Approfondissements thématiques ou locaux (2007)

Les trois éléments révélés ont permis d’orienter la poursuite des travaux menés au cours de l’année 2007. Le premier concerne les initiatives collectives de valorisation territoriale, qui ont finalement toutes échoué. Ce constat a nécessité d’approfondir l’explication de ce phénomène par quelques enquêtes complémentaires auprès du centre INAO de Valence, par l’analyse de la bibliographie concernant les autres démarches existantes en France, et par l’étude du cas de la vallée de l’Eyrieux47.

Le second élément révélé concerne les stratégies de mise en marché développées par les exploitations arboricoles. Les producteurs déploient plusieurs formes de commercialisation dont certaines sont non seulement mal connues empiriquement, mais également peu étudiées scientifiquement. Nous avons donc fait le choix de mener des enquêtes complémentaires sur ces circuits de mise en marché. D’abord, deux petits grossistes locaux ont été enquêtés. Ensuite, les marchés de production et les pratiques de vente directe ont fait l’objet d’études ciblées. Les deux marchés de production restant en Moyenne Vallée du Rhône ont d’abord été enquêtés durant l’été 2007, en plein fonctionnement : celui de Pont-de-l’Isère (26) et celui de Chanas (38). L’objectif était de comprendre le rôle qu’ils avaient aujourd’hui dans les circuits commerciaux du bassin, quels producteurs les fréquentaient et pourquoi, quels acheteurs y venaient et pour quelles raisons. L’enquête a été réalisée sur place, avant l’ouverture des transactions auprès des producteurs vendeurs, et ensuite auprès des acheteurs. Au total sur les deux marchés, dix-huit producteurs-vendeurs ont été interrogés, huit acheteurs, un grossiste-revendeur ainsi que cinq personnes chargées du fonctionnement de ces marchés (responsables, garde, « peseur », régisseur). Ensuite, deux séries d’enquêtes spécifiques ont été menées sur la vente directe. L’enjeu était de mieux cerner ce que recouvrait cette pratique : quels producteurs faisaient de la vente directe, comment, depuis quand, quels liens au territoire étaient valorisés ? Il s’agissait de comprendre si cette pratique était seulement un artefact conjoncturel ou plutôt une tendance forte en augmentation, questionnant alors le modèle d’organisation actuel du bassin. Aussi, une première enquête a été réalisée en saison, en août 2007, auprès de quinze stands de vente de fruits visibles au bord de la route. Puis une seconde enquête approfondie a été menée, par des entretiens semi-directifs conduits par des étudiants de l’ISARA-Lyon en hiver 2007-2008 auprès de dix-neuf producteurs pratiquant la vente directe.

Enfin, le troisième élément issu des travaux de 2006 concerne le besoin de connaître davantage les pratiques et perceptions des consommateurs locaux et régionaux vis-à-vis des fruits. Certes, réaliser une véritable étude des consommateurs et de la consommation régionale aurait nécessité des moyens que nous n’avions pas. Néanmoins, par le biais d’opérations pédagogiques de l’ISARA-Lyon48, des étudiants ont pu être mobilisés pour réaliser des enquêtes qualitatives auprès des consommateurs. Les questionnements portaient sur leurs différentes pratiques d’achat de fruits (notamment sur les circuits de proximité), leurs connaissances et représentations des fruits régionaux. L’opération ayant été répétée durant trois ans, au total 97 consommateurs de la région lyonnaise ont été enquêtés (en 2005 et 2006) ainsi que 41 consommateurs du Nord Drôme (en 2007). En outre, une enquête qualitative a été réalisée par nous même à Valence, auprès de 18 passants venus déguster des fruits sur le stand des Jeunes Agriculteurs en juin 2007. Le questionnement portait sur les pratiques et motivations d’achat de fruits et notamment de fruits locaux.

L’ensemble de ces approfondissements a conforté les premiers éléments issus de l’enquête systématique de 2006 : la diversité de circuits de commercialisation utilisés par les producteurs apparaissait fondamentale pour expliquer le maintien de la viabilité économique des exploitations. Est-ce un simple effet de conjoncture, lié à la crise actuelle, ou cela révèle-t-il une tendance de fond qui transforme le bassin de production ? Nous avons eu besoin de tester ce résultat auprès de quelques acteurs clefs du bassin pour vérifier sa portée.

Notes
47.

Cette vallée a fait l’objet d’un mémoire de Master I ‘Etudes Rurales’ du LER de l’Université Lyon II réalisé par Pierre Caritey. Il a réalisé un travail de synthèse sur la naissance, le développement et finalement la crise de l’arboriculture dans cette vallée qui pourtant rassemblait de nombreux atouts pour prétendre à un signe de qualité (Caritey, 2007). L’histoire spécifique de cette vallée est riche d’enseignements pour analyser l’articulation entre les initiatives locales et la dynamique d’ensemble du bassin de production.

48.

Dans le cadre d’un module d’enseignement intitulé « techniques d’enquêtes sociologiques » qui concerne les étudiants en 3ème année d’école.