Genèse du sujet

Ce sujet s’inscrit dans la continuité d’une réflexion engagée sur la problématique économique de la filière fruits de la Moyenne Vallée du Rhône depuis 2002 par une équipe de recherche pluridisciplinaire. Le premier travail fut mené dans le cadre d’un programme PSDR II6, coordonné par Jean Pluvinage de 2002 à 2005. Rassemblant des agronomes et des socio-économistes, ce projet s’est attaché à évaluer la possibilité d’une meilleure valorisation des fruits par leur qualité (Pluvinage et al., 2005). Les conclusions de ce travail montrent que la « qualité » des fruits est un paramètre éminemment variable et insaisissable, d’abord parce que les conditions techniques et agronomiques de son élaboration dépendent de nombreux aléas difficilement maîtrisables (la météo, le savoir-faire du producteur, la variété, etc.), ensuite parce que sa définition dépend des représentations des acteurs interrogés et de leurs stratégies de mise en marché. Cela conduit finalement à envisager la qualité des fruits non pas comme une donnée stable objectivable mais plutôt comme une variabilité qui est gérée de différentes manières selon les organisations de mise en marché7. A partir de ces résultats, deux nouvelles hypothèses de recherche ont été formulées. La première postulait qu’une organisation interrégionale, rassemblant les grands opérateurs de fruits d’été français, permettrait de valoriser au mieux les fruits de qualité standard sur les marchés nationaux et exports. La seconde postulait en revanche qu’une organisation territoriale serait adaptée pour valoriser la diversité des espèces et des qualités produites dans un même bassin de production sur un marché régional.

Cette seconde hypothèse a donné lieu à un programme de recherche porté par l’ISARA-Lyon et financé dans le cadre des projets Emergence8 de la région Rhône-Alpes de 2005 à 2008, dans lequel s’inscrit cette thèse. Elaboré par Carole Chazoule, Jean Pluvinage et Claire Delfosse, il avait pour objectif « d’interroger les différentes formes de qualification territoriale valorisantes possibles au sein d’une production encore très standardisée, industrielle et peu différenciée : la filière fruits rhône-alpine »9. L’hypothèse centrale du projet postulait que l’efficacité économique était à trouver dans la reconnaissance d’une pluralité de formes de relations entre production et marché, donc d’une pluralité de qualifications à une pluralité d’échelles. Il s’agissait d’interroger les conditions d’émergence de ces nouveaux rapports entre productions, territoires et marchés, qui pourraient constituer une réelle voie de sortie de crise pour l’arboriculture régionale tout en transformant le modèle productif dominant10.

Notes
6.

Programme Pour et Sur le Développement Régional, piloté par l’INRA et co-financé par l’INRA et les régions concernées.

7.

Ce résultat a donné lieu à une publication, dont nous détaillons les apports dans le chapitre 1(Dubuisson-Quellier et al., 2006).

8.

Les projets Emergence sont des appels d’offre pilotés et financés par la Région Rhône-Alpes, pour des programmes de recherche qui doivent être innovants, appliqués, construits en partenariat avec des acteurs socio-économiques.

9.

Réponse à appel à projet Emergence, 2005, p 3. Plus précisément, la question scientifique était fondée sur deux postulats, issus des enseignements du programme PSDR II. Le premier constatait que c’est l’inefficacité économique du modèle unique de qualification (modèle standard) qui est à l’origine des crises récurrentes de la filière. Le second considérait que la qualification par des démarches de SIQO ou par la vente directe demeurait réservée à des cas de niche.

10.

Pour reprendre précisément la question de recherche formulée dans la réponse à appel à projet Emergence : « Quels seraient les conditions nécessaires au développement de coordinations (voire d’organisations) qui permettraient collectivement aux opérateurs économiques en concurrence de définir un territoire pour l’utiliser dans la valorisation différentielle de la pluralité des espèces et des qualités des fruits produits sur ce territoire ? »p. 5-6.