Locuteurs perdus pour le baka

Le contrat matrimonial entre deux femmes est problématique bien qu’une seule alliance de ce type ait été contractée jusqu’à aujourd’hui. La jeune fille (f.369) est issue du village de Bitouga. Elle avait environ 12-13 ans lorsqu’elle a été mariée. Elle a donc elle-même une excellente connaissance de sa langue et peut aisément la pratiquer lors de courts séjours au sein de sa famille baka. Mais qu’en est-il de sa progéniture ? Généralement ce genre d’alliance est réalisé afin de permettre à une femme stérile de posséder des enfants ; la jeune fille étant glissée dans le lit du conjoint à sa place. Les enfants issus de cette relation entre le conjoint de la femme fang et de sa jeune épouse baka appartiendront à la lignée de la dot. Ainsi la femme fang aura tous les droits sur les futurs enfants à naître, la jeune fille baka étant réduite à la fonction de génitrice. Dans ce contexte, il paraît évident que les descendants ne seront pas des locuteurs actifs, tout au plus des individus ayant une moindre connaissance passive du baka si toutefois la « génitrice » décide de parler sa langue aux enfants et qu’elle en a la permission.

Le mariage enfantin246 est également un phénomène nouveau chez les Baka et un seul exemple a été répertorié à ce jour, à la suite de dettes contractées par un neveu, l’oncle a cédé sa fillette de huit ans (cf. partie 3.2.3.1). Cette enfant est productrice en baka mais n’a qu’une connaissance partielle de la langue. De plus, elle est sortie beaucoup trop tôt de son environnement culturel pour prétendre transmettre certaines pratiques culturelles liées au mode de vie baka. Etant donné son âge et son lieu de résidence (Oyem est situé à environ 120 km de Minvoul), elle ne peut voyager seule et donc ne retournera pas rapidement auprès de sa famille baka, même pour de courts séjours d’une semaine. L’univers fang devient donc l’unique source de repères linguistiques et culturels. Il est fort à craindre qu’elle-même deviendra une locutrice passive de sa langue maternelle si la situation ne change pas. Quant à ses enfants, ce sont des locuteurs perdus pour le baka.

Notes
246.

Raymond Mayer, communication personnelle, Laboratoire DDL, Lyon, mai 2005. Chez les Fang, ces mariages précoces pouvaient même être décidés avant la naissance de l'enfant. Cette tradition tend à disparaître aujourd'hui.