Séparation, divorce

Les divorces ne sont pas courants chez les Baka mais sont communément admis s’ils sont justifiés. Les séparations peuvent autant être à l’initiative de la femme que de l’homme. Celle-ci, peut en effet s’estimer insatisfaite des relations qu’elle a avec son mari, ce dernier la délaissant au profit de sa seconde épouse, par exemple. Très souvent, un événement va déclencher une situation de « crise » où les membres du village seront pris à parti. Chacune des parties ‑ j’entends par là les membres de la famille du mari, souvent les hommes, face à ceux de l’épouse, les femmes de son côté généralement ‑ va argumenter sa position. Malgré les avis parfois très divergents des uns et des autres, la décision de séparation est toujours acceptée si l’un des deux conjoints le souhaite réellement. Vient ensuite la phase de discussions sur les conditions de rendu de la dot, et la période d’attente interminable de retour de cet argent qui bien souvent ne reviendra jamais (la famille du mari floué, estime de fait que la famille de l’ex-épouse est redevable et a une dette envers eux). Que la dot soit rendue ou non, les enfants ne pâtissent pas vraiment de cette situation et circulent librement autant au sein de la lignée maternelle que paternelle, en fonction de l’âge (jusqu’à 3 ou 4 ans, l’enfant restera généralement avec sa mère), des saisons et des activités qui s’y rattachent (par exemple, le fils suivra son père à la chasse), des disponibilités des uns et des autres, etc.

La manière dont les enfants sont considérés lors des séparations, c’est-à-dire très bien traités par l’ensemble de sa parentèle, renseigne sur l’appartenance clanique de ceux-ci. Comme déjà évoqué à plusieurs reprises, la lignée maternelle revêt une grande importance aux yeux des Baka et joue un rôle capital dans les divorces ; malgré l’appellation clanique patrilinéaire et le versement de la dot, le père (et sa famille) n’a pas tous les droits sur sa progéniture (contrairement aux Fang). Aussi, cet aspect peut renvoyer à une filiation à tendance bilinéaire (au moins sur deux voire trois générations) plutôt que complémentaire au sens où l’entendent Laburthe-Tolra & Warnier (1993 : 63).

‘« Il existe des systèmes complexes qui combinent les deux modes de filiation, l’un étant avoué et l’autre, parfois, secret. Mais il ne faut pas confondre filiation complémentaire et filiation bilinéaire : dans la première, on l’a vu, seule la descendance unilinéaire a statut juridique. Dans la seconde, les deux groupes de filiation jouent chacun un rôle spécifique précis. »’

Pour autant, chez les Baka, il semble, a priori, que l’on ait affaire au mode de filiation complémentaire dans la mesure où aucun rôle spécifique de la filiation matrilinéaire n’a été répertorié. Or, les transmissions de pouvoirs religieux et symboliques dans les pratiques rituelles n’ont pas été étudiées et peuvent effectivement incomber à la famille maternelle. En outre, ce genre de pratiques demeurant dans le domaine du secret, et nécessitant une excellente compréhension de la langue pour percevoir, en profondeur, le rôle joué par chacun des acteurs, je ne me hasarderais pas à une interprétation des quelques rites auxquels j’ai pu assister.