3.2.2.2 Anthroponymes

Les anthroponymes ne sont pas sexués201, ils peuvent, en effet, être attribués autant à une fille qu’à un garçon (à titre d’exemple, à Bitouga, un homme et une femme se nomment Sua, et un garçon et une fille Wayé). Ils ont tous une signification particulière même si certaines étymologies ont pu devenir opaques (cf. liste Puck en annexe 6.2.5). Ainsi, les exemples d’anthroponymes suivants renvoient à différentes catégories :

L’attribution des anthroponymes est effectuée quelques jours après la naissance de l’enfant (environ une semaine), c’est pourquoi certains nourrissons morts prématurément n’ont pas eu le temps d’être nommés. Ce sont généralement le père et la mère de l’enfant qui choisissent les anthroponymes que portera l’enfant. Très fréquemment les noms du grand-père paternel sont attribués à un aîné de sexe masculin mais cela peut aussi être à un enfant de sexe féminin. Globalement, le choix des anthroponymes est effectué au sein des noms familiaux déjà existants, la nouveauté se trouve essentiellement dans les surnoms voire les noms chrétiens.

En fait, chaque individu a deux anthroponymes baka, deux anthroponymes fang qui lui sont associés et un prénom chrétien identique à celui de l’ascendant ou pouvant varier suivant les désirs parentaux, plus un voire plusieurs sobriquets. Ces derniers peuvent, par exemple, se référer à une qualité, un statut comme tūmā tūmā « maître chasseur » sous forme redupliquée ayant une connotation affective renvoyant en quelque sorte à « petit maître chasseur », à une caractéristique physique dzɛ̀gbē « oreille du rat palmiste » pour des oreilles décollées, ou à un jour de la semaine samedi (en langue française alors que la majorité d’entre eux ne parle pas cette langue, aucune explication plausible n’a été fournie pour ce type de surnom, il ne peut s’agir du jour de naissance de l’enfant car les Baka n’ont souvent, encore de nos jours, aucune idée du jour qu’il est). Concernant les anthroponymes fang, il existe un certain nombre de correspondances mises en place par les Ancêtres (plus ou moins éloignées que certains anciens peuvent nommer si les correspondances supposées ne remontent pas au-delà de G-4)202. L'explication fournie par les anciens relate une bonne entente entre les Baka et leurs voisins fang (ces correspondances se retrouvent également au niveau clanique, sans pour autant intégrer les divers interdits relatifs à ces différents clans comme notamment les interdits alimentaires, cf. partie suivante).

Finalement, il semble que l’ensemble des anthroponymes soit limité mais circulaire suivant une transmission intergénérationnelle (pouvant sauter une ou plusieurs générations mais pas nécessairement). Prenons l’exemple de la fiche de Sumba (annexe 6.2.4.30) : un de ses fils a les mêmes noms baka que son grand-père paternel et l’autre les mêmes anthroponymes qu’Ego lui-même, i.e. Sumba Ngongo. Ego ayant reçu les anthroponymes de son arrière grand-père paternel. Tandis que son frère cadet, Mémé (i.e. Ekimi, f.9), se nomme comme son grand-père maternel. Il serait intéressant d’étudier de manière systématique, et à plus grande échelle, la transmission patronymique (celle-ci semble donner la priorité aux patronymes d’un défunt, et à un nouveau-né de sexe masculin).

Ce type d’attribution des anthroponymes implique de nombreux homonymes intergénérationnels (l’âge même approximatif permet de distinguer les individus, dans le cas contraire, la généalogie ascendante s’avère essentielle) mais également au sein d’une même génération. Cette situation peut s’avérer complexe quant à la distinction de deux cousin(e)s parallèles ayant le même clan, voire entre deux frères ou deux sœurs (de mêmes géniteurs). Plusieurs fiches généalogiques offrent ce cas de figure où par exemple deux individus de même sexe se suivant dans la fratrie, ayant seulement deux ou trois années d’écart, ont les mêmes anthroponymes (cf. fiches Puck 6.2.5). Afin de compléter les généalogies, l’âge approximatif ne peut jouer un rôle déterminant quant à la distinction de ces deux personnes, seul un système comparatif impliquant les deux individus peut être salvateur (la plus grande vs la plus petite) ou le recours aux divers surnoms utilisés au quotidien203. Ce phénomène d’appellation « non distinctif » peut éventuellement être corrélé au fort taux de mortalité infantile204. Il est, en effet, fréquent de constater un, voire plusieurs, décès au sein d’une fratrie, mais généralement les anthroponymes sont réattribués à un frère ou une sœur à la mort du titulaire. L’anticipation ou peut-être le désir de « conjurer le sort » placent alors l’observateur face à des cas d’homonymie délicats.

L’attribution anthroponymique puisée autant du côté maternel que paternel ne permet pas de corrélation systématique entre une série de noms et un clan particulier. Prenons, de nouveau, l’exemple de la fiche de Sumba (cf. annexe 2.29) où « Ina » a été attribué à la mère d’Ego de clan Mombito, anthroponyme identique à sa propre grand-mère paternelle (G-3 pour Ego) de clan ndzembe. La transmission anthroponymique est bilatérale dans la mesure où l’attribution des anthroponymes est aussi bien effectuée par le père que par la mère suivant divers critères comme notamment le rang de naissance de l’enfant, son sexe, sa gémellité… L’anthroponyme est révélé à l’un des deux parents (ou à un autre membre de la famille) lors de situations particulières (i.a. rêves, cérémonies).

Notes
201.

Ce phénomène est d’autant plus intéressant à examiner de près que les termes de parenté, de manière générale, ne comportent pas de notion de genre intrinsèque. Une étude ultérieure plus approfondie sur la distribution des anthroponymes est envisagée ; et ceci dans une perspective comparative avec les Fang, sachant que les Baka ont également deux anthroponymes fang (cf. infra) qui eux, par contre, sont sexués.

202.

Pour plus de détails sur le type d’alliance mise en place, se référer à la partie .