1.27 épouses par homme et 1 mari par femme. Ce réseau compte 79 relations parent-enfant200 et 12 mariages fertiles (soit un taux de 85.71%), ceci sur une profondeur de l’ordre de 4. La taille moyenne des fratries est de 3.9 du côté agnatique et 3.08 du côté utérin (ce déséquilibre n’est pas surprenant à partir du moment où le nombre de conjoints est plus élevé chez les hommes que chez les femmes). Les clans répertoriés ne sont pas différents de ceux de la région de Minvoul, présentés plus en détail ultérieurement (cf. partie 3.2.2.3), soit Mbongo, Makombo, Ndonga, Ndum (i.e. Ndumu), Ndzembe et Mombito.
  • Les enquêtes effectuées à Ndumabango, en août 2006, ont permis d’entrer 48 individus dans la base de données dont 24 femmes et 21 hommes. Douze mariages sont répertoriés, impliquant 12 femmes et 11 hommes avec des taux proches de 1 conjoint, soit proche de la monogamie (1.09 épouses par homme pour 1 mari par femme). Toutefois, l’échantillon, très restreint ici ne permet d’inférer sur une éventuelle préférence monogamique sur l’ensemble de la société présente dans cette zone. La moitié des mariages sont fertiles et 59 relations de parenté sont comptabilisées sur une profondeur de 3 (pour une moyenne de 1.41). La taille des fratries est de l’ordre de 4 du côté agnatique et utérin (respectivement 4.14 et 3.75). Comme pour la ville de Makokou, les clans répertoriés à Ndumabango ne divergent pas de ceux de la région de Minvoul, soit : Makombo, Mbongo, Mombito, Mopandze, Esilo et Ndzembe.
  • • La base de données de la région de Minvoul est la plus fournie dans la mesure où plusieurs terrains ont été effectués dans cette zone, chaque mission permettant de compléter les données collectées auparavant. Ainsi, 767 individus sont répertoriés dont 361 femmes et 402 hommes ; 285 mariages impliquant un peu plus d’hommes (248) que de femmes (246), soit un taux de conjoint égal pour les hommes et les femmes de l’ordre de 1.15. Ce qui, de fait, renseigne sur des mariages successifs chez les femmes dans la mesure où la polyandrie est interdite (cf. partie 3.2.3). Les mariages sont là encore très fertiles, 234 d’entre eux, soit 82.11%, avec une taille de fratrie proche de 2.4 pour les branches agnatiques et utérines (respectivement 2.37 et 2.4).

D’une manière générale, le nombre de conjoints ne dépasse guère le chiffre de 1. Ce qui sous entend que globalement les Baka ne contractent pas bien plus d’un mariage en moyenne, ils ont donc une tendance à la monogamie (cet aspect sera développé ultérieurement dans la partie concernant la polygamie).

Les familles ne sont finalement pas si grandes si l’on se base uniquement sur la moyenne mais il s’avère nécessaire de préciser que de nombreux couples entrés dans la base sont jeunes et n’ont souvent qu’un enfant au moment de la saisie des données. Les couples plus âgés comptent généralement au moins 4 à 6 enfants (dont plusieurs peuvent être décédés mais ils ont été renseignés après insistance de ma part ; habituellement les Baka ne « comptabilisent » pas les nourrissons décédés).

Notes
197.

Téléchargeable gratuitement, cf. bibliographie.

198.

Ce logiciel présente effectivement bon nombre d’intérêts dont voici un rapide aperçu : (1) Crée une base qui permet d’organiser et de trier les données (comptabilise le nombre de mariage, le pourcentage de mariage fertile, le nombre de relations parentales, la profondeur des données, etc.) ; (2) Evite dans la mesure du possible les doublons ; (3) Extrait des informations simples ; (4) Propose des requêtes complexes : croisement de critères, recherches précises qui peuvent permettent notamment de déduire des stratégies de mariage entre cousins croisés par exemple, ou entre clans ou lignages spécifiques, etc. ; (5) Permet des corrélations de critères prédéfinis ; etc.

199.

De nouvelles améliorations sont régulièrement mises à jour mais il ne faut pas perdre de vue que la saisie manuelle des données peut toujours être source d’erreur.

200.

Et fourni les composants agnatiques et utérins.