Le concept de « grande chasse » [màkā] peut recouvrir diverses situations où un certain type de gros gibier tué confère au chasseur le statut de tuma, grand maître de chasse. Les animaux concernés sont l’éléphant, le gorille, la panthère et le buffle. Hormis pour ce dernier où il est nécessaire d’en avoir abattu au moins deux, l’homme ayant réussi à tuer ne serait-ce qu’un seul spécimen de ces animaux dangereux sera dorénavant considéré comme un tuma. C’est en quelque sorte l’accomplissement suprême d’un chasseur. Ce concept intègre, ou intégrait297, des cérémonies de préparation de chasse dont kose, l’esprit de la chasse était le bienveillant (cf. partie 3.1.3).
Cette catégorie est composée d’espèces différentes – bien qu’appartenant toutes aux mammifères, ce concept n’a pas de réalisation précise chez les Baka – espèces qui sont, par ailleurs, regroupées avec d’autres scientifiquement plus proches. Parmi ces animaux, l’animal qui pourrait être considéré comme prototypique de cette grande chasse est le plus imposant du règne des mammifères terrestres, c’est-à-dire l’éléphant, et ceci pour différentes raisons. La première est la grande quantité de viande présente sur cet animal qui permet de nourrir plus d’une centaine de personnes pendant plusieurs semaines. La seconde est liée à l’attitude qu’observent les Baka face au gorille ou à la panthère, affirmant tuer ces animaux uniquement en cas d’extrême nécessité, en situation de danger de mort. Quant au buffle par contre, réputé très dangereux car il est très rapide et charge instantanément, il reste moins difficile à abattre que l’éléphant, le gorille ou la panthère ; pour preuve, il est nécessaire d’en avoir abattu deux spécimens pour prétendre être un tuma contrairement aux autres espèces de cet ensemble. Ainsi, en cas de besoin, un membre de la communauté peut faire appel au(x) tuma du village298 pour demander que celui-ci (ceux-ci) parte(nt) à la grande chasse, sous entendu « chasser un éléphant » afin d’assurer une grande quantité de viande aux familles en question (cf. récit de cérémonie fin de deuil). C’est pour ces diverses raisons que seul l’éléphant a été retenu ici, les autres animaux étant présentés ultérieurement (cf. infra).
Il existe un terme générique pour l’éléphant : [ìjà]. C’est un animal redouté pour sa puissance et sa rapidité de déplacement en forêt malgré sa grande taille.
Comme évoqué dans le chapitre précédent, certaines pratiques rituelles tendent à disparaître du fait de la sédentarisation ; l’ancien campement de forêt cerné de végétation luxuriante est remplacé par un village découvert, dégagé de toute végétation. Ce nouvel environnement est peu propice aux rites ancestraux issus du cœur de la forêt « parentale » (pour plus de détails cf. Turnbull, 1962 : 92).
Contrairement à certaines idées reçues, il n’y a aucune raison de penser que plusieurs tuma ne peuvent pas cohabiter au sein d’un même village. Un tuma est un maître de la chasse. Cependant, il n’est pas considéré comme un chef, cf. chapitre précédent. La société baka demeure encore, de nos jours, une société acéphale.