4 La culture et la catégorisation

L’étude des lexiques spécialisés est intéressante à plus d’un titre. Elle permet, entre autres, de mettre en évidence les spécificités culturelles d’une communauté, en fonction notamment de la dénomination, du développement de certains champs sémantiques (i.a. nombre de termes pour éléphant ou pour miel). Elle renseigne sur la vision du monde de la société étudiée à travers notamment la manière dont les membres de celle-ci catégorisent, associent les éléments de l’environnement qui les entoure. Or, toutes ces connaissances spécifiques et leur perception du monde pourraient bien disparaître face aux diverses pressions (exogènes et endogènes) auxquels les Baka sont confrontées. Les transformations sont parfois visibles en temps réel, certains jeunes, par exemple, éprouvent de grandes difficultés à nommer des espèces de faune pourtant très répandues et à proposer quelques classifications. La sédentarisation qui réduit, de fait, la mobilité met notamment en péril l’apprentissage de certaines techniques de chasse (grande chasse) ou de pratiques médicinales. Par ailleurs, l’étude des lexiques spécialisés permet également de confronter les données collectées aux différents modèles théoriques proposés. La validité de ces modèles est ainsi évaluée.

L’anthropologie cognitive est intéressante en ce qu’elle permet de dégager des principes communs (i.e. des universaux) dans l’appréhension du monde environnant et plus spécifiquement dans les processus de catégorisation. La contribution de Berlin à cette discipline s’avère primordiale dans ce dernier domaine et il me paraît essentiel, dans un premier temps, de présenter son travail de 1992 où il reprend les notions développées en 1967 après les avoir revisitées en fonction des différentes critiques reçues depuis la sortie de l’ouvrage. Nous verrons que malgré cela, la présentation arborescente de Berlin demeure trop rigide et propose une vision monodimensionnelle qui privilégie le critère biologique aux dépens d’autres facteurs, tel le comportement animalier perçu localement, à travers un prisme culturel, ayant un rôle non négligeable dans la société baka étudiée, société dite « de subsistance » pour reprendre les termes propres à cet auteur.Dans un second temps, je m’attacherai à présenter mes données en fonction des différents domaines étudiés comme la faune, la flore et la maladie. Je tenterai de faire correspondre les données relatives à la faune au modèle que propose Berlin afin de mieux cerner les problèmes rencontrés face à un tel modèle.Puis, dans un troisième temps, je présenterai d’autres domaines comme la chasse et la collecte du miel dans une perspective de catégorisation.Enfin, une dernière partie conclusive clôturera le présent chapitre.