Tranformations

Même si la majeure partie de ces techniques de chasse sont, encore de nos jours, d’actualité, il n’en demeure pas moins que les armes ont beaucoup évolué. En effet, la chasse au fusil – [mókòβī] ou [ŋgālè], voire [kòŋgà] signifiant « fer » et par extension « fusil » – tend à supplanter la chasse à la sagaie [mbɛ́ŋgà]. Dorénavant, il n’est plus envisagé aujourd’hui de partir chasser l’éléphant avec une sagaie, voire même une pointe de sagaie enfoncée dans le fusil. Cette dernière pratique, encore utilisée par Famda en 2004, a certainement favorisé l’extension sémantique du terme [mbɛ́ŋgà] « sagaie » à « cartouche » ; elle est une étape technologique intermédiaire entre la sagaie et le fusil calibre 12, entre autres, fourni par les Bilo voisins. Il devient ainsi de plus en plus rare d’observer des chasseurs, ou des groupes de chasseurs, partir à la chasse sans fusil, même si certains Baka continuent de fabriquer des sagaies, cf. vidéo 7, annexe DVD (pointe simple, à gauche de la photo ci-dessous). Il peut également s’agir d’autres types de pointe de lance, non retirable [à̰ŋgāmbā], par exemple, comme celles à l’extrémité droite de la photo ci-dessous.

Figure 78. Outils en fer dont deux types de pointe de sagaie
Figure 78. Outils en fer dont deux types de pointe de sagaie

L’évolution des armes est donc réelle et ne concerne pas uniquement la grande chasse, ce qui entraîne des conséquences plus ou moins importantes pour la communauté.

  • Les Baka, n’ont pour la plupart d’entre eux pas les moyens d’acquérir une telle arme. Ils se retrouvent ainsi davantage dépendants des Bilo voisins qui vont leur en procurer une en échange de gibier, par exemple.
  • La gestion du gibier n’est plus la même, car les Baka peuvent tuer à présent jusqu’à cinq singes avec une seule balle. Le mandrill, par exemple, a la particularité de se déplacer à terre en groupe, donc lorsque le coup de feu provoque l’éclatement des grenailles, à condition que le chasseur soit suffisamment proche du groupe visé, les grenailles peuvent atteindre plusieurs singes d’un seul et unique coup.
  • L’éducation à la chasse des jeunes change, de fait, car les balles sont chères et les Baka ne peuvent se permettre de les gaspiller. Aussi, le jeune Baka devra-t-il attendre l’âge de 13-14 ans, voire plus, suivant son habileté, pour utiliser le fusil. Il est même souvent question que le jeune achète lui-même ses propres cartouches et emprunte un moment le fusil disponible.

C’est notamment pour ces diverses raisons que la majorité des Baka continuent, encore de nos jours, à fabriquer des sagaies (l’arc et/ou l’arbalète n’ont pas été observés dans cette région, même si les termes ont été récoltés, cf. ci-dessous). Cela permet, par ailleurs aux jeunes enfants de s’entraîner à moindre coût, à l’instar du lance-pierre ou autres piégeages.