a) Carrefour topographique et pédo-climatique

Les deux géographes ont insisté sur la violence des contrastes physiques dessinant cette région, les analysant finalement comme un facteur d’unité de cet espace83. Les caractéristiques géologiques, topographiques et climatiques dessinent une très grande diversité de conditions pédo-climatiques plus ou moins favorables à la culture fruitière.

La Moyenne Vallée du Rhône constitue un carrefour géologique entre le Massif Central et celui des Alpes, séparés par le puissant fleuve Rhône. Du point de vue géologique (Bornand, 1972), la différence entre les deux rives est frappante (Annexe 4). Sur la rive droite s’étendent les roches cristallines caractéristiques du Massif Central. La rive gauche est constituée soit par des matériaux mollassiques miocènes, soit par des formations alluviales ou morainiques quaternaires.

Le contraste entre les rives s’exprime également en termes de topographie (Annexe 5). La bordure du Massif Central forme la rive droite, contre laquelle le fleuve est repoussé par les apports alluviaux des Alpes. Elle est étroite et abrupte, constituée de coteaux au-delà desquels s’étend le plateau du Vivarais ardéchois, entre 300 et 700 mètres d’altitude. Ce plateau encore appelé montagne ardéchoise est percé par des vallées escarpées rejoignant le Rhône (l’Eyrieux (Photo 2), le Doux, la Cance sont les principales concernées par l’arboriculture). La topographie de la rive gauche est plus variée. Du Nord au Sud, elle est constituée par la plaine de Saint-Rambert-d’Albon (Photo 3), la section épigénique du défilé de Saint-Vallier (Photo 4), puis la plaine de Valence (Photo 5). L’arrière pays drômois est également plus diversifié. Toujours du Nord au Sud, on distingue d’abord la Drôme des Collines, correspondant à un relief de petites collines traversées par des vallées rejoignant le Rhône (la Valloire, la Galaure) et l’Isère (l’Herbasse). Plus au sud, la plaine de Valence s’étend jusqu’aux contreforts du Vercors (Monts du Mâtin). Ensuite, c’est la vallée de la Drôme, qui remonte à partir de Livron-sur-Drôme vers l’Est tout en s’escarpant, jusqu’au Diois.

Photo 2: Vallée de l'Eyrieux, en aval de Saint-Sauveur-de-Montagut

Cliché C. Praly, avril 2006.

Photo 3: Plaine de Saint-Rambert-d'Albon et montagne ardéchoise

Cliché C. Praly, avril 2006.

Photo prise depuis la Tour d’Albon, en direction de l’ouest. Au premier plan, plaine de Saint-Rambert-d’Albon. Au second plan, coteaux et montagne ardéchoise. Le Rhône passe au pied des coteaux.

Photo 4: Défilé épigénique de Saint-Vallier, photo aérienne prise en direction du Sud

Cliché Alain Coustaury. juin 2006.

Sur la rive droite, au premier plan, le village de Sarras et les contreforts de la montagne ardéchoise. Sur la rive gauche, la ville de Saint-Vallier située entre le fleuve et les coteaux formé par le défilé épigénique (granitique). A l’arrière-plan, le défilé se termine au niveau de la ville de Tain-l’Hermitage (rive gauche). Le sommet du défilé, sur la rive gauche, forme un plateau recouvert de loess, le plateau de larnage.

Photo 5: Plaine du nord de Valence et coteau ardéchois en arrière plan

Cliché C. Praly, mars 2006.

La Moyenne Vallée du Rhône est aussi le lieu de rencontre entre le climat méditerranéen, qui se fait sentir jusqu’à Valence, le climat continental qui descend du Lyonnais et le climat montagnard des plateaux ardéchois. Cela se traduit par trois grandes caractéristiques influençant la culture fruitière. D’abord, les températures et les précipitations sont inégalement réparties entre le nord et le sud de la vallée et entre la vallée et les plateaux montagneux. Ensuite, le vent est important, surtout le vent du Nord qui souffle environ cent jours pas an (Bornand, 1972). Froid l’hiver, sec et violent en été, il dessèche l’atmosphère et le sol. Enfin, les gelées printanières et la grêle sont des évènements fréquents84.

Dans ce paysage, les cultures fruitières sont principalement situées sur les sols d’alluvions de la vallée du Rhône et des vallées affluentes les plus vastes (Isère, Drôme, Eyrieux, Valloire), ainsi que sur les plaines d’alluvions anciennes de Valence et de Saint-Rambert-d’Albon. On en trouve également sur le plateau ardéchois. Le pêcher qui exige des sols filtrants et bien drainés est cultivé sur les plaines et terrasses rhodaniennes et sur les sols peu profonds et filtrants sur granite du Vivarais moyen (ensuite l’altitude devient limitante). Les pommiers et poiriers qui s’accommodent d’un drainage moyen occupent des sols limoneux, plus profonds, à meilleures réserves en eau développés sur les alluvions récentes et les formations loessiques des berges du Rhône. L’abricotier qui nécessite des sols aérés et bien drainés est situé dans la petite région peu gélive autour du défilé de Tain-Tournon et sur les pentes du Vivarais. Le cerisier, plus rustique, se rencontre partout. Il s’accommode de tous types de sol. Mais l’arboriculture n’est pas la seule activité humaine qui occupe les sols des vallées.

Notes
83.

Pour Daniel Faucher « la complexité des accidents du sol fait une part de l’originalité de la région et, pourrait-on dire, une part aussi de son unité » (1927, p. 96). Près de cinquante ans plus tard, Jacques Béthemont constate que « le trait commun du couloir rhodanien est la violence : violence du fleuve, des climats, des reliefs, des crises démographiques. » (1972, p.124).

84.

D’après M. Bornand (1972) des gelées sont relevées trois années sur dix sur les terrasses de la plaine de Valence et le couloir entre Loriol et Tournon subit des orages de grêle trois années sur dix également.