L’examen des différents critères énoncés par Berlin dans son ouvrage de 1992 qui fait suite aux critiques des principes précédemment proposés en 1967, montre que plusieurs problèmes subsistent en dépit d’une réserve émise dans la préface (1992 : xii).
‘“It is of course possible that the patterns described in the following pages might be better understood in terms of some different typology. [...] Thus far, no such alternative proposals have been presented that claim to account for the full body of data now available for ethnobiological classification in general.”’Les caractéristiques mentales ne doivent donc pas être ignorées mais intégrées à l’instar des catégories proposées par les Baka. Ainsi, par exemple, l’anomalure de Beecroft (écureuil volant) est classé avec les chauve-souris car il fonctionne de la même manière (mode de déplacement et lieu d’alimentation identiques), et non avec les autres écureuils, présentant pourtant des caractéristiques physiques similaires non ignorées par les Baka. Cette dimension biologique est, par ailleurs, utilisée pour d’autres classifications (comme les singes, ou encore la loutre et la mangouste physiquement proches). Par contre, il n’existe pas de hiérarchisation de critères (aucune dimension n’est a priori prédominante), ce qui ne me semble pas vraiment surprenant de la part d’une société acéphale (cf. chapitre 3)291. Cette idée est renforcée par la notion de propriété interactionnelle dont parle Lakoff (1987 : 51) cité par Kleiber (1990 : 92).
‘« Une propriété qui […] résulte de la façon dont les êtres humains, par leur corps et leur appareil cognitif, sont confrontés aux objets : la façon dont ils les perçoivent, les imaginent, la manière dont ils organisent l’information qui porte sur ces objets, et surtout la façon dont leur corps entre en contact avec eux. »’Ainsi, le fait de connaître la culture d’une société, i.e. de prendre en considération tous les éléments qui la composent, renseigne sur leur manière de voir le monde et, de fait, de l’organiser (association, catégorisation…).
C’est finalement en m’appuyant sur le questionnement de Berlin lui-même (1992 : 4) « Why do human societies classify nature in the ways they do? », qui renvoie à la manière dont les populations voient la nature (pan cognitiviste) et la manière de l’utiliser (pan économique, utilitariste), que je vais présenter mes données suivant un modèle qui me paraît davantage en adéquation avec la culture baka. En effet, je pense que la culture, et à travers elle la manière d’appréhender le monde, qu’a une société est indissociable de son environnement (lien très étroit) et de son mode de vie (sédentaire versus nomade).
Même si les anciens sont considérés différemment (un savoir supérieur du fait de leur âge et donc de leur expérience leur est reconnu), ils n’ont pas de pouvoir décisionnel supérieur aux autres membres de la communauté.